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Édit concernant les juifs résidants dans les juiveries des États du Pape en Avignon, promulgué en 1751, par la Sainte Inquisition Romaine, au nom du pape Benoît XIV

par | Juin 11, 2022 | Abbé Rioult

La Sapiniere.info présente à ses lecteurs un document rare et d’une grande importance. Il est tiré du livre de Georges Brun, Les juifs du Pape à Carpentras, Le nombre d’or, 1975, ch. X. annexe II, pp. 197-216.

Nous prions les âmes de bonne volonté de lire attentivement les directives qui vont suivre et d’essayer d’imaginer ce que serait notre monde, si la France et Rome étaient restées chrétiennes, appliquant une législation chrétienne comme celle en vigueur dans les États du Pape ?

Ceux qui, à la lecture de ce document historique, seraient surpris, voire choqués, sur le fond comme sur la forme, nous les invitons à lire la Synthèse de la Question juive de l’abbé O. Rioult.

Ils y verront alors plus clair. Beaucoup plus clair…

Pour rappel. En 1182, Philippe Auguste donne trois mois aux juifs pour quitter le royaume. Leurs biens seront saisis et les synagogues transformées en église. Les choses peuvent donc évoluer très vite. Tout est question de volonté politique et de principe. En 1400, à Carpentras, le Pape Benoit XIII interdit aux juifs la pratique de la médecine et de la banque. En 1592, Clément VIII chasse les juifs de toutes les villes en sa domination hormis Rome, Ancône, et Avignon. En 1615, c’est au tour de Louis XIII de chasser les juifs du royaume.

Notre Saint Père le Pape [Benoît XIV] qui au milieu des soins continuels de son Pontificat, a toujours présent à l’esprit tout ce qui peut contribuer à maintenir dans toute la pureté la Religion Catholique parmi les Fidèles, considérant que pour éloigner d’eux le danger de subversion qui peut venir de leur trop grande familiarité avec les Juifs, il est absolument nécessaire d’observer exactement toutes les précautions prescrites par les Prédécesseurs, & particulièrement par Clément XII, de sainte mémoire, dans un Edit donné spécialement à ce sujet & publié dans cette Ville de Rome le 2 Février 1733. Ayant oui sur ce les Seigneurs Eminentissimes Cardinaux, Inquisiteurs Généraux, a ordonné que ce même Edit soit de nouveau publié, avec des modifications toutefois qui peuvent en rendre l’exécution plus facile dans toutes ses parties & dans tous les Lieux de l’État Ecclésiastique.

I. Sa Sainteté se conformant à la seconde Constitution d’Innocent IV qui commence par ces mots : Impia Judæorum, commande & ordonne que les Juifs ne puissent en aucune manière retenir chez eux, ni lire, acheter, écrire, copier, traduire, vendre, donner, échanger, ni en aucune autre façon aliéner, sous quelque prétexte, titre, ou couleur que ce soit, aucun Livre, ou Cahiers impies, Talmudistes, ou déjà condamnés, superstitieux, cabalistiques, ou contenant des erreurs contre la Sainte Ecriture ou l’ancien Testament, ou bien quelque injure, impiété & blasphème contre les Saints Mystères de la Foi Chrétienne, notamment de la très-sainte Trinité, de N. S. Jésus-Christ, de la très-sainte Vierge, ou des Saints, ni aucun autre des Livres qui sont défendus par la Constitution 24 de Jules III, de sainte mémoire, qui commence par ces mots : Cum sicut. en date du 29mai 1554 & par la Constitution Cum Hebræorum de Clement VIII, de sainte mémoire, du 28 février 1593 ou par autres Constitutions & Décrets Apostoliques, soit que ces Livres soient écrits en Langue Hébraïque, ou en quelque autre Langue, sous peine de la confiscation de ces mêmes Livres, de leurs biens, & autres peines corporelles & très griéves [graves], arbitraires [Qui est laissé à l’appréciation, à la décision du juge], en chaque cas de contravention, aux termes du Décret de la Sainte Congrégation du Saint Office, publié le 12 Septembre 1553. Et Sa Sainteté veut & ordonne que les Rabbins & Baylons [chefs de communauté] des Juifs qui retiendraient lesdits Livres dans leurs Librairies, ou autre part, pour l’usage du public, ou pour le leur seulement, soient & restent soumis aux mêmes peines.

II. Que les Juifs, ni aucun d’eux n’osent exposer, expliquer, ou enseigner les erreurs contenues dans lesdits Livres, soit en public, soit en particulier dans leurs Ecoles ou hors d’icelles, à aucune personne Chrétienne, Juive, ou de quelque autre Religion que ce soit, sous les mêmes peines de la confiscation desdits Livres, & de leurs Biens, & autres corporelles & très griéves arbitraires.

III. Qu’aucun Imprimeur, Libraire, où Marchand Chrétien, ni aucune autre Personne de quel état, grade & condition qu’elle soit, n’ait à donner aide ou conseil aux Juifs, pour leur procurer lesdits Livres, non plus que pour les faire écrire, imprimer, porter ou traduire, ni même pour leur obtenir la permission de les lire, de les avoir ; non seulement sous les mêmes peines de la confiscation desdits Livres & de leurs Biens, & autres corporelles très griéves, conformément au susdit Décret de la Sacrée Congrégation du Saint Office publié le 12 Septembre 1553 encore sous la peine de l’excommunication réservée au Souverain Pontife, encourable sur le champ et sans autre déclaration.

IV. Que les Juifs ne puissent acheter ou recevoir aucun Livre en Langue Hébraïque, ou traduit de l’Hébreu en d’autres Langues, envoyé ou porté par des Chrétiens, ou par des Juifs mêmes, ou par qui que ce soit, si préalablement, quant à la Ville de Rome, ils ne l’ont exhibé au P. Maître du Sacré Palais Apostolique, & quant aux autres Villes & Lieux de l’Etat Ecclésiastique, aux Evêques, ou Inquisiteurs Locaux, afin qu’ils reconnaissent si en conformité des présentes Ordonnances & des susdites Constitutions Apostoliques, on doit leur permettre de le recevoir, ou de le garder ; & tout cela sous les peines de cent écus d’amende & de sept ans de prison en chaque cas de contravention. Que s’il se trouve quelque Livre contenant quelque chose de contraire aux susdites Bulles & Décrets Apostoliques, & particulièrement à la susdite Bulle de Clément VIII, il ne sera point rendu aux Juifs ; mais il sera envoyé au Tribunal du S. Office ; ce qui se pratiquera également, lorsqu’on trouvera aux Juifs quelqu’autre Livre défendu tel qu’il puisse être.

V. Que les Juifs ne puissent retirer des Livres des Douanes, ni respectivement y en mettre, sans la permission du P. Maître du Sacré Palais, pour la Ville de Rome, & des Evêques ou Inquisiteurs Locaux pour les autres Villes de l’Etat Ecclésiastique, sous peine de la confiscation desdits Livres, de cent écus d’amende & de sept ans de prison ; & les Chrétiens Commis aux Douanes, qui coopéreront à ce que lesdits Livres en soient retirés, ou y soient mis, comme aussi toute autre personne qui donnera en cela aide ou conseil, seront soumis aux mêmes peines.

VI. A cette fin, le P. Maître du Sacré Palais, de même que tous les Evêques & Inquisiteurs susdits, sont chargés d’employer tous leurs soins & toute leur diligence pour empêcher qu’on ne retire, ou qu’on ne mette aux Douanes des Livres qui concernent les Juifs, & surtout ceux qui sont en langue Hébraïque sans une permission expresse de leur part, & de visiter les Douanes, de même que les Bâtiments qui doivent décharger les Livres sur les Ports.

VII. Il est défendu à tous les Chrétiens, & particulièrement aux Commis des Douanes, Courriers, Postillons, Voituriers & Conducteurs de toute sorte, par terre, ou par eau, de remettre aucun Livre aux Juifs, sans en avoir auparavant la permission du P. Maître du Sacré Palais, pour la Ville de Rome, & hors d’icelle, des Evêques ou Inquisiteurs Locaux, auxquels ils seront obligés de donner à cet effet avis & la note de chaque Livre, dès qu’ils seront arrivés, sous peine d’excommunication réservée comme dessus, encourable Ipso facto, & sous d’autres peines arbitraires pécuniaires & corporelles, auxquelles seront également soumis ceux à qui on aurait adressé quelqu’un desdits Livres, & qui n’auraient pas été le déclarer, comme il est dit ci-dessus.

VIII. Conformément à la susdite Bulle de Clément VIII, il est défendu à toute Personne de quel état, grade & condition qu’elle soit, ainsi qu’il est marqué dans ladite Bulle, laquelle sera ici tenue pour expressément répétée, d’accorder aucune permission, licence ou faculté contraire à la disposition de la même Bulle ; & au cas qu’elle ait été déjà accordée, elle est déclarée nulle & de nulle valeur, en manière que les Juifs resteront sujets à la peine, comme s’ils ne l’avaient jamais obtenue ni rapportée.

IX. Que les Juifs ne fassent, ne composent, ni n’enseignent, tant aux Chrétiens qu’aux Juifs même, des Divinations, enchantements, augures, sortilèges, invocations ou autres actes superstitieux, pour parvenir à la connaissance des choses occultes, ou futures, sous peine de cent écus d’amende, du fouet, & de la galère perpétuelle, selon les circonstances du délit, conformément à ce qui est ordonné par la Constitution 70 de Gregoire XIII, de sainte mémoire, qui commence par ces mots : Antiqua Judæorum. & les Chrétiens qui apprendraient des Juifs les susdits actes superstitieux, ou qui s’adresseraient à eux pour découvrir sottement les choses occultes ou futures, subiront les mêmes peines.

X. Il est défendu à tous Orfèvres Chrétiens de faire pour l’usage des Juifs aucun de ces Amulettes ou Brevets, que les Juifs ont coutume de faire porter à leurs enfants, pour les préserver des infestations des sorciers, ou autres maléfices ; & notamment ceux qui ont la figure d’une amande ou d’une noisette, & sur lesquels on voit gravé d’un côté le Nœud de Salomon, & de l’autre côté le Candélabre avec sept Lampes, ou autres semblables vains Hiéroglyphes, parce qu’étant superstitieusement interprétés par les Juifs, il ne convient pas que des Ouvriers Chrétiens y concourent en aucune manière, & ce sous peine de vingt-cinq écus d’amende encourable par les Orfévres.

XI. Que les Juifs, même selon les Décrets des 8& 23 Octobre 1625, ne puissent placer ou faire mettresur leurs sépulcres aucune pierre ou inscription, & pourcet effet, défendu à l’avenir à qui que ce soit de donnerla permission de poser de ces pierres ou inscriptions sépulcrales, à peine de la démolition des sépulcres, de centécus d’amende, de prison & autres plus grandes arbitraires.

XII. Que les Juifs en transportant les Cadavres n’emploient aucun Rites, Cérémonies, ou Pompe funèbre, & qu’ils s’abstiennent surtout de psalmodier & de porter en chemin des Flambeaux ou Cierges allumés, à peine de cent écus d’amende, de la confiscation de la Cire, & autres corporelles arbitraires, auxquelles seront aussi soumis les Facteurs (ou Baylons) & les plus proches parents du défunt ; mais qu’il leur soit permis d’avoir des lumières, & de faire leur Pompe funèbre & Rites accoutumés, tant dans la Synagogue qu’au lieu de la sépulture ; pourvu toutefois qu’il n’y ait dans ces endroits aucun Chrétien, de quel sexe & condition qu’il soit ; & ce sous les peines susdites, encourable tant par les Facteurs (ou Baylons) ou autres Juifs qui en permettront l’entrée aux Chrétiens, que par les Chrétiens qui interviendront à cette Cérémonie ou Rit des Juifs.

XIII. Que conformément à ce qui est prescrit tant par le Droit Civil dans la Loi Fin. Cod. de Judæis. que par le Droit Canon au chap. Jude 3. & consuluit 7. de Judæis & Saracenis. & par les Constitutions de Paul IV, de sainte mémoire, Cum nimis. 3. de Saint Pie V, Romanus Pontifex. 6.& de Clément VIII Cæca & obdurata. 9. les Juifs ne puissent faire dans les Juiveries d’autres Synagogues que celles qu’ils y ont présentement avec dues permissions, ni les orner, ou augmenter en aucune façon, & encore moins en avoir d’autres hors des Juiveries, à peine de cent écus d’amende, de la profon, & autres très grièves, & c.

XIV. Qu’aucun Juif de quelque sexe, état & condition qu’il soit, ne puisse s’approcher qu’à trente cannes [soit 60 mètres] de distance des Maisons des Catéchumènes, ni de celle de la Propagande, ni par soi-même, ni par le moyen d’autre personne interposée, à peine de trois cent écus d’amende, de la galère, & autres peines corporelles arbitraires.

XV. Qu’aucun Juif, sous quelque prétexte que ce soit, ne puisse retenir dans sa propre Maison, Habitation ou Boutique, aucun Néophyte ou Catéchumène de l’un ou de l’autre sexe, quand même il lui serait parent au premier degré de consanguinité ou d’affinité, & qu’il puisse encore moins manger, boire ou coucher avec aucun d’iceux, ni dedans ni dehors les Juiveries, ni en aucun autre endroit ; qu’il ne puisse pas non plus travailler avec aucun d’eux, ni rester chez eux pour Ouvrier, ni les fréquenter, ni converser avec eux par qu’elle occasion que ce soit, à peine de cinquante écus d’amende & de trois traits de corde en public.

XVI. Dans le cas que les Juifs, non-seulement induisent, mais qu’ils tentent même d’induire par paroles ou par promesses, ou en quelqu’autre manière, directement ou indirectement, par eux-mêmes, ou par autrui les Néophytes, ou Catéchumènes, ou toute autre personne à judaïser, ils encourront sur le champ la peine de la prison, de la confiscation des biens, & les autres peines imposées par les Constitutions Apostoliques de Clément IV, la 14e, de Grégoire X, la 3e, de Nicolas IV, la 4e, qui commencent toutes les trois par ces mots : Turbato corde & par celle : Admodum, la 2e de Grégoire XI.

XVII. Si quelque Juif, de quelque sexe qu’il soit, ose dissuader ou empêcher, de quelque manière que ce puisse être, la conversion de quelque Juif ou de quelque Catéchumène à la Sainte Foi, ou la lui faire différer, quoique de très peu de temps, il encourra sur le champ ce qui est prescrit dans lesdites Constitutions de Clément IV, Grégoire X & Nicolas IV qui commence toutes par ces mots : Turbato corde. Déclarant expressément que ceux qui donneront en cela quelque aide, assistance, conseil ou faveur, encourront les mêmes peines. Et quant aux femmes Juives, au lieu de la galère, elles encourront la peine du fouet & de l’exil, & autres arbitraires plus griéves, selon les circonstances du délit.

XVIII. Que les Facteurs (ou Baylons) des Juifs seront obligés plus que tous les autres d’observer les choses susdites, & surtout de surveiller à ce qu’on ne fasse évader, cacher, ou pervertir aucun Catéchumène Juif de l’un & de l’autre sexe, qui ait témoigné, qui témoigne, ou qui soit prêt à témoigner d’avoir la volonté ou l’inclination de se faire Chrétien, comme aussi de prendre garde qu’on ne fasse évader ou cacher aucun Juif qui dût être transféré à la Maison des Catéchumènes (conformément aux Décrets des Souverains Pontifes, & particulièrement à celui de Benoît XIII, de sainte mémoire, du 16 Août 1724). Pas même sous le prétexte du défaut de consentement de leurs Père & Parents ; & arrivant quelqu’un desdits cas, les Facteurs (ou Baylons) seront tenus de les faire revenir & ramener, autrement ils seront amendés d’une gravatoire, qui continuera jusqu’à l’effective restitution ou retour de la personne évadée, ou cachée, ou pervertie ; & outre ce ils subiront encore des peines pécuniaires, la prison & autres peines arbitraires très-griéves.

XIX. Lorsque quelque Juif sera présenté à l’Eglise pour être baptisé, les Juifs ne pourront en aucune manière molester, ni faire aucune injure tant au Présentant qu’au Présenté, particulièrement pendant le temps qu’ils resteront dans la Juiverie, sous de très griéves peines arbitraires pécuniaires & corporelles ; & M. le Vice gérant dans Rome, & ailleurs les Evêques ou Inquisiteurs Locaux, dès qu’ils auront avis ou quelque probable conjecture de quelqu’une de ces Présentations, auront tout le soin possible d’empêcher que le Présentant & le Présenté ne restent davantage chez les Juifs.

XX. Sa Sainteté, adhérant non-seulement à la Bulle de Paul IV qui commence : Cum nimis, renouvelée par saint Pie V dans sa Constitution Romanus Pontifex, donnée à Rome le 20 mai 1566, mais spécialement au Bref précédent de Clément VII, en date du 13 Juin 1525, fait sur le présent objet, & directement pour l’Etat d’Avignon, & selon le Statut de la même Ville, Liv. 1. Tit. de Judæis, Rub. 34. Art. 5.ordonne & commande, que les Juifs de l’un & l’autre sexe, qui habitent à présent, ou habiteront dans les Villes d’Avignon & Carpentras, & dans le Comtat Venaissin, ou qui y arriveront de quelque lieu ou Province qu’ils viennent, soient obligés de porter la marque de couleur jaune, qui les distingue des autres, & qu’ils doivent la porter toujours, en tout temps, & en tout lieu, tant dedans que dehors les Juiveries, & tant dans les lieux qu’ils habitent, que dehors ; c’est-à-dire, que les hommes doivent porter le chapeau tout de couleur jaune, sans aucun voile ou bande pardessus, & que les femmes doivent pareillement porter la marque de couleur jaune à découvert sur leur tête, sans y mettre ou mouchoir, ou chose quelconque, qui puisse la cacher, sous peine tant aux uns qu’aux autres de cinquante écus d’amende à chaque contravention, & autres arbitraires ; & à cet effet, il est défendu aux Juifs, sous les mêmes peines, de porter d’autre chapeau, que le leur propre teint de couleur jaune, à la réserve cependant des chapeaux à vendre, qu’ils doivent porter à la main seulement, & à découvert, & non sur la tête. Il est pourtant permis aux Juifs de l’un & l’autre sexe, d’aller sans ladite marque, lorsqu’ils seront actuellement en voyage, pourvu qu’ils ne s’arrêtent pas plus d’un jour dans un endroit, car s’ils s’y arrêtent davantage, ils seront obligés de porter ladite marque, sous les peines ci-dessus exprimées.

XXI. Par ordre exprès de Sa Sainteté, on fait savoir qu’à l’avenir on n’aura nul égard à aucune permission émanée de quelque Tribunal que ce soit, ou de personnes de quelque Dignité, Grade, Office, ou Prééminence qu’elles ne puissent être, quoique Vice-Légat, même d’Avignon, Evêque, Majordome du Sacré Palais Apostolique, Cardinal Légat, ou Camerlingue de la Sainte Eglise, accordée ou à accorder aux Juifs sur le contenu au précédent Article, conformément à la disposition de la susdite Bulle de Paul IV & à peine de nullité de cette permission : Les Juifs resteront par conséquent soumis à toutes les peines ci-devant exprimées, comme s’ils ne l’avoient pas obtenue. Et partant si quelque Officier subalterne ose accorder verbalement ces permissions de ne pas porter ladite marque, il sera puni de peine arbitraire, & privé tout de suite de sa Charge ou Office ; défendant aux Sergents & autres chargés de l’exécution des présentes d’y avoir égard, & ce sous les mêmes peines portées contre les transgresseurs.

XXII. Que les Juifs ne puissent distribuer, livrer, donner, ou vendre aux Chrétiens aucune sorte de viande des Animaux qu’ils auront tués ou fait tuer, à peine de cent écus d’amende, & de la prison à l’arbitre ; & que par contre les Chrétiens ne puissent les recevoir ni les acheter, à peine de vingt écus d’amende & de la prison pareillement à l’arbitre.

XXIII. Les Juifs ne pourront pas non plus distribuer, donner ou vendre aux Chrétiens le pain Azyme, appelé ici vulgairement Coudoles, sous la peine de cinquante écus d’amende, laquelle sera également encourue par les Chrétiens qui les recevront.

XXIV. Ayant été informés que les Juifs ne se contentant pas d’acheter des Chrétiens le lait qu’il leur faut pour leur usage particulier, en achètent beaucoup plus que ce dont ils ont besoin, pour le vendre & en faire un trafic ou négoce avec les Chrétiens ; à ces causes, il est défendu aux Juifs, sous les peines ci-dessus exprimées, d’acheter plus de lait qu’il ne leur est nécessaire, & de le donner, vendre ou remettre en quelle manière que ce soit aux Chrétiens, quoiqu’il fut converti en fromage, ou en quelque autre sorte de laitage, & il est pareillement défendu aux Chrétiens de le recevoir sous les mêmes peines.

XXV. Qu’il ne soit aucunement permis aux Juifs de recevoir, acheter, vendre, ou négocier, sous quel prétexte ou couleur que ce soit, tant par eux-mêmes que par le moyen d’autrui des Agnus Dei, ou Reliques des Saints, avec ou sans ornements, non plus que des Croix, Calices, Tableaux, Représentations ou Images de N. S. Jésus-Christ, de la très-Sainte Vierge, ou des Saints, ni Heures, Bréviaires, Missels, Nappes, ou Ornements d’Autels, ou aucune autre chose appartenant au culte divin, ni même des Livres, quoique profanes d’ailleurs, dans lesquels il y aurait des Images saintes, quand même les susdites choses seraient rompues ou déchirées, ou que les Juifs ne voulussent s’en servir que pour les brûler & en tirer de l’or ou de l’argent, à peine de deux cent écus d’amende & de la galère ; & les Chrétiens qui vendraient quelqu’une des susdites choses aux Juifs encourront seulement la peine de deux cent écus d’amende.

XXVI. Que les Juifs ne puissent, ni par eux-mêmes, ni par autrui, faire aucun trafic, négoce, banque, ou société avec des Néophytes ou Catéchumènes, à peine de nullité du Contrat, de cinquante écus d’amende, de trois traits de corde en public, & autres arbitraires.

XXVII. Qu’aux termes de la Constitution 6e  de saint Pie V & du Décret d’Alexandre VII du 10 Juillet 1659, les Juifs ne puissent avoir des Boutiques, Fonds, Magasins ou remises hors la Juiverie ; & seulement dans le cas de nécessité absolue, les Evêques Locaux pourront leur accorder les permissions requises pour avoir d’autres endroits, pourvu néanmoins qu’ils ne soient pas fort éloignés de la Juiverie, mais jamais pour des endroits qui soient dans des Places publiques, & avec ces clauses, qu’ils n’y puissent pas passer la nuit, ni y tenir des Assemblées avec des Chrétiens, ni s’y assembler eux-mêmes, mais seulement y vaquer à leur métier : sous la peine de cinquante écus d’amende, & autres corporels arbitraires, & d’être privés pour toujours desdits Magasins, Fonds, Boutiques & Remises.

XXVIII. Que les Juifs ne puissent pas inviter à entrer, & encore moins faire effectivement entrer des Chrétiens dans leurs Synagogues ; & par contre qu’il ne soit non plus jamais permis aux Chrétiens d’y entrer, sous la même peine, tant aux uns qu’aux autres de cinquante écus d’amende.

XXIX. Qu’ensuite de ce qui est prescrit dans la Loi dernière, Cod. de Judæis & dans les chap. 16. & 18 des Décrétales au même titre, & dans le Décret de sa Sainteté du 26 Août 1745, les Juifs ne puissent, ni à leur nom, ni sous celui de quelque Chrétien ou autre personne, tenir ou avoir des Fermes, Arrentements [donner ou de prendre à rente] ou Société, tant publiques que privées, d’aucune sorte de Biens, à qui que ce soit qu’ils appartiennent, même à la Rde Chambre Apostolique, ni prêter leur nom, être caution, & y avoir la moindre part, sous peine d’une amende de semblable somme à celle qui aura été convenue dans la Ferme ou Arrentement encourable, ipso facto, de la nullité de tels Contrats, & autres peines arbitraires ; & partant il est défendu aux Chrétiens sous les peines ci-dessus énoncées, de passer à l’avenir aucun Contrat de cette nature avec les Juifs.

XXX. Que conformément à ce qui est ordonné dans le chap. Ad hæc 8, dans le chap. Et si Judæos 13 de Judæis, dans la 2e Constitution d’Innocent IV, de sainte mémoire, dans la 3e de Paul IV, les Juifs ne puissent se servir de Sages-femmes, & de Nourrisses Chrétiennes, à peine de cent écus d’amende & de la prison à l’arbitre ; & par contre que les Femmes Chrétiennes ne puissent servir de Sage-femme ou de Nourrisses aux Juifs, à peine de cinquante écus d’amende pour la première fois, & du fouet pour la seconde, pour lesquelles peines les Maris tant Chrétiens que Juifs répondront pour leurs Femmes.

XXXI. Qu’en vertu de ce qui est prescrit dans la Loi unique Cod. Ne Christianum Mancipium Hæreticus, vel Judæus, vel Paganus habeat & dans le chap. 2. 5. 8. & 13 de Judæis, comme encore dans la 2e Constitution d’Innocent IV, dans la 3e de Paul IV, §. 4 & dans les Décrets de la Sacrée Congrégation du 14 février 1606, 15 mars & 17 mai 1612, 12 octobre 1627 & 20 juin 1652. les Juifs ne puissent tenir ni Valets, ni Servantes Chrétiennes, ni se servir des uns ou des autres, quand même ce ne serait que pour très-peu de temps, soit pour balayer leur Juiverie, soit pour allumer leur feu, soit pour blanchir leurs linges, ni pour quelque autre œuvre servile que ce soit, à peine de vingt-cinq écus d’amende, & autres peines corporelles arbitraires ; & en conséquence il est enjoint aux pères de Famille, Tuteurs, ou Curateurs Chrétiens, de défendre à leurs propres Enfants, & aux jeunes gens qui sont sous leur conduite, de rendre de ces sortes de services aux Juifs, autrement il sera procédé contre eux par des peines arbitraires.

XXXII. Que selon les défenses contenues dans la Bulle 3e de Paul IV, de sainte mémoire, dans la 6e de saint Pie V & dans la 19e de Clément VIII, de sainte mémoire, qui commence par ces mots : Cœca & odurata, les Juifs ne puissent jouer, manger, ou boire, ni avoir aucune autre familiarité, ou fréquentation avec les Chrétiens, ni les Chrétiens avec les Juifs, tant dans les Palais, Maisons de la Ville & de Campagne, que dans les Rues, Auberges, Cabarets, Boutiques, ou ailleurs, & que les Aubergistes, Cabaretiers, & gens de boutique n’aient point à permettre de fréquentations chez eux entre les Chrétiens & les Juifs ; sous peine pour les Juifs de dix écus d’amende & de la prison à l’arbitre ; & pour les Chrétiens de dix écus d’amende & autres peines corporelles arbitraires.

XXXIII. Que les Juifs, conformément encore à la Constitution 3e de Paul IV au § 5, ne soient pas assez osés que de travailler dans leur Juiverie les jours de Fêtes commandée par l’Eglise, si ce n’est à portes fermées, & en aucune manière hors de la Juiverie, & encore moins dans les Maisons des Chrétiens de quel état, grade & condition qu’ils soient, à peine de cinquante écus d’amende, & de trois traits de corde à l’arbitre ; & les Chrétiens qui permettront aux Juifs de travailler ces jours-là dans leurs Maisons feront aussi amende de cinquante écus. Les confesseurs sont chargés d’admonester & de reprendre sérieusement leurs Pénitents qui oseraient le permettre, à cause du grand scandale qui en résulte.

XXXIV. Que les Juifs de quelque sexe & âge qu’ils soient, ne puissent aller en carrosse, ni en chaise par la Ville ni dehors, à peine de cent écus d’amende, de la prison, & autres corporelles arbitraires ; mais qu’il leur soit seulement permis en voyage d’aller à cheval, ou en chaise roulante, & non autrement.

XXXV. Qu’aucun Juif, ni aucun Chrétien ne puisse servir de Cocher ou de Voiturier aux Juifs, excepté en cas de voyage, comme il est dit ci-dessus, à peine de cinquante écus d’amende & de trois traits de corde ; & que sous les mêmes peines aucun Chrétien ne puisse prêter, louer, faire prêter ou louer des Carrosses ou Chaises aux Juifs de l’un & de l’autre sexe, & encore moins les mener en Carrosse ou en Chaise avec lui.

XXXVI. Qu’aucun Juif ne puisse passer la nuit hors de la Juiverie, & que pour cela ils y soient tous retirés environ une heure après la nuit commencée, sans qu’ils puissent en sortir le matin avant jours, à peine de cinquante écus d’amende, & de trois traits de corde en public aux hommes, & du fouet aux femmes, & à cet effet, les Portiers prendront aucun Chrétien dans la Juiverie, lorsque les Juifs y sont renfermés. De plus, Nous ordonnons à la Communauté des Juifs de payer aux Portiers leurs gages en entier sans aucune diminution, ne voulant pas qu’ils en donnent la moindre contribution à personne pour quelque titre, raison ou cause que ce soit. Que les Portiers cependant se gardent bien de recevoir aucune étrenne ou reconnaissance de la Communauté des Juifs, ou des Juifs particuliers, excepté les étrennes qu’on est en coutume de leur donner dans les tems marqués ; à peine de cinquante écus d’amende & de prison, à l’arbitre, & d’être privés de leur Emploi.

XXXVII. Que les Juifs de l’un & de l’autre sexe ni puissent habiter dehors la Juiverie ; & rester dans les Villages, Terres, Châteaux, Maison de Campagne, Métairies ou ailleurs, sous aucun prétexte, mêmes sous celui d’avoir besoin de changer d’air ; & quand il leur arrivera d’aller dehors, ne fut-ce même que pour y rester un seul jour, il faudra qu’en conformité du Décret de la Sacrée Congrégation du 19 mai 1751, confirmatoire d’un autre semblable d’Alexandre VII du 6 septembre 1661, ils en obtiennent la permission par écrit, dans laquelle outre les autres choses, on marquera expressément le nom, surnom, & origine du Juif, la raison légitime pour laquelle elle lui aura été accordée, & le temps qu’elle devra durer, avec ces clauses, que les Juifs seront tenus de porter le chapeau jaune, comme il est marqué ci-devant à l’art. 20 ; qu’ils n’habiteront point avec les Chrétiens, qu’ils ne converseront pas familièrement avec eux, & qu’étant de retour ils rendront la permission au Tribunal qui la leur aura donnée, à peine de trois cent écus d’amende, de la prison, & autres arbitraires en chaque cas de contravention.

XXXVIII. Lorsque les Juifs voudront aller aux Foires, ils seront pareillement obligés d’en obtenir la permission par écrit, ou de l’Evêque, ou de l’Inquisiteur, ou du Vicaire Local, qui leur sera donnée gratis, & selon le Décret du 21 juin 1747, ils partiront immédiatement trois jours après qu’elles seront finies, sans que lesdits Evêques, Inquisiteur ou Vicaire puissent leur accorder un plus long délai. Cette permission pourtant ne servira de rien, si tout aussitôt que les Juifs seront arrivés au lieu marqué, ils ne la présentent à l’Evêque, ou à l’Inquisiteur, ou à leurs Vicaires ; ou si ceux-ci par de bonnes & justes raisons, jugent à propos de n’y avoir pas égard, ou de la restreindre & en limiter le temps, conformément à un autre Décret du 17 février 1751 ; & lorsque ces Juifs seront de retour : ils rendront d’abord la permission au Tribunal qui la leur aura donnée ; & tout cela sous les peines de la confiscation de leurs Effets, de la prison & autres arbitraires.

XXXIX. Qu’il ne soit point permis aux Juifs d’entrer aux Parloirs des Couvents, ou de Conservatoires, ni de parler avec aucune personne demeurant dans ces Maisons, encore moins d’entrer dans les Eglises, ou Chapelles, ou dans les Hôpitaux, à peine de cinquante écus d’amende, de trois traits de corde en public aux hommes & du fouet aux femmes.

XL. On avertit les Supérieurs des Monastères & Maisons Religieuses, des Collèges & Lieux pies Séculiers, qu’en cas qu’ils aient quelquefois besoin des Juifs pour des friperies ou vieilles hardes, ils aient à prendre garde de ne point leur permettre l’entrée des Eglises & des Chapelles, & de ne pas les laisser parler avec des jeunes gens, mais seulement avec des personnes avancées en âge, & qui puissent leur donner de bons exemples & des avis pour les faire rentrer en eux-mêmes. Autrement qu’ils sachent qu’ils en rendront un compte rigoureux à Dieu & à la Sainte Congrégation du Saint Office.

XLI. Que les Juifs quoique Rabbins, ne puissent porter des habits semblables à ceux des Ecclésiastiques, & particulièrement le Petit collet rond, ou à la Françoise, tel que les Ecclésiastiques de cette Nation sont en usage de le porter ; mais qu’ils aient à porter un habit tout-à-fait séculier, avec le grand collet à découvert ; sous peine aux transgresseurs de dix écus d’amende pour la première fois, de vingt pour la seconde, & en cas d’autre contravention, de la prison, & autres peines arbitraires.

XLII. Que les Juifs étrangers de l’un & de l’autre sexe seront compris dans les Ordonnances & dans les peines ci-dessus énoncées, pour tout le tems qu’ils demeureront dans Rome, ou dans quelque autre endroit de l’Etat Ecclésiastique, & pendant tout le sejour qu’ils y feront, ils seront obligés d’habiter dans la Juiverie, sous peine de cent écus d’amende, de la prison & autres corporelles même très-griéves à l’arbitre.

XLIII. La prédication étant le moyen le plus puissant & le plus efficace pour procurer la conversion des Juifs ; ainsi qu’on le voit dans la 1ère Constitution de Nicolas III, de sainte mémoire, qui commence par ces mots : Vineam Soreth & dans le 92e de Grégoire XIII qui commence par ces mots : Sancta Mater Ecclesia, Nous ordonnons aux Rabbins d’employer tous leurs soins & toute leur attention pour faire assister au Sermon qui se fait pour les Juifs le Samedi ou autre jour de la semaine le nombre d’hommes & de femmes, qui selon les différentes Juiveries, aura été ou sera fixé conformément à ladite Constitution 92 de Grégoire III, du Décret de Sa Sainteté du 26 août 1715 & de la Lettre Circulaire du 29 avril 1749. Et venant à négliger de faire le rôle des personnes au nombre fixé ou à fixer, comme a été dit ci-dessus, ils encourront chaque fois la peine de cinquante écus d’amende, & les personnes désignées pour assister au Sermon encourront celles de deux Jules d’amende chaque fois qu’ils y manqueront. [Le Jule est Nom d’une monnaie qui avait cours en Italie, et surtout à Rome qui environ trente centimes du XIXe siècle].

XLIV. Et finalement Sa Sainteté a déclaré & ordonné que pour l’entière exécution de tous les ordres ci-dessus rapportés il sera procédé contre les transgresseurs même d’Office & par l’Inquisition, & que le présent Edit étant affiché ès Lieux accoutumés, & encore, afin que les Juifs n’en prétendent cause d’ignorance, aux Ecoles des Juiveries (où il restera toujours affiché, à peine de cent écus d’amende payables par leur Communauté à chaque cas de contravention, & sous autres peines, arbitraires) il oblige tous & chacun, comme s’il avait été à tous personnellement intimé & notifié.

DONNÉ au Palais de la S. Romaine & Universelle Inquisition le 15 septembre 1751.

       EUSEBE ANTOINE CALABRINI, Notaire de la Sainte Romaine & Universelle Inquisition. Ainsi signé à l’Original.

       Soit de nouveau publié, selon sa teneur, dans les quatre Juiveries de cet Etat d’Avignon & du Comtat Venaissin, & affiché non-seulement aux portes de leurs Ecoles ; mais encore aux autres lieux accoutumés de cet Etat.

       A Avignon le 6 Septembre 1776. Jean-Baptiste mabil, Inquisiteur-Général.

       Joseph Rigaud, Avocat-Fiscal du St. Office.

Poncet, Secrétaire du St. Office.