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Lettre ouverte à Mgr Tissier de Mallerais

par | Juin 12, 2016 | Mgr Tissier

12 juin 2016 -  Lettre ouverte à Mgr Tissier

Monseigneur,

Par le passé, nous vous avons plusieurs fois confié nos inquiétudes et vous nous aviez plusieurs fois assuré de votre opposition déterminée à la politique de Menzingen. Les lettres que nous avons écrites aux confrères restent malheureusement d’actualité.

Le 4 mai 2012, nous avions confié une réflexion à dix confrères sur la politique déviante du Supérieur général, réflexion qui finissait par les mots d’un évêque du Cætus Internationalis Patrum au concile Vatican II : « Quand les chefs trahissent, les soldats prennent l’initiative… »

M. l’abbé de Cacqueray me sanctionna pour cette initiative, mais il me précisa qu’il le faisait uniquement pour ne pas être sanctionné lui-même par Menzingen et ainsi préserver sa présence au chapitre de juillet 2012.

Le 28 février 2013, nous avions adressé une “Lettre à Mgr Fellay” lui rappelant son « devoir en justice de dire la vérité, de réparer les mensonges et de rétracter les erreurs », lettre qui finissait par ce souhait : que « l’histoire » ne se souvienne pas de lui comme de « l’homme qui a défiguré et mutilé la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X ».

Le 21 novembre 2013, dans une lettre aux prêtres du district de France, nous avons montré la contradiction entre un Mgr Fellay disant : « quel que soit l’accord : pas de compromis ! Nous restons tels que nous sommes » et un Mgr Lefebvre affirmant qu’en cas d’accord, « il ne suffit pas de dire : on n’a rien changé dans la pratique… » Contradiction entre un Mgr Fellay disant, au sujet d’un “retour de la Tradition à Rome” : « Il est très difficile de dire par où cela commencera… » et un Mgr Lefebvre répondant : « quand on me demande quand il y aura un accord avec Rome, ma réponse est simple : quand Rome re-couronnera Notre Seigneur Jésus-Christ. Le jour où ils le reconnaîtront de nouveau roi des peuples et des nations, ce n’est pas nous qu’ils auront rejoints, mais l’Église catholique dans laquelle nous demeuronsNous ne sommes pas de cette Église conciliaire qui a de moins en moins de l’Église catholique, pratiquement plus rien. »

Le 22 août 2015, dans une lettre aux confrères, nous citions une réflexion de Tixier-Vignancour sur “De Gaulle” qui peut convenir à “Fellay” : « Si tu es gaulliste et intelligent, tu n’es pas sincère. Si tu es gaulliste et sincère, tu n’es pas intelligent. Si tu es intelligent et sincère, tu n’es pas gaulliste », leur rappelant aussi que « l’instauration de cette “Église conciliaire” imbue des principes de 1789, des principes maçonniques envers la religion et les religions, envers la société civile, est une imposture inspirée par l’Enfer pour la destruction de la religion catholique, de son magistère, de son sacerdoce et du sacrifice de Notre-Seigneur » (Mgr Lefebvre, Itinéraire spirituel).

Tous ces documents sont accessibles sur le site lasapinière.info.

Aujourd’hui, c’est à vous que je m’adresse.

Dans un entretien fleuve donné à laportelatine (21 mars 2016), vous affirmez, en deux petites phrases assassines, que la “politique romaine” de Mgr Lefebvre, et ce “jusqu’à sa mort”, aurait été que “la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X soit à nouveau canoniquement reconnue” même par des “pontifes” qui “scandalisent” par leur “erreurs” et que “Mgr Lefebvre n’a jamais posé, comme condition de notre nouvelle reconnaissance par Rome, que Rome abandonne les erreurs et les réformes conciliaires. Même s’il a dit quelque chose comme ça, il ne l’aurait jamais fait, parce que cela n’avait jamais été sa ligne de conduite, sa stratégie avec la Rome moderniste.

Vous venez donc, finalement, d’accepter le principe qui justifie la politique de Mgr Fellay. Pourquoi un tel reniement ? Ce n’est pas moi qui vous condamne, mais vous-même puisqu’il suffit de vous relire.

Commençons par votre Entretien de 2008 à The Angelus après 20 ans d’épiscopat : « La liberté religieuse et les droits de l’Homme ont complètement détruit la royauté sociale du Christ. Nous vivons la grande apostasie dont parle saint Paul […] La vraie Foi, l’enseignement vrai, les sacrements non abâtardis : tout cela est dans la Fraternité. Partout ailleurs, il y a un mélange plein de compromis à cause du libéralisme et de la faiblesse d’esprit. L’Église parallèle, c’est la néo-Église de Vatican II. »

Au sujet de ceux qui « sont enclins à unir leurs forces avec Rome en s’alliant à des instituts dont le statut canonique est plus « régulier » au sein de l’Église », vous répondiez : « Ces pauvres gens sont des libéraux et des pragmatiques. Ils sont séduits par les sourires des gens du Vatican. Ce sont des gens qui étaient fatigués du long combat pour la Foi […]. Mais ce combat durera encore trente ans. Donc, ne cherchez pas de “réconciliation”, mais combattez ! […] Mgr Rifan a eu le cerveau bien lavé, avant d’être réconcilié. Il garde la sainte messe traditionnelle, mais ne se bat plus contre la nouvelle messe, la liberté religieuse, et ainsi de suite. Les communautés Ecclesia Dei ont été réduites au silence et ont accepté de se taire. Tel a été le prix de leur “réconciliation”. Mgr Lefebvre avait donc entièrement raison quand il disait que seuls des évêques entièrement catholiques et entièrement libres, libres de l’influence libérale de Rome, pouvaient travailler pour le bien de l’Église en attendant la conversion du Pape»

On vous demandait ensuite : « Quels sont, selon vous, les plus grands défis auxquels la Fraternité et les fidèles devront faire face dans les années à venir ? ». Voici votre réponse : « D’abord, notre persévérance à refuser les erreurs du concile de Vatican II. Deuxièmement, la force de notre refus de toute “réconciliation” avec la Rome occupée… »

Continuons avec votre entretien à Rivarol le 13 juin 2012 : « Ce projet “d’officialisation” de la FSSPX me laisse indifférent. Nous n’en avons pas besoin et l’Église n’en a pas besoin. […] On voudrait mettre notre lumière sous le boisseau par notre intégration dans l’orbe conciliaire. Ce statut qu’on nous propose de prélature personnelle, analogue à celui de l’Opus Dei, est un statut pour un état de paix. Mais actuellement nous sommes dans un état de guerre dans l’Église. Ce serait une contradiction de vouloir “régulariser la guerre”… L’irrégularité n’est pas la nôtre. C’est celle de Rome. […] la Rome néo-moderniste qui n’est plus la Rome éternelle, qui n’est plus la maîtresse de sagesse et de vérité, mais qui est devenue source d’erreur depuis le concile Vatican II et qui le demeure aujourd’hui. […] La foi passe avant la légalité. Nous ne pouvons pas accepter une légalisation sans que le problème de la foi soit résolu. »

Finissons par votre sermon du 1er janvier 2015 transcrit par The Recusant : « Nos “mauvais amis” disent que la Fraternité doit retrouver une “situation normale” et recevoir un “statut canonique de Rome”. C’est faux, c’est une erreur. Nous ne sommes pas dans une situation anormale. La situation anormale est à Rome… N’inversons pas la réalité. »

Monseigneur, qui “a eu le cerveau bien lavé” ? Qui sont ces “mauvais amis” ? Qui sont “ces libéraux et ces pragmatiques” ? Depuis plusieurs années, la Fraternité vit dans le mensonge et ses prêtres, pour leur malheur, semblent s’y être habitués.

En 2007, Mgr Fellay a exprimé « sa vive gratitude » à Benoît XVI pour son Motu Proprio rétablissant « dans ses droits la messe tridentine. » Vous avez même parlé d’un « miracle inattendu » alors que le texte considérait la messe bâtarde et protestantisée comme la liturgie ordinaire de l’Église catholique.

En 2009, Mgr Fellay exprimait à Benoît XVI sa « gratitude filiale » pour la levée de l’excommunication des évêques de la Fraternité sous le motif officiel de votre « malaise spirituel » (sic). À l’époque, un seul membre a eu le courage de dénoncer publiquement l’imposture de la Fraternité : M. l’abbé Ceriani.

En 2012, l’accord préparé, certes, échoua. Mais Mgr Fellay écrivit à Benoît XVI sa déception : « Malheureusement, dans le contexte actuel de la Fraternité, la nouvelle déclaration ne passera pas » et il affirmait son « intention de continuer sur ce chemin. » Ayant plus d’une preuve de la trahison de votre chef, vous aviez bien tenté une réaction avec Mgr de Galarreta et Mgr Williamson. Mais Mgr de Galarreta, dès le 13 octobre 2012 à Villepreux, signait sa reddition par cette phrase mémorable qu’il lui faudra expliquer au jour du jugement dernier : « Il est presque impossible que la majorité des Supérieurs de la Fraternité se trompe dans une matière prudentielle. Et si cela par un hasard impossible arrive et bien, tant pis, de toute façon on va faire ce que la majorité pense. »

Quant à vous, vous avez tenu bon plus longtemps mais pour arriver au même résultat. En 2016, vous cautionnez un principe mortifère qui accepte en théorie une « réconciliation avec la nouvelle religion ». De plus, vous acceptez une juridiction ordinaire pour vos absolutions sacramentelles et cela « sans que le problème de la foi soit résolu ».

Nous savons qu’en privé vous ne ménagez aucun effort pour contrer la folie de vos chefs. Vous pensez même, par votre résistance intérieure, avoir réussi à protéger la FSSPX de l’acte irrémédiable en faisant échouer tel accord imminent avec Rome. Mais tant que vous ne vous résoudrez pas à dénoncer publiquement Mgr Fellay comme un faux ami de la Tradition, vous coopérerez à la corruption de votre Fraternité et serez complice du scandale qu’elle occasionne chez les catholiques fidèles dans la lutte contre la révolution conciliaire.

Le mal est fait. Peu importe que l’accord n’aboutisse jamais. Le simple fait d’accepter le principe impie d’une union adultère avec les représentants de la révolution conciliaire suffit à corrompre le zèle de ceux qui souffrent pour la foi.

Votre résistance “silencieuse” a l’inconvénient de passer inaperçue et donc d’empêcher les fidèles et les prêtres de prendre conscience que pendant qu’ils dorment du sommeil des justes, la tête corrompue de la FSSPX, elle, travaille de toutes ses forces à la trahison. De plus, si vos efforts ont empêché l’adultère d’être consommé, ils sont inefficaces à endiguer toutes ces pensées, paroles et désirs impurs qui souillent la FSSPX : “Et moi je vous dis que quiconque regarde une femme avec convoitise, a déjà commis l’adultère avec elle dans son cœur.” 

Grâce à Mgr Fellay et à tous ceux qui le soutiennent et l’approuvent, la FSSPX a déjà, plus d’une fois, commis l’adultère dans son cœur. Vous gagnez du temps mais sans rien résoudre puisque François et Mgr Fellay l’ont dit explicitement : vu « les problèmes » de part et d’autres, il faut « prendre son temps. » L’union adultère se fera donc ! François et Mgr Fellay finiront dans le même lit. Ils le veulent l’un comme l’autre.

Et puis, comment comptez-vous purifier la FSSPX alors que Mgr Fellay et son clan contrôlent tout dans la FSSPX ? Tous ceux qui suivent servilement sa politique sont destinés aux postes de direction… Tandis que ceux qui ont manqué de servilité sont, par le jeu des mutations, écartés… Comment espérez-vous redresser la FSSPX alors que la plupart des jeunes prêtres ont fait de l’obéissance un absolu et de la recherche d’un accord avec la Rome conciliaire une fin désirable ?

D’un côté vous luttez contre la fornication en acte de la FSSPX avec Rome mais de l’autre côté vous cautionnez ce désir de fornication en défendant un principe “faux” et une “erreur”, pour reprendre vos termes d’antan, puisque selon vous, Mgr Lefebvre aurait cherché, jusqu’à « sa mort en 1991 », à ce « que la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X fût à nouveau canoniquement reconnue »… et que vous acceptez de vivre dans une “Fraternité Sacerdotale Saint Pie X qui cherche à être canoniquement reconnue” par des “pontifes” qui “scandalisent à juste titre” pour leur “erreurs” …

Ne vous faites pas d’illusion. Malgré vos pieux désirs et les apparences (vocations, maisons, et dizaines de millions dans les caisses…) la FSSPX est déjà morte : « Je connais tes œuvres : tu as la réputation d’être vivant, mais tu es mort » disait le Christ, dans son Apocalypse, à une église infidèle. La FSSPX vit en état de péché mortel depuis trop longtemps. Si on n’a pas pu encore la surprendre dans le lit de Rome avec un accord en bonne et due forme, la corruption de sa tête et d’une partie de plus en plus grande de ses membres font que la FSSPX a rejoint le monde des « communautés Ecclesia Dei »…

De plus « tout royaume divisé contre lui-même va à la ruine ». Or la FSSPX est divisée entre ceux qui veulent un accord parce que l’autorité de Rome est légitime et ceux qui n’en veulent pas quoique l’autorité de Rome soit légitime, sans oublier la minorité qui ne veut pas d’accord pour la seule et bonne raison que l’autorité de Rome est illégitime car hérétique.

Vous savez enfin que l’on peut faire dire n’importe quoi à un mort qui, de son vivant, a dû affronter quasi seul une situation inouïe, au point d’être plus d’une fois déconcerté par elle et de dire ou faire des choses contradictoires. Pourtant, dès 1978, Mgr Lefebvre confessait croire « sincèrement que nous avons affaire à une contrefaçon de l’Église et non pas à l’Église catholique… Ils sont bien assis là où étaient leurs prédécesseurs, mais ils ne continuent pas leurs prédécesseurs.» En 1986 : « Nous serons désormais de plus en plus contraints d’agir en considérant cette nouvelle Église conciliaire comme n’étant plus catholique. » En 1988 : « Si vous n’acceptez pas la doctrine de vos prédécesseurs, il est inutile de parler. » En 1991, dans sa dernière conférence aux séminaristes : « La situation dans l’Église est plus grave que s’il s’agissait de la perte de la foi. C’est la mise en place d’une autre religion, avec d’autres principes qui ne sont pas catholiques. »

Mais au fond, peu importent ces paroles, car nous n’avons pas besoin de Mgr Lefebvre pour discerner ce qui est catholique de ce qui ne l’est pas. Il suffit pour cela de connaître l’enseignement de l’Église. Or, d’après cet enseignement, nous sommes obligés de constater que les dires et les faits de François ne sont pas catholiques. L’abbé Roy, prêtre de la FSSPX au Canada, l’a récemment rappelé dans son sermon du 3e dimanche après Pâques à la suite de l’Exhortation de François.

« Le Seigneur nous montre de plus en plus clairement que Rome n’a pas la foi… Alors je pense que si nous n’avons pas le courage de nous séparer de façon claire de celui qui annonce un autre évangile que l’Evangile de Notre-Seigneur Jésus-Christ, Notre-Seigneur Jésus-Christ va permettre que nos intelligences soient dans les ténèbres, que nos volontés soient dans la faiblesse. Parce que celui qui n’aime pas Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui n’aime pas la vérité par-dessus toute chose, comment peut-il détester le péché, comment peut-il rejeter le péché de sa vie ? … Nous devons suivre ce commandement de saint Paul, c’est-à-dire : qu’ils soient anathèmes, et [les] montrer du doigt comme non catholiques, ne pas rentrer dans cette illusion que ces gens sont catholiques. Rentrer dans cette illusion que nous avons la même foi que ces gens, c’est impossible, c’est un mensonge. »

Monseigneur, par le passé, vous faisiez vôtre cette proclamation : « Nous n’avons jamais voulu appartenir à ce système qui se qualifie lui-même d’Église conciliaire, et se définit par le Novus Ordo Missæ, l’œcuménisme indifférentiste et la laïcisation de toute la société. Oui, nous n’avons aucune part, nullam partem habemus, avec le panthéon des religions d’Assise. »

Et aujourd’hui, vous concluez : « ce n’est pas le moment de savoir si nous allons recevoir de la Rome actuelle les bénédictions, une juridiction… Ce n’est pas le problème. Laissons ce problème à nos supérieurs. Nous autres, simples fidèles ou simples prêtres, notre rôle est de rendre témoignage à Notre Seigneur Jésus-Christ. » (15 mai 2016)

Vous vous moquez ! Seriez-vous le seul à ne pas voir ce que le monde entier remarque ? Une source vaticane confiait récemment que la FSSPX a déjà « atténué certains de [ses] écrits, interviews et publications. » Et comment rendre témoignage au Christ en se soumettant à la « Rome apostate et antichrist » selon vos propres termes de votre homélie ?

Quelques secondes après ces paroles affligeantes, vous ajoutez aussi que « le Saint Siège reste le Saint Siège ». Quand commencerez-vous donc à obéir au supérieur de votre supérieur, en obéissant à François qui a canonisé Jean-Paul II : en l’honorant publiquement, en suivant ses enseignements et imitant ses actions ?

Vous savez que nous avons été membre de la FSSPX de 1992 à 2013. Mais vu l’effroyable contre-témoignage que la FSSPX donne actuellement, je regarde mon exclusion de cette société comme une grâce.

Monseigneur, puissiez-vous vous souvenirs des réflexions de l’abbé Berto : « Si [des prêtres, des religieux] font une œuvre néfaste, la charité me commande d’empêcher que leur caractère ne protège leurs entreprises. […] la charité qui m’oblige à les aimer comme mon prochain, me fait un devoir de les haïr, “perfecto odio”, comme publicistes, si leur théologie est inexacte, si leur pastorale est funeste, si leur style est ridicule, si leur jugement est faux, s’ils ratiocinent contre le bon sens, s’ils embrouillent l’essentiel et l’existentiel, surtout enfin s’ils ont gagné une audience assez large pour semer le désarroi dans beaucoup d’esprits, pour déranger un grand nombre de têtes faibles. » (Polémique et Charité)

Abbé Rioult Olivier,
en la fête de saint Agobard,
6 juin 2016.