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Déclaration historique du 19 octobre 2013 de M. l’abbé Pinaud

par | Fév 28, 2014 | Abbé Pinaud, Déclarations de prêtres

PICT0371Grâce à l’audace d’un jeune avocat s’appelant Jean-Marie Le Pen, la France a pu entendre des extraits de l’enregistrement de la Déclaration historique du 2 février 1963 du colonel Jean-Bastien Thiry lors de son procès politico-gaulliste.

De même, grâce à l’aide d’un fidèle et d’un prêtre, un micro introduit dans les lieux a pu enregistrer un moment historique du procès politico-fellaysien de M. l’abbé Pinaud. Le site lasapinière.info est heureux de pouvoir vous le faire partager.

Il s’agit de la Déclaration finale de M. l’abbé Pinaud devant ses juges, le samedi 19 octobre 2013 à 14 h à Schlieren (Suisse). Le son n’est pas toujours parfait mais le tout est parfaitement audible. Le texte de cette Déclaration se trouve dans le livre de M. l’abbé Pivert : Quel droit pour la Tradition catholique ? Actes des procès des abbés Salenave et Pinaud. Malgré ses huit mois de suspension de ministère sacerdotal, d’exil et d’épreuves, la voix de M. l’abbé Pinaud est forte et maître d’elle-même.

La lettre à Mgr Fellay du 28 février 2013 avait déjà démasqué la forfaiture humaine et doctrinale de Mgr Fellay. La Déclaration finale de M. l’abbé Pinaud, elle, la prouve. Il convenait donc en ce jour anniversaire de lier ces deux documents tragiques mais aussi historiques.

Vous pouvez télécharger le mp3 ici

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« Messieurs les membres du tribunal,

Le 30 septembre 2013, j’ai reçu une Réponse à ma Défense et je voudrais y apporter les remarques suivantes :

– Plusieurs questions de ma Défense demeurent toujours sans réponse, notamment, celle, importante, qui concerne les critères de choix du juge.

On constate habituellement que les tribunaux d’exception ne jugent pas selon le droit contre le crime, mais selon la raison d’État contre la rébellion. Nul n’ignore que le tribunal devant lequel je comparais a été fabriqué pour l’occasion. Quelles sont les garanties de son impartialité ?

– Je constate encore que la lettre non signée du 26 septembre 2013 qui me convoque à cette comparution, m’annonce la réunion de trois juges. Mais à plusieurs reprises la Réponse à ma Défense s’en remet à la décision du juge. Y a-t-il trois juges ou un seul juge ?

Le fonctionnement de ce tribunal me paraît également déconcertant. En effet, n’est-ce pas une situation psychologique difficile, et qui favorise l’arbitraire, qu’une même personne, M. l’abbé Quilton, assume la rédaction de l’acte d’accusation puis le rôle de juge ? Cette raison, à elle seule, rend le nouveau code inapplicable en matière de procédure pénale, surtout quand il n’y a pas les garanties offertes par le recours à la juridiction supérieure.

Après ces remarques importantes, je voudrais apporter les précisions suivantes :

I. En ce qui concerne ma participation au site lasapinière :

Je maintiens les termes de ma Défense et nie catégoriquement la moindre participation à ce site comme à tout autre.

Vouloir m’accuser d’une prétendue participation au site lasapinère en raison de la correction « de quelques fautes orthographiques inadmissibles » révélée par la violation d’un message privé adressé à M. l’abbé Rioult, c’est ne pas tenir compte de la désapprobation que j’exprime, dans ce même message, sur le possible mode de diffusion de cette lettre à Mgr Fellay du 28 février 2013.

L’accusateur estime que cette phrase est ‘probablement’ ironique, mais il ne peut en faire la preuve. Il est donc injuste de me reprocher cette diffusion, d’autant que le témoignage de M. l’abbé Rioult sur ce point est clair et précis.

II. À propos de la lettre à Mgr Fellay du 28 février 2013 :

Je maintiens les termes de ma Défense :

« Je n’ai nullement inspiré le projet de cette lettre à Mgr Fellay du 28 février 2013. Je ne l’ai pas rédigée, je ne l’ai pas diffusée et je puis ajouter que je ne l’aurais pas rédigée ni diffusée, si celui qui en a pris l’initiative ne l’avait pas prise. »

Sur ce point aussi, le témoignage de M. l’abbé Rioult ne peut être plus clair et plus précis.

Le message adressé à M. l’abbé Rioult qui dit : « Il me semble pouvoir dire que ce document est nettement meilleur que le précédent parce que plus précis et plus méchant… finalement je ne vois pas de modification à apporter » est un jugement privé exprimé dans un courrier privé. Qu’est-ce donc si ce n’est une opinion privée ?

Si « votre tribunal ne juge pas des opinions privées des confrères… », je vous prie d’en tirer les conséquences. Et si les jugements portés à l’encontre des Supérieurs par la Plaidoirie en la cause « ne relèvent pas directement de ce procès », je me demande bien ce que juge ce procès. Je ne peux pas croire, en effet, que la non-rédaction et la non-diffusion de « quelques fautes d’orthographe inadmissibles » nécessitent huit mois d’attente pour être jugé.

Huit mois de suspension de ministère sacerdotal pour la correction de « quelques fautes d’orthographe inadmissibles » !

Car je nie cette coopération immédiate qui m’est reprochée par l’accusation. Un correcteur, en effet, n’est jamais considéré comme un co-auteur. Un correcteur n’a aucun droit d’auteur, il n’a aucun des droits de l’auteur. C’est l’auteur et éventuellement son éditeur qui assument la responsabilité, jamais un correcteur. Il s’agit donc bien ici d’une coopération éloignée seulement, car l’orthographe est secondaire par rapport à l’expression de la pensée. J’ai évoqué dans ma Défense une coopération matérielle insignifiante, parce que l’orthographe n’est pas indispensable à l’expression d’une idée qui, elle, est le formel de la rédaction d’un document.

L’accusation invoque une analogie entre la coopération et le péché matériel ou formel pour nier que la correction de quelques fautes d’orthographe soit une insignifiante participation matérielle. C’est confondre le for interne et le for externe, et faire de ce tribunal un confessionnal. L’analogie employée par la Défense est à comprendre tout simplement en lien avec les principes de la nature, et non avec le péché. L’orthographe est à la pensée exprimée par les mots ce que la matière est à la forme dans les êtres naturels.

Ainsi, le principe que la sédition est soit l’acte, soit sa préparation vaut bien en morale, mais il ne vaut pas sur le plan pénal. Le canon 2344 du code de 1917 parle bien d’actes, et même d’actes publics, et non de leur préparation. Il n’y a pas de délit à préparer une sédition, mais seulement à la commettre[1].

III. Au sujet des passages de courriers privés publiés sur Internet :

D’abord je rappelle que je suis interdit d’accès à internet depuis le 10 mars 2013. Ensuite, l’acte d’accusation ne s’appuie sur aucune preuve lorsqu’il affirme que je pouvais prévoir sans peine que la lettre du 10 juin allait être publiée. Et il est faux d’affirmer dans votre dernière réponse que je n’ai pas abordé le fait de leur publication.

Je maintiens les termes de ma Défense : « Leur parution sur Internet est totalement indépendante de ma volonté et je ne suis nullement responsable de l’interprétation et des modifications qui ont pu être apportées au texte initial. Je n’assume aucune responsabilité quant à leur publication sur Internet, dont je n’ai été informé à aucun moment. »

Enfin, affirmer que la publication de la seconde lettre est volontaire in causa manifeste de nouveau cette confusion entre le for interne et le for externe. On voit très bien comment le péché peut être volontaire in causa, mais on voit mal comment le délit pourrait l’être. Ici, l’action de publier un courrier n’est éventuellement un délit que pour celui qui le publie.

IV. En ce qui concerne la légitimité des preuves :

Il est normal que la légitimité des preuves occupe une place importante dans ce procès, puisque ces preuves ont été obtenues par des actes répréhensibles et immoraux.

Pourquoi la Réponse à ma Défense me prête-t-elle des intentions malveillantes lorsqu’elle affirme que je « mêle habilement deux événements distincts » ? Ces événements ne sont pas « mêlés habilement » par la Défense, mais par les faits eux-mêmes : il s’agit d’actions qui semblent avoir été commises par la même personne, à partir des mêmes moyens.

Ma Défense a bien distingué ces deux moyens utilisés :

– l’usurpation de mon identité et les faux et usage de faux qui en ont été faits.

– le piratage de la messagerie de M. l’abbé Rioult.

Il conviendrait encore, pour être complet, de mentionner l’usurpation de l’identité de M. l’abbé Rioult. Une usurpation gratuite, puisqu’elle semble ne pas avoir été utilisée pour créer des faux et en user. Mais cette usurpation est un fait absolument certain.

Je comprends bien que l’usurpation de mon identité, et les faux et usage de faux qui ont été commis à partir de cette identité usurpée, ne sont pas retenus, puisque d’une part ils n’ont rien révélé à charge et que d’autre part ils restent moralement condamnables. Mais les faits sont là, malheureusement.

Comment ne pas s’étonner de la légèreté de la Réponse apportée à ma Défense sur l’illégitimité de l’usurpation d’identité :

« L’acte d’accusation a exposé les motifs pour lesquels il renonce à cette seconde source d’information, il n’y a donc pas lieu d’y revenir. »

Que l’accusateur ne souhaite pas y revenir, cela peut se comprendre pour lui, car c’est un fait extrêmement grave. Mais la victime, elle, comment doit-elle réagir à ces violations ? Comment puis-je accepter comme membre de ce tribunal un accusateur, de surcroît professeur de théologie morale, qui prétend défendre la moralité d’une telle action évidemment immorale ? Comment un juge qui accepte cette action immorale peut-il représenter une autorité qui reconnaît elle-même qu’elle a commis de tels délits ?

Une telle complicité discrédite complètement votre tribunal.

Le 30 août 2013, M. l’abbé Thouvenot, Secrétaire Général de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, n’a pas hésité à affirmer à M. […], l’un des laïcs abusés par les faux de M. l’abbé Wailliez, que ces actes étaient conformes à la morale catholique. L’action de ceux qui sont impliqués dans cette affaire est autrement plus grave que les faits qui me sont reprochés. C’est une honte et un scandale.

V. Au sujet de l’accusation de sédition :

L’accusation justifie moralement la violation de la correspondance privée de M. l’abbé Rioult, au titre de la lutte contre la sédition. Mais cette sédition n’est pas prouvée par l’accusation, elle est seulement réputée évidente.

Par exemple, lorsque la légitimité des preuves est exposée, c’est sur la base que « l’abbé Rioult apparaîtra pour un séditieux avéré ». Ou encore, l’accusateur affirme que « la prétendue lettre des trente-sept ne porte pas sur la doctrine et la foi, mais est purement polémique ». C’est un peu rapidement affirmé. Soit la sédition est avérée, soit elle ne l’est pas.

Si elle est avérée, par quel jugement ? S’il n’y a pas de jugement, alors comment affirmer que l’accusation n’est pas déjà un jugement, puisqu’elle tranche sans examen la question dont tout dépend ? Si la sédition n’est pas avérée, comment se dispenser de juger du fond, en examinant les motifs qui ont poussé M. l’abbé Rioult à agir ?

Il faut en effet, au préalable, définir ce qu’est la sédition, pour que cette affirmation de ‘lutte contre la sédition’ puisse être recevable.

Qu’est-ce que la sédition ? Qui peut être qualifié de séditieux ? Si j’ai bien compris le corpus de l’article 2 de la question 42 de la II-II :

Être séditieux, c’est porter atteinte à l’unité en ne respectant pas le droit et le bien commun.[2]

Qui a porté atteinte à l’unité de la Fraternité ? Quelles sont ces actions qui ont dressé une partie de la Fraternité contre l’autre ?

Dès octobre 2011 Mgr de Galarreta écrivait :

« Pour le bien de la Fraternité et de la Tradition, il faut refermer au plus vite la ‘boîte de Pandore’, afin d’éviter le discrédit et la démolition de l’autorité, des contestations, des discordes et des divisions, peut-être sans retour. »

Mgr Fellay a reconnu lui-même que son action risquait de diviser la Fraternité, puisqu’il confiait à CNS le 12 mai 2012 : « Je ne peux pas exclure qu’il pourrait y avoir une scission. »[3]

Qui a porté atteinte à l’unité de la Fraternité en ne respectant pas son droit ? Ce droit avait été défini par le Chapitre de 2006 qui déclarait :

« En effet, les contacts qu’elle entretient épisodiquement avec les autorités romaines ont pour seul but de les aider à se réapproprier la Tradition que l’Église ne peut renier sans perdre son identité, et non la recherche d’un avantage pour elle-même, ou d’arriver à un impossible ‘accord’ purement pratique. »[4]

Mgr Fellay reconnaîtra lui-même dans une conférence de juin 2012 à Écône : « Si c’est le Chapitre qui traite, c’est une loi qui vaut jusqu’au prochain Chapitre. »

La précision apportée par le Conseil Général dans sa réponse à la lettre des trois évêques (14 avril 2012) : « Qu’il soit noté au passage que nous n’avons pas cherché un accord pratique. Cela est faux. Nous n’avons pas refusé a priori, comme vous le demandez, de considérer l’offre du pape », n’exonère pas d’une désobéissance au Chapitre de 2006, parce que ce Chapitre déclarait « impossible un accord purement pratique ».

Les rapports doctrinaux ayant abouti à un échec, reconnu de part et d’autre, les prescriptions du Chapitre de 2006 ne permettaient pas de succomber à l’offre du pape. L’unité de la Fraternité a été détruite parce que son droit exprimé par le Chapitre de 2006 n’a pas été respecté.

Qui a porté atteinte au bien commun de la Fraternité ? Sinon son Supérieur Général et ses Assistants Généraux, lorsqu’ils écrivent :

« Pour le bien commun de la Fraternité, nous préférerions de loin la solution actuelle de statu quo intermédiaire, mais manifestement, Rome ne le tolère plus. »[5]

Mgr Lefebvre nous a dit :

« Ce qui nous intéresse d´abord c’est de maintenir la foi catholique. C’est cela notre combat. Alors la question canonique, purement extérieure, publique dans l’Église est secondaire. Ce qui est important c’est de rester dans l’Église… dans l’Église, c’est-à-dire dans la foi catholique de toujours et dans le vrai sacerdoce, et dans la véritable Messe, et dans les véritables sacrements, dans le catéchisme de toujours, avec la Bible de toujours. C’est cela qui nous intéresse. C’est cela qui est l’Église. D’être reconnu publiquement, cela c’est secondaire. Alors il ne faut pas rechercher ce qui est secondaire en perdant ce qui est primaire, ce qui est le premier objet de notre combat ! »[6]

« Le lien officiel à la Rome moderniste n’est rien à côté de la préservation de la foi ! »[7]

Le bien commun de la Fraternité a encore été gravement malmené par les nombreux exemples d’ambiguïtés et de double langage, qui discréditent l’autorité. Au sujet de ce double langage, un confrère m’écrivait le 27 avril 2013 : « J’approuve cette lettre des 37 du fond du cœur et je pourrais encore y ajouter d’autres griefs de double langage. » J’ai rapporté dans ma Défense ces paroles du deuxième Assistant Général : « Le seul problème dans la Fraternité, c’est Mgr Fellay, avec son discours ad intra et son discours ad extra. »

« Constater qu’on vous ment, écrivait Hélie de Saint-Marc, est l’une des expériences les plus cruelles pour un subordonné. »

Est-il vrai que la lettre que Mgr Fellay a envoyée au cardinal Hoyos le 15 décembre 2008 est différente de ce qu’il a ensuite fait connaître à la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X ?[8]

La sédition est là, dans cette atteinte à l’unité de la Fraternité par le non-respect de son droit et de son bien commun le plus précieux. Saint Thomas affirme que :

« Le péché de sédition appartient d’abord et à titre de principe à ceux qui excitent la sédition. » II-II q. 42 a. 2 c.

Et la réponse à la troisième objection, qui définit le régime tyrannique comme étant : « Celui qui n’est pas juste, parce qu’il ne tend pas au bien commun… », précise que « c’est davantage le tyran qui est séditieux. »[9]

En l’occurrence, la sédition, plutôt que d’être le fait de celui qui pointe le danger du doigt, elle est le fait de ceux qui ont promu injustement ces nouvelles lignes de conduite de notre Fraternité. A savoir :

a) Le non-respect des prescriptions du Chapitre de 2006.

b) L’abandon du bien commun de la Fraternité sous la pression romaine, tel qu’il est exprimé par la lettre du 14 avril 2012 du Conseil Général de la Fraternité aux trois évêques.

c) La Déclaration du 15 avril 2012, tenue cachée pendant un an aux membres de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, et toujours officiellement non publiée à l’usage de ses fidèles.

Voilà toutes les raisons qui ont détruit l’unité de la Fraternité en portant atteinte à son bien commun et à son droit exprimé par le Chapitre de 2006.

C’est là, et nulle part ailleurs, qu’il faut chercher l’entreprise séditieuse.[10]

« Être séditieux, c’est porter atteinte à l’unité en ne respectant pas le droit et le bien commun », enseigne saint Thomas, et c’est seulement maintenant que peut être cité le passage suivant de ce même article de la question 42 de la II II :

« Quant à ceux qui défendent le bien commun en leur résistant, ils ne doivent pas être appelés séditieux. »[11]

Cette même citation réfute encore l’inacceptable affirmation de l’Acte d’accusation (Chap. 5, § 3) qui prétend que :

« Ce péril pour la foi, quand bien même il aurait été réel, ne permettait pas d’inciter les sujets à la rébellion ».

Par quels arguments l’attitude du fondateur de notre Fraternité pourrait-elle alors désormais être justifiée ?

Et ne me dites pas que vous vous déclarez incompétents sur ce sujet. Car alors vous seriez incapables de déclarer quels sont les actes de sédition. Si vous vous reconnaissiez incompétents pour apprécier la cause des actes incriminés, ce procès ne serait rien d’autre qu’un dialogue de sourds comme tous les procès politiques. Dans ce cas, pour échapper au jugement de l’Histoire, il ne vous resterait pas d’autre alternative que de démissionner pour refuser le rôle d’exécutants d’une vaste mise en scène théâtrale de faux-semblant juridique.

L’application de la loi dont vous avez accepté d’être les serviteurs ne peut pas ignorer la foi, et vous ne pourrez espérer refaire notre unité que dans la vérité.

Ceci implique de revenir explicitement sur des fautes contre la vérité comme celle de laisser entendre dans Cor Unum N° 104 que le paragraphe III-7 de la Déclaration doctrinale du 15 avril 2012 correspond au paragraphe équivalent du Protocole de 1988, sans préciser que le mot « légitimement » a été ajouté en 2012 !

Affirmer que ce mot « légitimement » exprime la pensée de Mgr Lefebvre (« comme Mgr Lefebvre en 1988 »), c’est porter gravement atteinte à son honneur.[12]

En raison des nombreuses concessions qu’elle fait au Concile et aux réformes conciliaires inacceptables, à elle seule, la Déclaration doctrinale du 15 avril 2012 constitue un péril pour la foi qui légitime la révolte, car cette Déclaration doctrinale n’est pas « un texte minimaliste », comme l’écrit Mgr Fellay dans l’éditorial de Cor Unum N° 102.

Bien au contraire, comme l’a démontré M. l’abbé de Jorna pendant le Chapitre de juillet 2012 :

« Cette déclaration est profondément ambiguë et pèche par omission contre la dénonciation claire et nette des principales erreurs qui sévissent encore à l’intérieur de l’Église et détruisent la foi des fidèles. Cette déclaration, telle qu’elle se présente, laisse supposer que nous accepterions le présupposé de « l’herméneutique de la continuité ». Un tel document, principe d’un accord, rendrait celui-ci dès son départ équivoque et favoriserait toutes les dérives subséquentes. »

Vouloir juger la non-diffusion de « quelques fautes d’orthographe inadmissibles » et refuser d’examiner le problème de fond reviendrait à filtrer le moucheron et à avaler le chameau.

En conclusion, permettez-moi de vous dire, Messieurs les membres de ce tribunal, que si vous reconnaissez et acceptez le contenu de cette Déclaration doctrinale du 15 avril 2012, vous participez, vous-mêmes, à cette entreprise séditieuse qui nuit gravement à la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, et en conséquence, si c’était le cas, je ne pourrais, en conscience, vous reconnaître aucune compétence pour me juger, parce que je suis membre d’une société qui refuse les réformes conciliaires, la légitimité de la promulgation de la nouvelle messe et le nouveau code de 1983, quelle que soit la volonté personnelle de son Supérieur Général et de ses Assistants Généraux.

Je terminerai avec l’anecdote suivante : après un sermon sur les vérités évangéliques prononcé en présence du roi Louis XIV, des grands du royaume réclamèrent des sanctions contre l’orateur, qui avait fort déplu en prêchant la vérité. La réponse du roi fut la suivante : « Il a fait son devoir, faisons le nôtre. »

J’estime avoir fait mon devoir.

Comparaissant devant vous sans l’assistance d’un avocat et sans présence de témoin, étant affaibli physiquement et nerveusement après 225 jours de solitude morale et de suspension de ministère sacerdotal, vous comprendrez, Messieurs les membres du tribunal, que j’attendrai désormais votre sentence dans le silence. »


[1] Punir les fautes publiques comme les fautes privées relève de la subversion.

[2] « La sédition est opposée à l’unité de la multitude, c’est-à-dire du peuple, de la cité ou de l’État. Or saint Augustin dit ceci : « Les sages définissent le peuple, non pas une réunion fortuite, mais une association fondée sur la sanction du droit et sur l’intérêt commun. » Il est donc évident que la sédition est opposée à la justice et au bien commun… » II II q. 42 a. 2 c.

[3] “I cannot exclude that there might be a split.”

[4] Ceci du reste corroborait parfaitement ce qu’avait écrit Mgr Fellay lui-même quelques jours auparavant dans Cor Unum N° 84 de juin 2006 : « Vouloir faire autrement, précipiter un accord pratique sans le fondement doctrinal serait un suicide. »

[5] Réponse du Conseil Général à la lettre des trois évêques (14 avril 2012).

[6] Conférence à Écône, le 21 déc. 1984.

[7] Réunion au Pointet, 30 mai 1988, notes manuscrites de Mgr Tissier de Maillerais.

[8] « Monseigneur Fellay a su adopter progressivement un langage mesuré, qui fait oublier ses déclarations en tous sens du passé, comme les discours agressifs des autres évêques de la FSSPX, et qui enlève des armes à l’« opinion publique » épiscopale (en Allemagne par exemple) cherchant à barrer la bonne volonté du Pape. Ce troisième point – décisif car il n’y a pas de négociation sans donnant-donnant – montre ses capacités diplomatiques, en même temps que la faiblesse de sa marge de manœuvre. Je prends un exemple : après la levée des excommunications, il a envoyé par fax dans tous les prieurés du monde une « lettre aux fidèles » (24 janvier 2009), contenant la citation de sa propre lettre au cardinal Castrillón (15 décembre 2008) qui avait permis la levée des censures : « Nous acceptons et faisons nôtres tous les conciles jusqu’à Vatican II au sujet duquel nous émettons des réserves. » Cette formulation provoqua une telle levée de boucliers que, quelques jours plus tard, une nouvelle version de cette lettre du 24 janvier citait ainsi la lettre au Cardinal : « Nous acceptons et faisons nôtres tous les conciles jusqu’à Vatican I. Mais nous ne pouvons qu’émettre des réserves au sujet du Concile Vatican II, qui etc. » C’est bien entendu la première version qu’a reçue le cardinal Castrillón. La seconde version n’est pas à proprement parler un faux : c’est une traduction à l’usage de l’opinion publique de la FSSPX. »

De Vini Ganimara, rédacteur en chef du blog Osservatore Vaticano, dans un article intitulé “Forces et faiblesses de la diplomatie de Mgr Fellay”, publié le jeudi 29 octobre 2009.

[9] Ceci pourrait être avantageusement complété par le De Regno I, 3 : « Un gouvernement est donc d’autant plus injuste qu’il s’éloigne davantage du bien commun. »

[10] Ceci est parfaitement exprimé par la lettre du 27 juin 2012 de notre confrère M. l’abbé Matthew Clifton :

« Les divisions terribles qui minent notre Fraternité aujourd’hui ne sont pas le fruit de la rébellion et la désobéissance, mais sont clairement le résultat d’un changement sismique de principe de la part de nos Supérieurs dans les relations avec Rome. Il s’est avéré que c’était un désastre d’abandonner la sécurité et la prudence de la position adoptée par la Fraternité à la dernière réunion du Chapitre général (2006), à savoir refuser tout accord pratique avec les autorités romaines tant qu’il n’y avait pas de résolution doctrinale des erreurs du Deuxième Concile du Vatican.

Par conséquent, la Fraternité qui a toujours été unie et forte est maintenant divisée et affaiblie – le frère se tourne contre son frère. Aucun argument convaincant n’a été présenté comme justification d’un tel changement fondamental de position – le Saint-Père n’a pas changé, de quelque manière que ce soit, son insistance sur l’herméneutique de la continuité à propos de la Tradition et des enseignements du dernier Concile. Et pourtant, on nous signifie simplement d’accepter le contraire.

Cette approche ne pouvait que produire le profond malaise qui touche aujourd’hui notre Fraternité. En outre, l’utilisation abusive du secret à si grande échelle par nos Supérieurs actuels, tout en privilégiant un petit groupe de confiance soutenant la nouvelle politique envers Rome, a contribué à exacerber encore davantage cette situation douloureuse.

Par conséquent, il est très clair pour moi que ceux qui portent vraiment la responsabilité de la crise actuelle ne sont pas ceux qui ont tenté de préserver la fermeté de notre Fraternité et la profession sans ambiguïté de la foi catholique envers les autorités conciliaires, mais ceux qui ont choisi d’abandonner la sagesse d’insister sur une véritable conversion de la part de la Rome moderniste, avant d’envisager un accord pratique.

À la lumière de tout cela, la décision du Supérieur général d’exclure l’un de ses frères évêques (choisi, comme lui-même, par son Excellence Monseigneur Marcel Lefebvre) de la réunion du Chapitre de Juillet ainsi que le refus d’ordonner les candidats issus des communautés religieuses qui ont toujours partagé avec nous le même combat pour la Tradition, « jusqu’à ce que leur loyauté puisse être assurée », sont profondément inquiétants et injustes.

Avoir simplement recours à des sanctions toujours plus grandes contre ceux qui s’opposent à la nouveauté de la nouvelle politique – Mgr Fellay y fait allusion pour la première fois dans l’édition de Mars de Cor Unum – ne servira qu’à créer encore davantage de divisions et faire encore plus de mal à la Fraternité. Au contraire, c’est ma conviction profonde que seul un retour à notre position initiale d’insister sur une véritable conversion doctrinale de la part de Rome avant tout accord pratique, sera en mesure de restaurer une fois de plus la paix et l’unité de notre Fraternité Sacerdotale, à jamais fidèle à l’exemple et l’esprit de notre fondateur bien-aimé, Mgr Marcel Lefebvre. »

[11] « Illi vero qui bonum commune defendunt, eis resistentes, non sunt dicendi seditiosi. » II II q. 42 a. 2 c.

[12] Après avoir ajouté lui-même ce mot « légitimement » dans le paragraphe III-7 de la Déclaration du 15 avril 2012, comment Mgr Fellay peut-il affirmer dans sa conférence du 12 octobre 2013 à Kansas :

« C’est la même chose pour la messe. Ils veulent que nous reconnaissions non seulement que la [nouvelle] messe est valide à condition qu’elle soit correctement célébrée, etc., mais également qu’elle est licite. Je leur ai dit : nous n’utilisons pas ce mot. C’est un peu brouillon, nos fidèles sont déjà assez perdus en ce qui concerne la validité, donc nous leur disons : ‘La Nouvelle Messe est mauvaise, elle est mauvaise et ils comprennent cela. Point final !’ Bien sûr, les autorités romaines n’étaient pas très contentes. » Et de poursuivre : « Il n’a jamais été dans notre intention non plus de prétendre que le Concile soit considéré comme bon, ou que la nouvelle messe soit ‘légitime’. »