Votre réaction à la déclaration de sept de vos dix doyens dimanche 7 mai dernier, m’incite à vous écrire publiquement parce qu’elle me remémore des faits et des attitudes que j’avais espérés définitivement disparus depuis la mascarade de mon procès ecclésiastique.
« Vous condamnez et réprouvez totalement et fermement la façon subversive par laquelle cette déclaration a été diffusée. »
Vous en détaillez la façon : – Préparation en secret – sélection des confrères – surprise et déstabilisation des supérieurs – prise des fidèles en otage – jugement des supérieurs.
Votre prose me rappelle celle du Secrétaire Général dans sa circulaire du 7 mars 2013 :
« … une poignée de prêtres décidés à faire éclater la Fraternité… » ou encore, plus récentes, les paroles de M. l’abbé Berteaux dans son sermon du 24 avril 2016, réclamant le poteau d’exécution pour M. l’abbé Roy qui avait manifesté son inquiétude. « Oui, je suis inquiet. Beaucoup de prêtres, comme moi, sont inquiets. Si nous avons jusqu’à présent gardé le silence, c’est toujours dans cette espérance que ces chefs qui nous dirigent en ce moment puissent trouver le chemin, puissent retrouver la lumière ».
Ne vous déconsidérez-vous pas lorsque vous accablez si brutalement de subversion ces sept doyens. Sept doyens ! Les nominations seraient-elles, à ce point, hasardeuses, que sept révolutionnaires aient été investis de cette fonction ?
Les connaissez-vous ?
M. l’abbé Aldalur ne cesse de manifester le plus grand respect envers Mgr Fellay qui présida les festivités des 25 ans de son école en 2014. Il lui réserva un accueil triomphal à Lourdes pour le pèlerinage de 2015 et de même à l’occasion du pèlerinage au Puy en 2016. Actuellement, il se dépense sans réserve pour l’installation de la FSSPX dans sa nouvelle acquisition basque.
M. l’abbé Beauvais s’est soumis silencieusement à ses dernières mutations sans ignorer leur motivation.
M. l’abbé Camper se dépense corps et âme pour la nouvelle installation de la Fsspx à Lyon.
M. l’abbé France et M. l’abbé Legrand ne sont-ils pas des modèles de discrétion et de dévouement sacerdotal ?
Peut-on être plus respectueux et obéissant que M. l’abbé Gaudray ? Il fait partie de ceux qui, par le passé, se sont rendus à Menzingen pour exposer leurs inquiétudes. À la sortie de ma détention autrichienne, il me conseilla de tout faire pour ne pas quitter la FSSPX. « Au moins sauvons l’apparence d’unité », me disait-il.
Quant à M. l’abbé de la Roque, il fut l’un des quatre théologiens choisis par Mgr Fellay. Signe de sa compétence et de la confiance que le Supérieur Général lui témoignait. Les deux dominicaines de Brignoles se souviennent encore que M. l’abbé de la Roque leur refusa publiquement la communion au motif qu’elles s’étaient parjurées en quittant leur communauté. Il y a peu de temps, interrogé par Martial Bild, M. l’abbé de la Roque rappela les règles d’obéissance au Supérieur Général, qu’il défendit vigoureusement.
Vraiment, tous sont des exemples de soumission respectueuse. Il n’y a pas l’ombre d’un rebelle parmi ces confrères.
Mais s’il y a une question bien réelle qui se pose, c’est la suivante : comment de tels confrères ont-ils bien pu en arriver à s’opposer publiquement à ce que les supérieurs cherchent à leur imposer injustement ?
Le problème n’est pas le secret. Secret d’ailleurs très relatif, puisque M. l’abbé de la Roque vous avait demandé des explications franches et claires depuis plusieurs semaines et vous avait prévenu que, sans réponse, il fournirait lui-même les explications. La lecture du Chardonnet n° 326 de mars 2017 ne pouvait pas vous laisser d’illusion à ce sujet :
« Aussi loin de toute pasquinade, il serait indispensable d’interpeller le pape François sur le contenu de sa foi, avant même de s’interroger sur l’opportunité prudentielle d’une reconnaissance canonique. Car il ne peut relever de la volonté divine de mettre son salut éternel dans la dépendance de quelqu’un qui ne professe pas la foi catholique. Établir une unité légale sans unité réelle serait d’ailleurs un contresens. » Ces paroles ont un prix… à payer !
De plus nous apprenons que M. l’abbé de Laroque vous avait averti de cette déclaration, avant qu’elle ne soit rendue publique, et vous avait même indiqué le nom de ceux qui y souscrivaient. Cela vous a laissé le temps de contacter chacun des signataires sans en convaincre un seul de renoncer. Il faut le constater, l’argument d’autorité est épuisé. Il ne reste plus que la solution préconisée par M. l’abbé Berteaux : « Lorsqu’il y a mutinerie, ce sont les lois martiales – c’est le tribunal d’exception – il faut trancher dans le vif – on fusille sur le champ » !
Depuis deux ans et demi, avec une souplesse qui devait être éprouvante, vous vous étiez efforcé de faire croire que l’unité des esprits régnait dans le district de France. Cette illusion a volé en éclat dimanche 7 mai 2017.
Le problème quel est-il ? Il est très simple : c’est l’inversion accusatoire de subversion. Vous êtes coupable de ce dont vous accusez vos confrères.
Qui est subversif ? Ce ne sont pas ces doyens au style mesuré et respectueux, mais, en tout premier lieu, Mgr Fellay et ses complices qui le défendent contre l’évidence. Vous êtes inexcusable parce que vous avez assisté au chapitre de 2012. Vous y avez entendu, peut-être même écouté, la déclaration de M. l’abbé de Jorna.
J’en viens à me demander si la servilité ne serait pas l’un des critères majeurs de sélection pour accéder au rang de supérieur de district ?
Quant à cette question de la subversion elle a été traitée en détail lors de mon procès et elle n’a jamais été réfutée à ce jour. (p. 247-255).
Vous écrivez : « Dieu ne peut pas bénir une telle initiative dont les fruits mortifères se manifestent dès maintenant ». Êtes-vous si sûr de vous, au point de connaître le jugement divin, dans cette affaire ? Quant à votre « Dès maintenant », de qui vous moquez-vous ? Il y aura bientôt sept ans que Mgr de Galarreta vous avertissait à Albano, vous y étiez, « qu’il fallait refermer au plus vite la ‘boite de pandore’ pour le bien de la Fraternité, afin d’éviter le discrédit et la démolition de l’autorité, des contestations et des divisions, peut-être sans retour ».
Vous reprochez à ces doyens de ne pas avoir eu la prudence de soumettre leur texte à leurs supérieurs. Nous ne sommes plus en 2012 ou 2013. Cette invitation à la confiance est inaudible tellement elle a été bafouée. Le Cor unum de mars 2016 reconnaissait une « méfiance de nos propres membres, non seulement envers les autorités de l’Église officielle (!), mais aussi envers leurs propres supérieurs. Il nous semble que souvent ces attitudes, un peu désespérées, proviennent de blessures personnelles, de frustrations, de déceptions par rapport aux supérieurs… »
Faut-il voir dans ces doyens, sept désespérés, sept blessés, sept frustrés, sept déçus ?
L’enquête pilote, annoncé dans ce même Cor unum, n’aurait-elle pas atteint son but ? Car vous n’ignorez pas que les sept signataires n’étaient pas les seuls informés. Demain, il n’est pas impossible que vous soyez confronté à une déclaration de prieurs exprimant leur soutien aux sept doyens, et après-demain, confronté à une déclaration de vicaires solidaires de leurs prieurs et de leurs doyens ; le surlendemain, il ne faudrait même pas exclure une déclaration de soutien de la part des Frères… Êtes-vous même certain que votre propre maison de Suresnes n’abrite pas quelque esprit subversif ?
Tant que vous vous obstinerez, à tenir pour rien le contenu de cette déclaration et des précédentes, à le mépriser comme chose insignifiante, bonne à être jetée au rebut, vous ne retrouverez jamais l’unité – sauf à expulser tous les prêtres qui soutiennent « qu’il ne peut relever de la volonté divine de mettre son salut éternel dans la dépendance de quelqu’un qui ne professe pas la foi catholique. »
Deux des supérieurs de communautés que vous accablez sans avoir la moindre autorité sur eux, n’ont sans doute pas oublié ce qu’ils ont entendu à Menzingen, lors d’une respectueuse visite de confiance : « Nous savons qu’il y aura de la casse, mais nous irons jusqu’au bout ».
Dans votre lettre du 10 mai, vous osez écrire « que la fin ne justifie pas les moyens. On ne peut utiliser un moyen illégitime pour atteindre un bien présumé ».
Ignorez-vous de quoi sont capables vos supérieurs ? Parmi d’autres moyens, l’usurpation d’identité serait-elle un moyen légitime ?
Quelques semaines après mon placement en résidence surveillée à Jaidhof, M. l’abbé de Cacqueray m’invita à être très prudent : « Ils sont capables de n’importe quoi pour détruire votre réputation ». Je vous laisse le soin d’identifier ce « ils ». Mais j’ai malheureusement constaté personnellement que vous-même n’étiez pas tout à fait innocent dans ce domaine.
Il y aurait encore beaucoup à dire, mais pour conclure, permettez-moi de rapporter quelques-unes des paroles que vous prononciez à Bailly le 11 octobre 2014 à l’occasion des Journées de la Tradition. C’était l’une de vos premières interventions en qualité de supérieur du district de France ; elle est toujours disponible sur La Porte Latine (54’ 51’’)
Ce n’est pas un monument de la littérature ecclésiastique, vous en conviendrez, mais néanmoins ces paroles résument trop bien votre attitude pour justifier d’être sauvées de l’oubli :
« Je vous supplie de croire que la Fraternité n’abandonne pas le combat… N’écoutez pas les oiseaux de malheurs. …
Le jour où la Fraternité vous dira : ‘le concile après tout c’est pas si mal que ça’.
Le jour où la Fraternité vous dira : ‘la nouvelle messe si elle est bien célébrée, allez-y’.
Le jour où elle dira : ‘la liberté religieuse on l’a mal comprise, il faut moduler tout ce qu’on a dit’
Alors là fichez le camp et abandonnez la Fraternité le plus vite possible. Mais nous n’en sommes absolument pas là grâce à Dieu et je suis parfois inquiet de voir certaines personnes qui vivent dans le virtuel :
– ‘La Fraternité va trahir’
– Donnez-moi un exemple. Est-ce que vos prêtres se taisent ?
– ‘Non, mais ils pourraient’ !
Avec ça on est beau ! Vous savez, un jour j’avais un paroissien qui appartenait, entre guillemets, à la résistance, là-bas (en Amérique du sud) je l’ai fiancé. Un jour il arrive avec sa fiancée, un grand gaillard.
– ‘Tiens, tiens je voudrai vous parler tous les deux’
Ils viennent devant moi et puis je dis au fiancé et sa fiancée était là :
– ‘Dis donc, j’ai une question à te poser, mais restez Mademoiselle je vous en prie. Il paraît que tu trompes ta fiancée’
Il devient blême.
– ‘Si, si, je t’assure, j’ai eu des bruits là-dessus, tu trompes ta fiancé’
Le fiancé est devenu livide.
– ‘Mais enfin M. l’abbé, pourquoi me dites-vous ça ?’
‘Je vais te dire pourquoi ? Tu vois, depuis des mois, tu dis que ma Fraternité à laquelle j’appartiens est dans une position adultère, qu’elle est sur le point d’abandonner le combat. Eh bien tu vois c’est désagréable que je te dise que tu serais peut-être infidèle à ta fiancée. Eh bien moi il m’est très désagréable que tu dises sans preuve que ma Fraternité est sur le point d’abandonner le combat’
Le pauvre vieux, il a retrouvé un peu de couleur parce qu’il s’est rendu compte que ce que j’avais dit n’était qu’un exemple’…
Je vous en supplie : il faut que le district retrouve son unité… »
Sans preuve ? Êtes-vous vraiment honnête ou seulement amnésique ?
Mgr Fellay n’a-t-il pas affirmé que le concile était acceptable à 95% ?
Mgr Fellay n’a-t-il pas reconnu la légitimité de la promulgation de la nouvelle messe ? Or reconnaître la nouvelle messe comme légitime veut dire que la nouvelle messe n’est pas mauvaise en soi.
Mgr Fellay n’a-t-il pas signé dans sa réponse du 14 avril 2012 aux trois évêques : « dans la fraternité, on est en train de faire des erreurs du Concile des super hérésies, cela devient comme le mal absolu, pire que tout, de la même manière que les libéraux ont dogmatisé ce concile pastoral ».
Citons encore M. l’abbé N. Pflüger, dans sa mémorable récollection aux Frères : « Dans le Credo, on ne professe pas qu’on renonce à Vatican II et à la liberté religieuse ! »
Est-ce suffisant ou faut-il multiplier exemples et citations ? Hier votre fiancé avait-il tort de s’inquiéter comme le font, aujourd’hui, vos doyens et quelques autres ?
Vous répondez aux accusations d’adultère portées à l’encontre de la Fraternité Saint Pie X par un faux exemple grossier d’infidélité qui ne devrait convaincre aucun de vos doyens…
Ne faudrait-il pas plutôt s’interroger, Monsieur l’abbé, de savoir si vous, vous ne seriez pas un vrai cocu ?
En France, le 13 mai 2017
Abbé Nicolas PINAUD
condamné suspens a divinis
par un tribunal de la FSSPX
pour entrave à la publication de fautes d’orthographe