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Devoir de Mémoire. 17 septembre 1394 : expulsion des juifs de France

par | Sep 17, 2015 | Judaïsme

Devoir de mémoire 17 sept. 1394

Monsieur Hervé Ryssen a écrit en 2010, aux Éditions Baskerville, un livre intitulé : Histoire de l’antisémitisme, Vue par un goy et remise à l’endroit. Ce livre fourmille de faits historiques peu connus, déformés, occultés ou oubliés.

Parmi eux le fait suivant :

Les vingt-huit années que le roi Jean avait permis aux juifs de demeurer en France en l’an 1360, et les seize années de prorogati

on que Charles V leur avait accordées, ne devaient expirer qu’en l’an 1396. Mais les crimes et autres abominations qu’ils commettaient tous les jours obligèrent le roi Charles VI à anticiper ce terme. L’exaspération du peuple était trop forte et ne pouvait plus être contenue.

« Le juif prélevant de gros intérêts et faisant emprisonner les débiteurs qui ne voulaient pas le payer » attirait sur lui toutes les inimitiés. « Le peuple haïssait le juif », écrit Graetz. Les railleries incessantes contre la religion catholique, le recel des objets volés, l’usure, la pédérastie, le proxénétisme, les crimes rituels, les trafics en tout genre, les escroqueries, avaient suscité le dégoût et la haine des chrétiens envers les membres de la secte. Le 17 septembre 1394, le jour du Grand pardon, le roi prenait enfin la décision d’expulser les juifs du royaume.

« Nous avons été longtemps et par plusieurs fois informé par des personnes dignes de foi, nos procureurs et officiers, de plusieurs grandes plaintes et clameurs qui leur venaient chaque jour des excès et délits que les juifs font chaque jour sur les chrétiens, et pour ce, nos procureurs ont fait plusieurs informations par lesquelles il apparaît que les juifs avoient en maintes manières délinqué, et spécialement contre notre foi et le contenu de nos lettres… Par mûre délibération de notre conseil voulons par manière d’établissement en constitution irrévocable que dorénavant nuls juifs ne habitent, demeurent on conversent en notre royaume, [etc.] » (Ordonnance royale du 17 septembre 1394, dans le tome VIII des Ordonnances.)

Les créances des juifs étaient annulées et leurs débiteurs étaient dispensés de les payer. …

« Les usures des Juifs qui devenaient de jour en jour plus odieuses et qui s’étendaient sur tout le royaume, avaient réduit plusieurs familles à la plus affreuse misère. Aussi ces ennemis de Jésus-Christ s’étaient-ils attiré la haine de tous les Français. Le roi, instruit de ces désordres et se rendant aux sages conseils de la reine, son épouse bien-aimée, résolut, malgré les sommes considérables qu’on arrachait tous les ans aux juifs et qui grossissaient son trésor, de séparer le bon grain de l’ivraie et d’éloigner les croyants du contact des infidèles. Une ordonnance, publiée dans toutes les villes du royaume, enjoignit aux juifs de quitter la France avant la fête de Noël et d’aller chercher un refuge à l’étranger, sous peine d’être réputés coupables de lèse-majesté et de voir leurs biens confisqués. » (Texte de Michel Pintoin, religieux à Saint-Denis et historiographe du roi, Chronique du Religieux de Saint-Denis, tome second, Paris, 1839, pp.118-123, traduit du latin.

Cet édit mémorable mettait fin à l’existence légale des juifs en France. Les juifs ne quittèrent la France qu’à la fin de 1394 et au début de l’année 1395. Ils partirent pour la Provence, qui n’était pas encore française, l’Italie ou l’Empire germanique. Il n’en resta que dans les territoires des papes : dans le Comtat-Venaissin, à Avignon et à Carpentras.

Quand leur départ fut décrété, le grand théologien Jean Gerson loua Charles VI d’avoir chassé les juifs. … Au cours des quatre siècles qui suivirent la France allait connaître un magnifique épanouissement dans tous les domaines. …

Après leur départ, il restait un si mauvais souvenir de leur présence que bien des années après, on exprimait encore sa haine ou son dégoût au sujet de ces « usuriers féroces ». Dans le Mystère de la Passion (en 1452), Arnoul Gréban faisait dire à ces personnages de théâtre que les juifs étaient : « plus cruels que loups », « plus poignans que l’escorpion », « plus orgueilleux qu’un vieil lyon », « plus enragés que faulx chiens », « mauvais et fellons », « paillards », « pute et perverse progénie », « dyables d’enfer ».