Benoît XVI est un apôtre inlassable de la liberté religieuse. Sa théologie malgré des apparences catholiques est plus celle d’un loup couvert d’une peau de brebis que celle d’un bon pasteur. Pour bien le saisir, il est nécessaire de réaliser à quel point l’Eglise du Christ exècre cette liberté religieuse tant vantée par nos modernes.
Vatican II, boussole des conciliaires, déclare « que la personne humaine a droit à la liberté religieuse ». Elle « consiste en ce que tous les hommes doivent être soustraits à toute contrainte ». Nul ne peut être « empêché d’agir selon sa conscience, en privé comme en public, seul ou associé à d’autres ». Ce « droit à la liberté religieuse a son fondement dans la dignité même de la personne humaine telle que l’a fait connaître la Parole de Dieu et la raison elle-même. » (Dignitatis humanae § 2).
Mgr Lefebvre posait ainsi le problème :
« Est-ce que, oui ou non, c’est conforme à la doctrine traditionnelle de l’Eglise. La question est là. Ce n’est pas une question sentimentale. C’est une question de vérité. Est-ce que l’Eglise a vraiment enseigné la liberté religieuse ? […] la liberté de l’avortement n’existe pas. La liberté de l’homicide n’existe pas […] C’est exactement la même chose dans la religion. Il n’y a pas de liberté religieuse. La liberté religieuse a été inventée par la Franc-maçonnerie, par les novateurs et ceux qui veulent précisément se révolter contre Dieu, qui ne veulent pas obéir à la loi de l’Evangile, à la loi chrétienne ; alors ils ont dit : ‘‘L’homme est libre de choisir sa religion’’. »[1]
La nouvelle religion…
Les catholiques libéraux ont, en définitive, purement et simplement accepté dans leur discours, le droit nouveau voulu par les francs-maçons. Non seulement ce droit nouveau a été inefficace à protéger les minorités chrétiennes de la persécution[2], mais il a permis la persécution des majorités chrétiennes ! Le droit nouveau repose sur la (supposée) volonté du nombre (manipulée par le pouvoir occulte), et non sur le respect de l’autorité divine, souveraine législatrice des sociétés. Accepter le terrain du droit commun, quand les circonstances l’imposent, peut être légitime, mais s’y limiter et s’y engager comme étant un devoir, cela est inacceptable, car c’est reconnaître indirectement le droit à l’erreur. Or « ce qui ne répond pas à la vérité et à la loi morale n’a objectivement aucun droit à l’existence, ni à la propagande, ni à l’action. »[3] Les papes, depuis la Révolution, et spécialement Léon XIII dans son encyclique sur la Constitution chrétienne des États, ont constamment réprouvé ce droit nouveau fondé sur cette monstrueuse liberté religieuse :
« Ce pernicieux et déplorable goût des nouveautés que vit naître le XVIe siècle, après avoir d’abord bouleversé la religion chrétienne, bientôt par une pente naturelle passa à la philosophie, et de la philosophie à tous les degrés de la société civile. C’est à cette source qu’il faut faire remonter ces principes modernes de liberté effrénée rêvés et promulgués parmi les grandes perturbations du siècle dernier, comme les principes et les fondements d’un droit nouveau, inconnu jusqu’alors, et sur plus d’un point en désaccord, non seulement avec le droit chrétien, mais avec le droit naturel. […] Dans une société fondée sur ces principes […] la souveraineté de Dieu est passée sous silence, exactement comme si Dieu n’existait pas, ou ne s’occupait en rien de la société du genre humain; ou bien comme si les hommes, soit en particulier, soit en société, ne devaient rien à Dieu. […] il s’ensuit que l’État ne se croit lié à aucune obligation envers Dieu, ne professe officiellement aucune religion, n’est pas tenu de rechercher qu’elle est la seule vraie entre toutes, ni d’en préférer une aux autres, ni d’en favoriser une principalement; mais qu’il doit leur attribuer à toutes l’égalité en droit […] chacun sera libre d’embrasser la religion qu’il préfère ou de n’en suivre aucune si aucune ne lui agrée. De là, découlent nécessairement la liberté sans frein de toute conscience, la liberté absolue d’adorer ou de ne pas adorer Dieu, la licence sans bornes et de penser et de publier ses pensées. […] La simple raison naturelle démontre combien cette façon d’entendre le gouvernement civil s’éloigne de la vérité. […] Relativement à la religion, penser qu’il est indifférent qu’elle ait des formes disparates et contraires équivaut simplement à n’en vouloir ni choisir, ni suivre aucune. C’est l’athéisme moins le nom. Quiconque, en effet, croit en Dieu, s’il est conséquent et ne veut pas tomber dans l’absurde, doit nécessairement admettre que les divers cultes en usage, entre lesquels il y a tant de différence et d’opposition, même sur les points les plus importants, ne sauraient être tous également bons, également agréables à Dieu. » (Immortale Dei, 1885)
Benoît XVI à la synagogue de Rome le 17 janvier 2010
Benoît XVI dit croire en Dieu mais quand il se rend à la synagogue ou au temple luthérien, il laisse ainsi entendre que ces cultes sont « également agréables à Dieu. » Dans une autre fameuse et splendide encyclique, Léon XIII enseignait :
« La liberté d’exprimer par la parole ou par la presse tout ce que l’on veut […] n’est pas un droit, car le droit est une faculté morale, et, comme nous l’avons dit et comme on ne peut trop le redire, il serait absurde de croire qu’elle appartient naturellement, et sans distinction ni discernement, à la vérité et au mensonge, au bien et au mal. […] les doctrines mensongères, peste pour l’esprit, et les vices qui corrompent le coeur et les moeurs, il est juste que l’autorité publique emploie à les réprimer avec sollicitude, afin d’empêcher le mal de s’étendre pour la ruine de la société. […] Non, de par la justice; non, de par la raison, l’État ne peut être athée, ou, ce qui reviendrait à l’athéisme, être animé à l’égard de toutes les religions, comme on dit, des mêmes dispositions, et leur accorder indistinctement les mêmes droits. Puisqu’il est donc nécessaire de professer une religion dans la société, il faut professer celle qui est la seule vraie et que l’on reconnaît sans peine, au moins dans les pays catholiques, aux signes de vérité dont elle porte en elle l’éclatant caractère. Cette religion, les chefs de l’État doivent donc la conserver et la protéger, s’ils veulent, comme ils en ont l’obligation, pourvoir prudemment et utilement aux intérêts de la communauté. »[4]
Or c’est un fait que Jean-Paul II et le Saint-Siège ont demandé aux Conférences épiscopales d’engager des Etats à supprimer le premier article de leur constitution disant que l’Eglise catholique était la seule religion reconnue officiellement. Ce reniement public de Notre-Seigneur n’a pas eu lieu, comme par le passé, à la suite d’un acte unilatéral et arrogant d’un État agnostique et anticlérical – et avec les protestations des Papes et des évêques – mais d’un commun accord avec le Saint-Siège et sur la base de la nouvelle doctrine de « Dignitatis Humanæ ».
Déclaration de guerre à NSJC
Si l’Etat doit avoir une religion d’État, et si cette religion d’État doit être la religion catholique[5], l’Église ne condamne point une certaine tolérance dans une société où l’unité chrétienne n’existe plus :
« L’Église tient compte du poids accablant de l’infirmité humaine, et elle n’ignore pas le mouvement qui entraîne à notre époque les esprits et les choses. Pour ces motifs, tout en n’accordant de droits qu’à ce qui est vrai et honnête, elle ne s’oppose pas cependant à la tolérance dont la puissance publique croit pouvoir user à l’égard de certaines choses contraires à la vérité et à la justice, en vue d’un mal plus grand à éviter ou d’un bien plus grand à obtenir ou à conserver.[…] Néanmoins, dans ces conjectures, si, en vue du bien commun et pour ce seul motif, la loi des hommes peut et même doit tolérer le mal, jamais pourtant elle ne peut ni ne doit l’approuver, ni le vouloir en lui-même […] une chose demeure toujours vraie, c’est que cette liberté, accordée indifféremment à tous et pour tous, n’est pas, comme nous l’avons souvent répété, désirable par elle-même, puisqu’il répugne à la raison que le faux et le vrai aient les mêmes droits, et, en ce qui touche la tolérance, il est étrange de voir à quel point s’éloignent de l’équité et de la prudence de l’Église ceux qui professent le Libéralisme. »[6]
Donc l’État peut tolérer l’existence des sectes, mais il doit protéger la véritable Église. Or Benoît XVI refuse cet enseignement apostolique : « il est nécessaire de passer de la tolérance à la liberté religieuse […] car, en dépit des divergences humaines et religieuses un rayon de vérité illumine tous les hommes »[7] et ce sous le prétexte spécieux « que la vérité ne s’impose jamais par la violence, mais seulement par la force de la vérité elle-même »[8] ou que la religion doit être adoptée par la personne « uniquement à travers le processus de la conviction. »[9] Cet enseignement revient à nier les droits de la vérité et de Dieu. Car une vérité sans privilège et sans pouvoir vaut concrètement l’erreur. Le droit à liberté religieuse est donc une aberration. Pour mieux le comprendre, affirmons le droit à la liberté orthographique :
Si la bonne orthographe « ne s’impose jamais par la violence, mais seulement ‘‘par la force de la vérité elle-même’’ », si la bonne orthographe « doit être adoptée par la personne uniquement à travers le processus de la conviction », alors, chaque élève a droit à sa liberté orthographique, fruit de sa conviction. L’expression « censément sains » pourra s’écrire « sans ses mancins » ou « sans s’aimant sein » ou « sans cemants saints »… Toutes ces écritures, fruit de la dignité humaine, se valent et ont droit de figurer sur la copie. Soit, mais si, au nom des règles orthographiques et grammaticales, on n’a plus le droit de sanctionner par un zéro l’enfant (ce qui serait lui faire violence), si toutes les façons d’écrire se valent, on détruit non seulement les règles mais aussi le langage : la plus grande confusion ne peut que s’installer.
Comment sortir de ce délire subjectif ? Par le droit exclusif de la norme objective ! Comment avons-nous connu la nature de notre langue ? Nous ne l’avons pas découverte, nous l’avons reçue par une autorité qui nous l’a transmise, par une tradition qui a usé de son pouvoir coercitif pour nous obliger à bien maîtriser ces règles. C’est cette force ou violence extérieure qui nous a aidé à nous libérer de l’ignorance. Sans elle, c’était le chaos. La liberté orthographique comme la liberté religieuse c’est la destruction de la société et de l’individu.
« Chacun peut le constater, la liberté, telle qu’on l’entend aujourd’hui, c’est-à-dire indistinctement accordée à la vérité et à l’erreur, au bien et au mal, la liberté n’aboutit qu’à rabaisser tout ce qu’il a de noble, de saint, de généreux, et à ouvrir plus largement la voie au crime, an scandale et à la tourbe abjecte des passions. »[10]
Pour conclure avec les termes mêmes de Grégoire XVI, de Léon XIII, nous disons : Que Benoît XVI « délire » quand il refuse à l’Etat le droit de restreindre la liberté religieuse d’une conscience faussé ou d’une communauté professant une fausse religion. Que Vatican II est une « absurdité » quand il proclame que la liberté religieuse appartient naturellement, « sans distinction ni discernement », à la dignité humaine. Que la saine laïcité prêchée par Benoît XVI et les conciliaires n’est rien d’autre que « l’athéisme moins le nom » car « la souveraineté de Dieu est passée sous silence, exactement comme si Dieu n’existait pas ». Que l’Eglise conciliaire avec sa fausse dignité humaine est « en désaccord, non seulement avec le droit chrétien, mais avec le droit naturel. » Que le mal qu’elle propage est « opposée au bien commun » et que ces enseignements « répugnent à la raison ».
Comprenons bien que prêcher le droit de l’Eglise à être seule religion de l’Etat, c’est prêcher la divinité de l’Eglise et donc celle de son fondateur. Rien de moins !
« Mais comment persuader les hommes de ce siècle qu’il faut introduire la religion dans la loi ? – Aussi facilement et aussi difficilement, répond l’abbé J. Morel, dans sa Somme contre le catholicisme libéral, qu’on leur persuade qu’il faut croire à l’Incarnation du Verbe, à la chasteté dans le mariage et à l’enfer éternel. C’est toujours saint Paul discutant devant Festus de fide et justitia, de castitate et de judicio tremendo ».
(à suivre) Abbé Olivier Rioult