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Lettres de miliciens… (4/6)

par | Août 8, 2016 | Abbé Rioult

Photo B - miliciens grenoble liteLettres écrites par quelques-uns des 76 prisonniers miliciens qui seront massacrés, en une seule journée au Grand-Bornand, fin août 1944, après un jugement inique et expéditif.

Ils étaient Français. La plupart d’entre eux chrétiens convaincus et paysans issus de la terre savoyarde qu’ils aimaient. Le plus âgé avait combattu à Verdun… le plus jeune venait d’avoir seize ans.

La Sapinière donnera, tous les 8 du mois, les vingt lettres de ces miliciens, pour finir avec celle de Jean Bassompierre… La photo illustrant cet article est celle d’un jeune milicien fusillé à Grenoble.

Ces lettres, outre le mérite d’élever nos âmes, seront un utile devoir de mémoire pour nous aider à discerner l’amour de la haine.

9. François Gain, Cultivateur, 30 ans.

24/8 – 5 heures

Le verdict vient d’être prononcé. Dans un moment je ne serai plus de ce monde… Je regarde la mort en face et mourrai droitement comme j’ai vécu pour la cause que j’ai défendue. Je préfère que de vivre en martyr comme certains l’ont été ici pendant quelques jours…

Pardonnez-moi tous les ennuis que vous ai amenés avec cela…

C’est une honte de savoir ce qui s’est passé dans la salle paroissiale du Grand-Bornand où il en reste des vestiges…

Ne pleurez pas, adieu ma petite Louisette, fini les beaux projets, je penserai à vous tous à mon dernier moment.

10. Jacques de Holstein, Ingénieur, 38 ans.

A son fils

Grand-Bornand 23/8/44

Mon petit Jean-Pierre,

Nous passons tout à l’heure en Cour martiale. Nous avons été faits prisonniers le 18, après que l’assurance formelle nous ait été donnée que nous serions traités honorablement, que nous et nos familles aurions la vie sauve. Or aucun de ces engagements n’a été respecté. Quand tu seras grand, tu rechercheras Michal qui a pu se tirer d’affaire… Il te racontera les jours que nous venons de passer.

Je ne sais pas encore le sort qui m’est réservé, mais je préfère être fusillé que d’être conservé à la disposition de la folie de la foule… Quant à moi je suis en règle avec ma conscience, je n’ai rien à me reprocher sinon de vous avoir entraîné, ta maman et toi dans cette terrible aventure. Je te demande de conserver mon souvenir au fond de ton cœur. Je te demande de ne pas oublier que j’avais envisagé toutes les conséquences que le fait d’être Milicien pouvait entraîner.

Dis-toi que ma conviction politique était puissamment étayée et rappelle-toi que ton père a sacrifié sa vie à maintenir publiquement son idéal nationaliste. Ce sera mon pauvre Jean-Pierre le seul héritage que tu tiendras de moi…

Je t’embrasse mon pauvre chéri, travaille, grandis et plus tard ne m’oublie pas.

11. André, 17 ans, Joseph, 19 ans, Léon, 16 ans, Lacroix, Cultivateurs. 

23/8/44

Biens chers Parents,

Voici quelques mots très brefs de nous tous. Nous savons ce qui nous attend. Nous avons fait ce sacrifice depuis longtemps. Nous n’avons aucun regret si ce n’est celui de n’avoir pas achevé notre tâche. N’ayez pas de chagrin. Consolez-vous en pensant que nous avons fait notre devoir.

Bon courage.

Vos fils qui vous bénissent Confiance en Dieu

12. Urbain aillet, Cultivateur, 30 ans.

Je pardonne à tous ceux qui peuvent m’en vouloir. Je suis innocent…

13. Arsène Messiez-Poche, Cultivateur, 29 ans.

Prisonnier ici par la Résistance, je vais être condamné à mort par la Cour Martiale qui siège ce soir. Je vais au poteau bravement avec environ 80 de mes camarades, nous mourrons en vrais Français et en bons chrétiens, j’en ai la conviction. Je n’ai jamais tué ni volé, j’ai pu faire mes devoirs. A vous mes chers Allondains et à tous mes amis je leur dis adieu ; à la J.A.C. où vont tous mes meilleurs vœux, je recommande de continuer à prier et à méditer sans relâche pour un renouveau chrétien, à aimer Dieu et son prochain…

A M. le Curé et à tous les catholiques de la commune (je demande) de prier pour les incroyants. A tous haut les cœurs et un dernier adieu. Je meurs pour que la France vive…

Remettre 1 000 F à la J.A.C.

(à suivre)