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“J’ai pensé que Benoît XVI ferait un dernier geste envers nous” – Mgr Fellay

par | Fév 25, 2013 | Contributions des fidèles

Article paru en anglais sur “The Recusant”

    «J’ai pensé qu’en annonçant sa renonciation, Benoît XVI ferait peut-être un dernier geste envers nous en tant que Pape»

Par Pierre de Bellerive
Monseigneur Fellay est le supérieur de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X fondée par Monseigneur Lefebvre. Il revient, pour Nouvelles de France, sur les tentatives de rapprochement de la FSSPX avec Rome qui ont marqué le pontificat de Benoît XVI.
Nouvelles de France « se revendique comme libéral-conservateur ».

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    NDF : Monseigneur, apprécieriez-vous le fait que le dernier acte majeur du pontificat de Benoît XVI puisse être la réintégration de la Fraternité Saint Pie X ?

    Mgr Fellay : Un bref instant, j’ai pensé qu’en annonçant sa renonciation, Benoît XVI ferait peut-être un dernier geste envers nous en tant que Pape. Cela étant, je vois difficilement comment cela peut être possible. Il faudra probablement attendre le prochain Pape. Je vais même vous dire, au risque de vous surprendre, il y a des problèmes plus importants pour l’Église que celui de la Fraternité Saint-Pie X et c’est, d’une certaine manière, en les réglant, que le problème de la Fraternité sera réglé.

Notez que Mgr Fellay ne refuse pas les termes « apprécierez-vous » ni « réintégration » et, du moins le 15 février dernier, n’excluait pas un geste de Benoit XVI dans ce sens même s’il envisage que cela serait difficile. Aussi pour ce geste vers une « réintégration » il faudra probablement attendre le prochain pape. Mais il est cependant implicite que Mgr Fellay « apprécierait » un tel geste.

Quid de l’avertissement Mgr Lefebvre en 1989 ? :

«C’est pourquoi ce qui peut apparaître comme une concession n’est en réalité qu’une manœuvre pour parvenir à détacher de nous le plus grand nombre de fidèles possible. Voilà la perspective dans laquelle ils semblent céder toujours un peu plus et même aller très loin. Nous devons absolument convaincre nos gens qu’il ne s’agit que d’une manœuvre, qu’il est dangereux de se mettre entre les évêques conciliaires et de la Rome moderniste. C’est le plus grand danger qui menace nos gens. Si nous luttons depuis 20 ans pour résister aux erreurs conciliaires, ce n’est pas pour nous mettre maintenant entre les mains de ceux qui professent ces erreurs. »

Ou de son désir de ne rien avoir à faire avec l’église conciliaire ? :

« Nous sommes suspens a divinis par l’Eglise conciliaire et pour l’Eglise conciliaire dont nous ne voulons pas faire partie.» (Mgr Lefebvre, 29juillet 1976, Réflexions sur la suspens a divinis).

« Alors nous ne sommes pas de cette religion. Nous n’acceptons pas cette nouvelle religion. Nous sommes de la religion de toujours. Nous sommes de la religion catholique. Nous ne sommes pas de cette religion universelle, comme ils l’appellent aujourd’hui. Ce n’est plus la religion catholique. » (Sermon, 29 June 1976)

« Je serais très heureux d’être excommunié de l’Église conciliaire … C’est une Eglise que je ne reconnais pas. J’appartiens à l’Eglise catholique. » (Minute, 30 juillet 1976).

Qui était aussi la position de la Fraternité Saint Pie X dans son ensemble :

« Nous n’avons jamais voulu appartenir à ce système qui se qualifie lui-même d’Église Conciliaire, et se définit par le Novus Ordo Missæ, l’œcuménisme indifférentiste et la laïcisation de toute la société. Oui, nous n’avons aucune part, nullam partem habemus, avec le panthéon des religions d’Assise. Notre propre excommunication par un décret de votre Éminence ou d’un autre dicastère n’en serait que la preuve irréfutable. Nous ne demandons pas mieux que d’être déclarés ex communione de l’esprit adultère qui souffle dans l’Église depuis vingt-cinq ans, exclus de la communion impie avec les infidèles. » (Lettre ouverte au Cardinal Gantin, 6 juillet 1988).

Mgr Fellay parle ensuite de la FSSPX comme «un problème pour l’Eglise ». C’est là la nouvelle tendance officielle de la FSSPX qui consiste à ne pas distinguer l’Église conciliaire et l’Eglise du Christ.

    NDF : Certains disent que vous souhaitez que Rome reconnaisse le rit ordinaire comme illicite, pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?

    Mgr Fellay : Nous sommes bien conscients qu’il est très difficile de demander des autorités une condamnation de la nouvelle messe. En réalité, si ce qui doit être corrigé l’était, ce serait déjà un grand pas.
    « Le Novus Ordo Missae, même lorsqu’il est dit avec la piété et le respect des règles liturgiques, … est imprégné de l’esprit du protestantisme. Il porte en lui un poison dangereux pour la foi. » (Mgr Lefebvre, Lettre ouverte aux catholiques perplexes).

Comment quelque chose qui est intrinsèquement toxique peut-être «corrigé»? Moins de deux mois plus tôt, Mgr Fellay qualifiait la messe NO comme «mauvaise». Devons-nous cohabiter avec le mal ? Est-ce moral ?

    NDF : Comment cela ?

    Mgr Fellay : Cela peut être réalisé par une instruction de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements. Ce n’est pas si compliqué en fin de compte. Je pense qu’il y a des changements importants à effectuer à cause des graves et dangereuses déficiences, qui font que ce rite est condamnable. L’Église peut très bien effectuer ces importantes corrections sans perdre la face ou son autorité. Mais je note actuellement l’opposition d’une partie des évêques à la demande légitime du Pape de corriger, au canon de la messe, la traduction du « pro multis » par « pour beaucoup » et non pas « pour tous », traduction fausse que l’on retrouve dans plusieurs langues.

« .. Le Novus Ordo représente, à la fois dans son ensemble et dans ses détails, un éloignement impressionnant de la théologie catholique de la Sainte Messe telle qu’elle fut formulée à la session XXII du Concile de Trente …”

… II est évident que le nouvel ORDO MISSAE renonce en fait à être l’expression de la doctrine que le Concile de Trente a définie comme étant de foi divine et catholique…

… Il faudrait un plus vaste travail pour établir une évaluation complète des embûches, périls et éléments spirituellement et psychologiquement destructeurs que contient le rite nouveau. (Bref examen critique de la Nouvelle Messe par les Cardinaux Ottaviani et Bacci).

Comment se fait-il que les cardinaux Ottaviani et Baci, repris par Mgr Lefebvre et par Mgr de Castro-Mayer, parlaient de la nouvelle messe comme d’un «éloignement impressionnant de la théologie catholique» et que même une «évaluation» de ses fautes serait une «vaste » entreprise mais que pour Mgr Fellay ce n’est « pas si compliqué en fin de compte » pour que cette même messe soit « corrigée »?

    NDF : Souhaitez-vous revenir sur le Concile Vatican II ?

    Mgr Fellay : En ce qui concerne Vatican II, comme pour la messe, nous estimons qu’il est nécessaire de clarifier et de corriger un certain nombre de points qui sont soit erronés, soit conduisant à l’erreur. Cela étant, nous ne nous attendons pas à ce que Rome condamne Vatican II avant longtemps. Elle peut rappeler la Vérité, corriger discrètement les erreurs en sauvegardant son autorité. Toutefois, nous pensons que la Fraternité apporte sa pierre à l’édifice du Seigneur en dénonçant certains points litigieux.

«Nous croyons pouvoir affirmer, en nous tenant à la critique interne et externe de Vatican II, c’est- à-dire en analysant les textes et en étudiant les avenants et les aboutissants du Concile, que celui-ci, en tournant le dos à la tradition et en rompant avec l’Église du passé, est un concile schismatique. “ (Le Figaro, 4 août 1976).

«L’Église qui affirme de telles erreurs est à la fois schismatique et hérétique. Cette Église conciliaire n’est donc pas catholique. ” (Mgr Lefebvre, Réflexions sur la suspens a divinis, 29 juillet 1976).

« Cette Réforme étant issue du libéralisme, du modernisme, est tout entière empoisonnée ; elle sort de l’hérésie et aboutit à l’hérésie, même si tous ses actes ne sont pas formellement hérétiques. Il est donc impossible à tout catholique conscient et fidèle d’adopter cette Réforme et de s’y soumettre de quelque manière que ce soit. »
« La seule attitude de fidélité à l’Eglise et à la doctrine catholique, pour notre salut, est le refus catégorique d’acceptation de la Réforme. » (Mgr Lefebvre, Déclaration du 21 novembre 1974).

Pourtant Mgr Fellay ne voit qu’«un certain nombre de points qui sont soit erronés, soit conduisant à l’erreur» qu’il croit peuvent être « discrètement » corrigés?

    NDF : Concrètement, vous savez bien que vos revendications ne seront pas satisfaites du jour au lendemain.

    Mgr Fellay : Certainement, mais au fur et à mesure, elles le seront, je pense. Et il y aura un moment, où la situation deviendra acceptable et nous pourrons être d’accord, même si aujourd’hui cela ne semble pas être le cas.

Le seul fondement de l’accord est le suivant :
« Je poserai la question au plan doctrinal : « Est-ce que vous êtes d’accord avec les grandes encycliques de tous les papes qui vous ont précédés ? Est-ce que vous êtes d’accord avec Quanta Cura de Pie IX, Immortale Dei, Libertas Praestantissimum de Léon XIII, Pascendi de Pie X, Quas Primas de Pie XI, Humani generis de Pie XII ?Est-ce que vous êtes en pleine communion avec ces papes et avec leurs affirmations ? Est-ce que vous acceptez encore le serment antimoderniste ? Est-ce que vous êtes pour le règne social de Notre Seigneur Jésus-Christ ? Si vous n’acceptez pas la doctrine de vos prédécesseurs, il est inutile de parler. Tant que vous n’aurez pas accepté de reformer le Concile, en considérant la doctrine de ces papes qui vous ont précédé, il n’y a pas de dialogue possible. C’est inutile. » (Fideliter n. 66 nov-dec 1988, pp. 12-13).
Etes-vous, Mgr Fellay, toujours d’accord avec cette déclaration ?

    NDF : Vous avez rencontré Benoît XVI dès les premiers mois de son pontificat, pouvez-vous nous dire quel a été votre sentiment à son endroit à ce moment là ?

    Mgr Fellay : Je peux dire que j’ai rencontré un Pape qui avait un désir sincère de réaliser l’unité de l’Église, même si nous n’avons pas réussi à nous accorder. Mais croyez bien que je prie pour lui tous les jours.

Quelle unité ? La seule unité digne est l’unité de la foi. Benoît XVI n’a jamais cessé d’exprimer son désir pour l’Eglise d’embrasser l’esprit du concile qui « sort de l’hérésie et aboutit à l’hérésie». Devons-nous applaudir ce «désir sincère» ou devons-nous le fuir ?

    NDF : Quel a été, selon vous, l’acte le plus important de son pontificat ?

    Mgr Fellay : Je pense que sans conteste, l’acte le plus important fut la publication du Motu Proprio Summorum Pontificum qui accorde aux prêtres du monde entier la liberté de célébrer la messe traditionnelle. Il l’a fait, il faut le dire, avec courage car il y avait des oppositions. Je pense d’ailleurs que cet acte portera des fruits très positifs à la longue.

« Art 1. Le Missel romain promulgué par Paul VI est l’expression ordinaire de la « lex orandi » de l’Église catholique de rite latin. Le Missel romain promulgué par S. Pie V et réédité par le bienheureux Jean XXIII doit être considéré comme l’expression extraordinaire de la même « lex orandi » de l’Église et être honoré en raison de son usage vénérable et antique. Ces deux expressions de la « lex orandi » de l’Église n’induisent aucune division de la « lex credendi » de l’Église ; ce sont en effet deux mises en oeuvre de l’unique rite romain. » (Summorum Pontificum, 7 juillet 2007).

Comment des fruits positifs peuvent-ils croître d’un acte pontifical qui fusionne officiellement le rite traditionnel de la messe avec le Novus Ordo toxique ? Quelles que soient les apparences de la Tradition que contiennent ces fruits ne vont-ils pas toujours présenter les dangers d’une intoxication dangereuse ?
N’est-il pas dangereux et subversif de faire l’éloge inconditionnel du Pape pour la publication d’un tel acte sans souligner le poison qu’il contient ?
De même, pourrait-on ajouter, n’est-il pas dangereux et subversif d’exprimer sa gratitude au même pape pour avoir « … supprim[é] les effets des sanctions canoniques portées contre ses évêques, à la suite des sacres de 1988 » (communiqué de Menzingen du 11 février 2013) ? Des sanctions que nous avons toujours considérées comme invalides et donc nécessitant une annulation et non une simple levée de leurs effets !