A] La contre-Église n’est pas catholique. 1
Église simiesque et bête apocalyptique. 1
Une secte, une dissociété……. 2
Une Pseudo-Église, contre-Église, Église en trompe-l’œil. 2
Une mafia et une nouvelle religion liée à la maçonnerie. 3
B] Explicitation de la pensée de Mgr Lefebvre… ou relecture ?. 3
Les oublis et insuffisances de M. l’abbé Gleize. 5
A] La contre-Église n’est pas catholique
L’Église officielle, c’est une secte qui se donne l’apparence trompeuse de l’Église… Confondre la secte conciliaire et l’Église c’est confondre le singe et l’homme… La bête de l’Apocalypse…,
Une dissociété…, une secte qui occupe l’Église catholique, une dissociété ecclésiale conciliaire…,
Une Église post-conciliaire composée d’évêques inconscients, félons, apostats déguisés, une falsification de la religion, la pseudo-Église dissimulée dans la vraie, un christianisme au goût du diable, une Église collégialisée et moderniste qui ose se donner comme vraie occupée par la contre-Église, par ses suppôts modernistes… la révolution bénite par Rome, une Église simplement apparente,…
Une mafia incroyable, invraisemblable, liée à la maçonnerie, une contrefaçon de l’Église, une nouvelle Église conciliaire comme n’étant plus catholique…
Qui a bien pu tenir de tels propos ? Qui serait prêt aujourd’hui à les faire siens ? Les expressions citées viennent pourtant, dans l’ordre, de M. l’abbé Gleize, de Mgr Tissier de Mallerais, du Père Calmel et de Mgr Lefebvre. Nous allons les replacer dans leur contexte.
Église simiesque et bête apocalyptique
Dans Nouvelles de Chrétienté, n° 93 de mai-juin 2005, l’Abbé Gleize, après avoir cité Mgr Lefebvre : « C’est la foi qui est la base de toute visibilité de l’Église. La catholicité, c’est la foi une dans l’espace. L’apostolicité, c’est la foi une dans le temps. La sainteté, c’est le fruit de la foi… »[1], commente avec force et justesse :
« Prenons garde à confondre aujourd’hui “Église visible” et “Église officielle”, c’est-à-dire appareil hiérarchique investi par la nouvelle pensée de Vatican II. L’Église visible c’est la Tradition, c’est-à-dire la vie théologale essentielle qui se manifeste à travers la vie sociale essentielle. Tandis que l’Église officielle, c’est une secte, une idéologie, celle du modernisme, qui a investi les postes du pouvoir dans l’Église, et qui se donne l’apparence trompeuse de l’Église. Mais cette apparence est trompeuse parce qu’elle résulte d’une similitude dans la physionomie, sans qu’il y ait similitude dans les opérations vitales. Et de la même manière que l’homme et le singe peuvent présenter la même physionomie, bien qu’ils ne possèdent pas du tout les mêmes aptitudes, ainsi en va-t-il de la véritable Église et de la secte. Si l’on s’en tient à la pure physionomie, on va prendre le singe pour un homme, et on prendra la secte pour l’Église. On retrouve opportunément la citation de l’Apocalypse de saint Jean : “Puis je vis monter de la terre une autre bête, qui avait deux cornes semblables à celles d’un agneau, et qui parlait comme un dragon”. Or, dans le cas de l’Église, ces aptitudes que la secte ne peut pas posséder, ce sont les notes. Les notes, ce sont les opérations vitales de l’Église, que nulle secte ne pourra jamais contrefaire. »[2]
Une secte, une dissociété…
En 2005, l’Abbé Gleize usait du même terme que Mgr Tissier de Mallerais, répondant en 2013 dans l’éditorial du Sel de la Terre, à la question : “Y a-t-il une Église conciliaire ?”. Ce dernier expliquait que « formellement considérée, l’Église conciliaire est une secte qui occupe l’Église catholique », autrement dit, un clergé moderniste possédant les structures catholiques mais ne représentant pas pour autant l’Église catholique.
« La malice de la hiérarchie conciliaire est achevée par l’usage qu’elle fait du mensonge et de l’équivoque. […] Bienheureux ceux qui ne sont pas de cette “communion des profanes”, qui en sont providentiellement exclus ou sont menacés d’en être exclus ! Heureuse relégation ou déréliction ! La vocation de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X […] n’a jamais été de recevoir les bénédictions et reconnaissances de cette Église conciliaire ! […] Il était probablement préférable, selon les voies de la Providence, que cette partie saine de l’Église, devenue, comme le divin Maître, pierre de scandale, pierre rejetée par les bâtisseurs de la dissociété ecclésiale conciliaire, devienne la pierre angulaire et la clef de voûte de la cathédrale catholique indestructible. »[3]
Une Pseudo-Église, contre-Église, Église en trompe-l’œil
Dans son Apologie pour l’Église de toujours, au prologue, le P. Calmel, un des premiers et valeureux résistants à la révolution dans l’Église, use d’images et de termes très forts :
« Égarés par la grande chimère de vouloir découvrir les moyens infaillibles et faciles de réaliser une bonne fois l’unité religieuse du genre humain, des prélats occupant les charges les plus importantes, travaillent à inventer une Église sans frontières dans laquelle tous les hommes, préalablement dispensés de renoncer au monde et à Satan, ne tarderaient pas à se retrouver, libres et fraternels. Dogmes, rites, hiérarchie, ascèse même si l’on y tient, tout subsisterait de la première Église, mais tout serait démuni des protections requises, voulues par le Seigneur et précisées par la Tradition ; par là même tout serait vidé de la sève catholique, disons de la grâce et de la sainteté. Les adeptes des confessions les plus hétéroclites, et même ceux qui refusent toutes les confessions, entreraient alors de plain-pied ; mais ils entreraient de plain-pied dans une Église en trompe-l’œil. Telle est la tentative présente du Maître prestigieux des mensonges et des illusions. Voilà le grand œuvre, d’inspiration maçonnique, auquel il fait travailler ses suppôts, prêtres sans la foi promus théologiens éminents, évêques inconscients ou félons, sinon apostats déguisés, portés rapidement au comble des honneurs, investis des plus hautes prélatures. Ils consument leur vie et perdent leur âme à édifier une Église postconciliaire, sous le soleil de Satan. » [4]
Le Père Calmel, en vrai chien du Seigneur, aboie contre l’imposture en ces « temps de confusion et d’apostasie… »[5] et met en garde les fidèles contre :
« Une falsification de la religion au nom du salut du monde… »[6] ; « les faux prophètes de la pseudo-Église dissimulée dans la vraie et la seule… »[7] ; « un christianisme au goût du diable complètement nouveau et adapté, résolument tourné vers l’avenir du monde et non vers la béatitude éternelle, ne conservant de l’ancienne religion que les apparences indispensables pour ne pas faire fuir la masse mais la faire virer insensiblement… »[8] ; Une « Église collégialisée et moderniste qui ose se donner comme vraie »[9] ; un « temps exceptionnel parce que l’Église en fait est occupée par la contre-Église, par ses suppôts modernistes… »[10] ; Il dénonce « ces braves gens qui ne sont certes pas révolutionnaires mais qui, n’ayant pas vu ou voulu voir que la révolution est un bloc, estiment que l’on peut faire la juste part à la révolution, surtout qu’elle est bénite par Rome. »[11] ; « ces évêques qui enseignent depuis le Concile une autre religion, ou la laissent enseigner. »[12] Et il affirme : « Je pense que mon ministère demande de me lancer dans ce combat contre un Concile qui a favorisé l’hérésie et par ses textes et par l’utilisation qui en a été faite et qui ne pouvait pas ne pas l’être. »[13] « Il y a une suspicion légitime (au moins cela) que l’actuelle pratique [les innovations de Paul VI] soit acceptée par une Église simplement apparente, par la mafia qui a colonisé (en partie) la vraie Église. »[14]
Une mafia et une nouvelle religion liée à la maçonnerie
Même ton et même force dans les termes chez Mgr Lefebvre :
« Nous avons affaire vraiment à une mafia incroyable, invraisemblable, liée à la maçonnerie… »[15] ; « C’est dès le Concile que l’Église, ou du moins les hommes d’Église occupant les postes-clés, ont pris une orientation nettement opposée à la Tradition, soit au Magistère officiel de l’Église. »[16] « La Rome de toujours est réduite au silence, paralysée par l’autre Rome, la Rome libérale qui l’occupe. »[17] « Aujourd’hui je suis convaincu qu’aucun accord n’est possible tant que les modernistes continueront à occuper tous les postes-clés dans l’Église »[18] ; « Je pense qu’à la prochaine rencontre, c’est moi qui leur poserai des questions. C’est moi qui les interrogerai, pour leur dire : “Quelle Église êtes-vous ? À quelle Église avons-nous affaire, si j’ai affaire à l’Église catholique, ou si j’ai affaire à une autre Église, à une contrefaçon de l’Église ?”… Or, je crois sincèrement que nous avons affaire à une contrefaçon de l’Église et non pas à l’Église catholique. Non seulement ils n’enseignent plus la foi catholique et ne défendent plus la foi catholique, mais ils enseignent autre chose, ils entraînent l’Église dans autre chose que l’Église catholique. Ce n’est plus l’Église catholique. Ils sont bien assis là où étaient leurs prédécesseurs, mais ils ne continuent pas leurs prédécesseurs. […] Et plus les choses s’éclairent, et plus nous nous apercevons que ce programme qui a été élaboré dans les loges maçonniques, eh bien, on s’aperçoit tout doucement et avec des précisions de plus en plus grandes qu’il y a tout simplement une loge maçonnique au Vatican. »[19] « Nous avons affaire à des personnes qui n’ont aucune notion de la Vérité. Nous serons désormais de plus en plus contraints d’agir en considérant cette nouvelle Église conciliaire comme n’étant plus catholique. »[20]
B] Explicitation de la pensée de Mgr Lefebvre… ou relecture ?
En 2005, les affirmations de M. l’abbé Gleize étaient nettes, tranchantes et fermes. Mais depuis le cataclysme de 2012 dans la FSSPX, on a tenté l’impossible : concilier un Mgr Lefebvre qui parlait d’Église conciliaire et un Mgr Fellay qui évite le terme ou le vide de son sens. En effet, là où Mgr Lefebvre disait : l’Église conciliaire n’est plus catholique, Mgr Fellay parle d’« une Église catholique malade mais bien fondée par Notre Seigneur »[21]. Rappelons au passage que pour le théologien Ratzinger, peu après le Concile, « si nous ne voulons pas nous cacher à nous-mêmes la vérité, l’Église n’est ni sainte ni catholique… »[22]
Mgr Fellay a des difficultés pour distinguer l’homme du singe. Il confond l’Église qui est sainte comme son Époux, et ses membres plus ou moins malades du péché. Pour Mgr Fellay, quand nous disons “hors de l’Église point de salut”, « c’est bien de l’Église d’aujourd’hui dont nous parlons. […] le fait d’aller à Rome ne veut pas dire qu’on est d’accord avec eux. Mais c’est l’Église. Et c’est la vraie Église. […] Si nous avons cette joie de pouvoir professer la foi, c’est grâce à cette Église très concrète… qui est dans un état lamentable… C’est l’Église d’aujourd’hui qui sanctifie… »[23]
Étrangement, l’Abbé Gleize s’est cru obligé, en février 2013, de défendre Mgr Fellay dans un article du Courrier de Rome : Peut-on parler d’une Église conciliaire ? puis d’attaquer, sans le nommer, Mgr Tissier de Mallerais dans le Courrier de Rome de septembre 2013. Dans ces articles et ailleurs, l’Abbé Gleize explique que Mgr Lefebvre « ne veut pas dire qu’il y aurait deux Églises opposées ». Quand Mgr Lefebvre dit à ses prêtres et aux fidèles « Vous représentez vraiment l’Église catholique, non pas qu’il n’y ait pas d’Église en dehors de nous, il ne s’agit pas de cela… », il concède évidemment qu’en dehors des fidèles de la Tradition, il y a des individus catholiques, mais il affirme aussi que nous sommes vrais fils de l’Église catholique parce que, justement, hors de l’Église conciliaire qui est une structure ne possédant plus les notes de catholicité.
Cette nouvelle conception de l’Église, Mgr Fellay la révéla sans ambiguïté un certain lundi 16 février 2009. Ce jour-là, à Flavigny, il affirma devant les prieurs de France que certains « pour faciliter les choses font une identification entre l’Église officielle et l’Église moderniste. Mais c’est une erreur, car nous parlons d’une réalité concrète ». Or, Mgr Lefebvre pensait le contraire : « C’est se tromper [que d’assimiler] Église officielle et Église visible [c’est-à-dire catholique]… »[24]. Ceci n’a pas empêché M. l’abbé Gleize d’affirmer péremptoirement : « On ne voit pas comment il entrerait dans l’intention de son successeur [Mgr Fellay] de se mettre en contradiction avec lui [Mgr Lefebvre] ». Si l’intention subjective est une chose, la contradiction objective en est une autre. Lors d’une conférence en 2012, Mgr Fellay se fait encore plus explicite :
« Nous ne parlons pas d’une Église en l’air ! Nous parlons de l’Église qui est là, réelle, devant nous, avec une hiérarchie, avec un pape. Ce n’est pas le fruit de notre imagination : l’Église est là, elle est réelle, l’Église catholique romaine. Nous disons et nous devons professer cette Église comme étant sainte, comme étant une, car la foi nous y oblige. »[25]
Mgr Tissier de Mallerais a contredit cette vision des choses. Mais selon l’Abbé Gleize, l’argumentaire de Mgr Tissier relève de “l’intempérance théologique”, du “raisonnement inopérant” et du “cercle vicieux”, venant d’une “méprise inimaginable” et “indigne de la psychologie la plus élémentaire.”[26]
L’argumentation de Mgr Tissier de Mallerais est en réalité claire et réaliste : on est bien obligé de constater que la secte “conciliaire” siégeant à Rome depuis le Concile n’a plus la même fin ni la même forme que l’Église catholique. L’existence d’une “Église conciliaire” apparaît par l’examen des quatre causes selon Aristote. L’Église conciliaire a pour cause matérielle les baptisés trompés ; pour cause efficiente, une hiérarchie hétérodoxe qui occupe les sièges épiscopaux ; pour cause finale une unité naturaliste du genre humain par un œcuménisme libéral ; pour cause formelle, une soumission à l’enseignement du concile Vatican II et à la pratique d’une nouvelle liturgie avec un nouveau droit[27]. Il n’y a dans ce constat ni “pétition de principe” ni “cercle vicieux”.
Si l’Abbé Gleize prend bien le soin de préciser, fort heureusement, qu’il « faut fuir l’Église conciliaire comme la peste », il réduit pourtant celle-ci à une tendance. L’Église conciliaire ne serait que l’Église catholique “entachée d’un esprit ou d’une tendance néo-moderniste et néo-protestante.” Si en 2005, l’Abbé Gleize mettait en garde contre son apparence trompeuse d’Église catholique, en 2013, la secte n’est plus une secte, le singe ne serait plus un singe mais un homme malade.
De plus, l’exégèse de M. l’abbé Gleize ne révèle pas, malgré ses prétentions, la pensée de Mgr Lefebvre. Lors de son homélie pour le sacre des quatre évêques, Mgr Lefebvre parle de « cette Église conciliaire qui suit des chemins qui ne sont pas des chemins catholiques et qui mènent tout simplement à l’apostasie ». Et il lui semble « entendre la voix de tous ces papes depuis Grégoire XVI » lui dire : « Mais de grâce… continuez l’Église. » Certes, il raconte comment lui-même et Mgr de Castro Mayer ont « essayé par tous les moyens, d’arriver à faire comprendre à Rome que, depuis le Concile, cet “aggiornamento”, ce changement qui s’est produit dans l’Église, n’est pas catholique. » Mais il ajoute aussitôt comment ils furent aussi obligés de constater que « pour le Vatican, la seule vérité qui existe aujourd’hui, c’est la vérité conciliaire, c’est “l’esprit du Concile”, c’est l’esprit d’Assise. » En tout cela, Mgr Lefebvre voyait l’accomplissement des « apparitions de La Salette. Notre Dame a dit que Rome perdra la foi, qu’il y aura une éclipse à Rome. » (30 juin 1988)
Si en 1970, Mgr Lefebvre pouvait bien parler de tendance, d’esprit, d’orientation, le temps a montré que le résultat du changement n’était pas catholique et qu’il caractérisait une réalité “hors de l’Eglise”. Une citation plus explicite et datant de quelques mois après les sacres le manifeste : « Le jour où ils reconnaîtront de nouveau NS Roi des peuples et des nations, ce n’est pas nous qu’ils auront rejoints, mais l’Église catholique dans laquelle nous demeurons. »[28]
Quant à Mgr de Castro Mayer, c’est par « devoir de conscience » et pour « faire une profession de foi catholique devant toute l’Église » qu’il participe à la cérémonie des sacres : « la foi est en danger », « une crise sans précédent touche l’Église dans son essence, dans sa substance… »[29] Or quand un être change « dans son essence, dans sa substance », on est face à une nouvelle réalité. On parle alors du changement substantiel et non accidentel comme celui d’un être identique à lui-même qui serait malade ou affaibli.
Les oublis et insuffisances de M. l’abbé Gleize
L’abbé Gleize a omis dans son article quelques citations importantes de Mgr Lefebvre au sujet de l’Église conciliaire.
Mgr Lefebvre conseillait à ses séminaristes de « lire attentivement » « l’article de Louis Salleron intitulé “De l’affaire d’Écône à l’Église conciliaire” ». On y lisait : « Ce qui est toutefois certain, c’est que le Concile apparaît à beaucoup comme une novation majeure, voire sans précédent dans l’Église. »[30] Dans une conférence spirituelle, Mgr Lefebvre ajoute ce commentaire :
« Ils instaurent un magistère nouveau, une conception moderniste du magistère, selon la conception condamnée par saint Pie X dans Pascendi, d’une Église vivante, c’est-à-dire qui évolue et change ainsi que ses formules religieuses pour rester adaptée au croyant et à sa foi. […] Mgr Benelli nous demande d’être fidèles à “l’Église conciliaire”. “En quoi consiste cette fidélité ?” demande Salleron. “En quoi consiste cette novation absolue d’une Église conciliaire, distincte de l’Église catholique ? […] Nous constatons qu’un magistère de plus en plus mal défini fait de sa volonté propre la norme suprême de la vie religieuse ». C’est capital. Cette phrase-là est absolument considérable. »[31]
L’abbé Gleize cite bien de Mgr Lefebvre au séminaire de Flavigny en décembre 1988 mais il n’a pas jugé utile d’ajouter cette phrase de la conférence : « C’est une secte qui s’est emparée de Rome, des leviers de commande de l’Église et ils se servent de leur autorité pour détruire l’Église du passé. »
La conférence de presse du 15 juin 1988 comportait une « déclaration publique » de Mgr Lefebvre rédigée depuis le 19 octobre… 1983, disant : « L’Église a horreur de toute communion […] avec les fausses religions, avec les hérésies. […] Elle ne connaît que l’unité dans son sein. […] Pour sauvegarder le sacerdoce catholique qui continue l’Église catholique et non une Église adultère, il faut des évêques catholiques. »[32] M. l’abbé Gleize aurait pu aussi ne pas oublier de rappeler la satisfaction des supérieurs de la Fsspx d’être déclarés excommuniés par « ce système qui se qualifie lui-même d’Église conciliaire, contrefaçon d’Église, évolutive, pentecôtiste, et syncrétiste », qui, de ce fait même, s’auto-excommunie[33].
Au n° 19 de son article, M. l’abbé Gleize cite Mgr Lefebvre au sujet du « changement d’orientation » depuis le Concile. Cette imprécision doit être une distraction, puisqu’en note l’Abbé donne la citation exacte tirée de J’accuse le Concile. Or là, Mgr Lefebvre parle d’une « orientation nettement opposée à la Tradition ».
Décrire la réalité conciliaire de l’Église depuis Vatican II par « un esprit nouveau qui s’est introduit dans l’Église et qui fait obstacle à la fin de l’Église » est insuffisant. Car l’Abbé Gleize lui-même explique bien qu’une société est « un ordre de relations unissant ses membres du fait qu’ils exercent sous la même autorité la même opération commune en vue de la même fin ». Or cette définition s’applique à l’Église catholique comme à la secte conciliaire. Et comme à toute société dont la forme est déterminée par la fin. L’Église conciliaire a bien son autorité (François et des évêques en communion avec lui), une opération commune (appliquer le concile Vatican II et en vivre) et une fin (les buts humanitaires et humanistes prêchés par la hiérarchie et incarnés par les fidèles).
Dans “Quelques réflexions à propos de la « suspense a divinis »”, Mgr Lefebvre faisait les remarques suivantes :
« Quoi de plus clair ! Désormais c’est à l’Église conciliaire qu’il faut obéir et être fidèle, et non plus à l’Église catholique. C’est précisément tout notre problème. Nous sommes “suspens a divinis” par l’Église conciliaire et pour l’Église conciliaire, dont nous ne voulons pas faire partie. Cette Église conciliaire est une Église schismatique, parce qu’elle rompt avec l’Église catholique de toujours. Elle a ses nouveaux dogmes, son nouveau sacerdoce, ses nouvelles institutions, son nouveau culte, déjà condamnés par l’Église en maints documents officiels et définitifs. […] Cette Église conciliaire est schismatique parce qu’elle a pris pour base de sa mise à jour des principes opposés à ceux de l’Église catholique : ainsi la nouvelle conception de la messe, exprimée dans les numéros 5 de la Préface du Missale romanum et 7 du premier chapitre qui donnent à l’assemblée un rôle sacerdotal qu’elle ne peut avoir ; ainsi également le droit naturel, c’est-à-dire divin, de toute personne et de tout groupe de personnes, à la liberté religieuse. Ce droit à la liberté religieuse est blasphématoire, car c’est prêter à Dieu des intentions qui détruisent sa Majesté, sa Gloire, sa Royauté. Ce droit implique la liberté de conscience, la liberté de pensée et toutes les libertés maçonniques. L’Église qui affirme de pareilles erreurs est à la fois schismatique et hérétique. Cette Église conciliaire n’est donc pas catholique. Dans la mesure où le pape, les évêques, prêtres ou fidèles adhèrent à cette nouvelle Église, ils se séparent de l’Église catholique. »[34]
Une société est composée de membres reliés entre eux par la recherche d’une même fin et sous une même autorité. Or l’Église d’aujourd’hui a pour fin nouvelle le bien-vivre avec le monde et ses principes faux (humanisme maçonnique). Gaudium et Spes déclare en effet : « Croyants et incroyants sont généralement d’accord sur ce point : tout sur terre doit être ordonné à l’homme comme à son centre et à son sommet » (12 § 1). Paul VI, lors de la conclusion du concile Vatican II, a pu affirmer : « La religion du Dieu qui s’est fait homme s’est rencontrée avec la religion de l’homme qui s’est fait Dieu. Qu’est-il arrivé ? Un choc, une lutte, un anathème ? Cela pouvait arriver mais cela n’a pas eu lieu. La vieille histoire du Samaritain a été le modèle de la spiritualité du Concile. Une sympathie sans bornes l’a envahi tout entier… Reconnaissez-lui au moins ce mérite, vous humanistes modernes qui renoncez à la transcendance des choses suprêmes, et sachez reconnaître notre nouvel humanisme. Nous aussi, nous plus que quiconque, nous avons le culte de l’homme. »[35]
C’est cela l’Église conciliaire… une société concrète qui ne garde plus fidèlement le dépôt divin. Selon M. l’abbé Gleize, « l’hérésie ou le schisme ne peuvent se constituer en société numériquement distincte ou en groupe séparé qu’à partir du moment où ses adeptes en font la profession notoire. »[36] Certes, mais la rupture entre Église conciliaire et Église catholique est facilement constatée, même par un simple observateur. Dire alors, comme le fait Mgr Fellay, que l’Église d’aujourd’hui, qui est conciliaire, est notre Église (catholique) ne peut venir que d’une confusion subjective et d’une description phénoménologique. C’est s’en tenir « à la pure physionomie » et « prendre le singe pour un homme, prendre la secte pour l’Église ».
Au sujet du « protocole du 5 mai signé un peu du bout des doigts, il faut bien le dire », Mgr Lefebvre rapporte les propos du cardinal Ratzinger, « Il n’y a qu’une Église !… Il ne faut pas d’Église parallèle ! »… et commente : « Alors cette Église, évidemment, c’est l’Église du Concile, c’est la Tradition aujourd’hui. » Quand le moderniste Ratzinger dit “Ralliez-vous à l’Église d’aujourd’hui” Mgr Lefebvre s’insurge : « Ce sont eux qui font une Église parallèle, ce n’est pas nous. »[37] Il y a donc bien deux Églises : la nôtre (qui est catholique) et une parallèle (la conciliaire)[38].
Pour M. l’abbé Gleize :
« Tout autre avis restant sauf, il nous semble que l’expression “Église conciliaire” désigne, dans la pensée de Mgr Lefebvre comme dans la réalité, l’état de privation fomenté par la partie séditieuse qui sévit à l’intérieur de l’Église, et non pas une autre Église qui serait comme telle distincte en acte et numériquement de l’Église catholique. L’Église libérale, moderniste ou conciliaire, est l’Église considérée dans l’une de ses tendances, qui tend à la corrompre de l’intérieur, en substituant à la fin de l’Église catholique, voulue par son divin fondateur, une autre fin inventée de toutes pièces par des conspirateurs. L’Église est donc dite libérale, moderniste, ou conciliaire en tant qu’elle subit les effets néfastes d’une “infiltration ennemie”. »[39]
Si en 1976 on est bien devant une infiltration ennemie et un esprit nouveau qui corrompt la fin divine de l’Église dans l’Église, 50 ans après, avec l’institutionnalisation d’une nouvelle messe favens haeresiam, les nouveaux sacrements douteux, le nouveau code moderniste et personnaliste… n’est-on pas en droit de dire que le brigandage que fut Vatican II a engendré l’imposture d’une nouvelle religion qui éclipse et persécute l’Église catholique ?
« J’adhère à la Rome catholique mais non aux réformes post-conciliaires qui s’opposent au magistère de toujours : nouvelle messe, nouveaux sacrements, nouveau sacerdoce, nouvelle Église dite conciliaire par opposition à l’Église antérieure, l’Église éternelle. […] Même s’ils [pape et évêques] ne renient pas explicitement la foi en suivant Vatican II, ils la renient dans les faits, la liberté religieuse et l’œcuménisme étant opposés à la foi traditionnelle. »[40]
Pour M. l’abbé Gleize :
« Un facteur nouveau et inévitable est intervenu depuis la mort de Mgr Lefebvre : celui de la durée. Le temps passe en effet. Parler d’Église conciliaire dans le contexte d’une subversion encore toute récente ne présente guère de risques. Plusieurs décennies après, alors que tout l’acquis révolutionnaire s’est plus ou moins normalisé, dans un style résolument conservateur qui prête fortement à illusion, on pourrait être mal compris et finir par se méprendre soi-même. »[41]
Mais une révolution subversive dans l’Église peut-elle se normaliser avec le temps ? Mgr Lefebvre était, lui aussi, conscient du problème du facteur temps, mais sa conclusion est à l’opposé de celle de M. l’abbé Gleize.
« À mon sens, nous sommes de plus en plus obligés de nous séparer de ces gens-là, un peu comme ont dû le faire les catholiques qui ont voulu rester catholiques au temps où l’Angleterre a pris la religion anglicane. Ils étaient tous catholiques, ils sont devenus anglicans. Il y a eu un moment donné où les quelques-uns qui ont résisté ont dû déclarer : “Maintenant, c’est fini ! Ils ne sont plus de notre religion. C’est terminé, ils ne sont plus catholiques…” Nous nous demandons si nous n’allons pas arriver à une situation semblable. »[42]
Pour M. l’abbé Gleize :
« L’Église est conciliaire non pas essentiellement et en tant que telle (car alors, elle ne serait plus catholique et aurait défailli) mais accidentellement en tant qu’elle subit les effets néfastes d’une “infiltration ennemie”. […] Les tendances libérales et modernistes qui sévissent au sein de cette Église jusque dans sa hiérarchie, empêchent seulement jusqu’à un certain point, sans jamais la faire disparaître totalement, la pleine manifestation des notes de l’Église. »[43]
Tout le problème est là.
En 2005, M. l’abbé Gleize déclare que « nulle secte ne pourra jamais contrefaire les notes de l’Église »[44], mais en 2013 « les tendances modernistes empêchent seulement jusqu’à un certain point, sans jamais la faire disparaître totalement, la pleine manifestation des notes de l’Église. »[45] C’est cette difficulté qu’il nous faut maintenant résoudre.
A suivre…
Abbé Olivier Rioult
[1] Fideliter, n° 66, pp. 27-31.
[2] Abbé J.M. Gleize, “Nouvelles de Chrétienté”, n° 93 de mai-juin 2005.
[3] Mgr Tissier de Mallerais, Sel de la Terre n° 85 – été 2013.
[4] P. Calmel, Itinéraires 1971.
[5] Père R.-T. Calmel, Lettre du 8 fév. 1965.
[6] Père R.-T. Calmel, Lettre d’avril 1965.
[7] Père R.-T. Calmel, Lettre du 16 oct. 1969.
[8] Père R.-T. Calmel, Lettre du 1er nov. 1969.
[9] Père R.-T. Calmel, Lettre de fév. 1972.
[10] Père R.-T. Calmel, Lettre de juin 1974.
[11] Père R.-T. Calmel, Itinéraires, n° 148 – déc.1970, Sans mauvaise conscience.
[12] Père R.-T. Calmel, Lettre du 1er nov. 1967.
[13] Père R.-T. Calmel, Lettre du 1er sept. 1970.
[14] Père R.-T. Calmel, Note sur la concélébration pour Dom Gérard, 26 nov. 1973
[15] Conférence aux prêtres, Écône 4 sept. 1987.
[16] Mgr Lefebvre, J’accuse le Concile, 1976.
[17] Mgr Lefebvre, Ils L’ont découronné, 1987, Introduction.
[18] Entretien de Mgr Lefebvre avec 30 Giorni de juillet 1989, à propos de ses entretiens avec le cardinal Seper, au début du pontificat de Jean-Paul II.
[19] Conf., Écône, le 21 juin 1978.
[20] Lettre de Mgr Lefebvre à Jean Madiran, 29 janvier 1986.
[21] Courrier de Rome, “Peut-on parler d’une église conciliaire ?”, février 2013, n° 363.
[22] Dans son livre “Einführung in das Christentum”.
[23] Mgr Fellay, sermon du 2 sept. 2012 au MCF, Flavigny, Nouvelles de Chrétienté n° 137.
[24] Retraite, Écône, 9 septembre 1988.
[25] À Flavigny, le 2 septembre 2012.
[26] Courrier de Rome, n° 368, sept. 2013, § 25.
[27] Mgr Tissier de Mallerais, Sel de la Terre n° 85 – été 2013.
[28] Flavigny, déc. 1988.
[29] Fideliter, n° 64, juillet-août 1988.
[30] Itinéraires n° 209, janvier 1977, p. 87.
[31] Cospec 37 B, 13 janvier 1977, cité par Mgr Tissier dans Marcel Lefebvre, Clovis, 2002, p. 531.
[32] Mgr Tissier dans Marcel Lefebvre, Clovis, 2002, p. 591.
[33] Lettre Ouverte des Supérieurs de la FSSPX, juillet 1988. Fideliter n° 64, juillet-août 1988.
[34] Réflexions, 29 juillet 1976, Itinéraires, La condamnation sauvage, n° 40.
[35] Discours de clôture du concile Vatican II, Paul VI. 7 déc. 1965. Doc. Cath., 66, Col. 59, 66.
[36] Courrier de Rome, n° 368, sept. 2013, § 11 & 14.
[37] Cospec, 125B, 9 juin 1988.
[38] « A la réflexion, il nous apparaît clairement que le but des colloques et de la réconciliation est de nous réintégrer dans l’Église conciliaire, l’unique Église à laquelle vous faisiez allusion dans vos entretiens. » Cospec, 125B, 9 juin 1988.
[39] Courrier de Rome, n° 368, sept. 2013, § 27.
[40] Mgr Lefebvre, Monde et Vie, 17 juillet 1987, pp. 12-13.
[41] Courrier de Rome, n° 363, fév. 2013, § 24.
[42] Conférence à Flavigny, décembre 1988 — Fideliter n° 68 de mars-avril 1989.
[43] Courrier de Rome, n° 363, fév. 2013, § 37-38.
[44] Abbé J.M. Gleize, “Nouvelles de Chrétienté”, n° 93 de mai-juin 2005.
[45] Courrier de Rome, n° 363, fév. 2013, § 37-38.