C] L’Église officielle et les notes de l’Église. 1
C] L’Église officielle et les notes de l’Église
L’abbé Gleize a raison d’affirmer que « dans le cas de l’Église, ces aptitudes que la secte ne peut pas posséder, ce sont les notes. Les notes, ce sont les opérations vitales de l’Église, que nulle secte ne pourra jamais contrefaire. »[1] Là se trouve la clef pour discerner le vrai du faux. L’œuvre du cardinal Billot, L’Église, sa divine institution et ses notes, nous aidera dans ce sens.
Le “credo” professe : « Je crois à l’Église catholique », c’est-à-dire à « une seule Église universelle des fidèles, en dehors de laquelle absolument personne n’est sauvé. » (4e concile du Latran, 1215). « Aucun de ceux qui se trouvent en dehors de l’Église catholique, non seulement païens mais encore juifs ou hérétiques et schismatiques ne peut devenir participant à la vie éternelle, mais ira dans le feu éternel qui est préparé par le diable et ses anges, à moins qu’avant la fin de leur vie il ne lui ait été agrégés… » (Eugène IV, Bulle Cantate Domino, 1442). « En effet, aujourd’hui aussi, aucun de ceux qui se sont séparé de la foi des apôtres et de l’Église catholique n’a pu être sauvé. » (Saint Gaudence de Brescia, 410, sermon 8). « Loin de nous, vénérables frères, que Nous osions mettre des limites à la miséricorde divine, qui est infinie. Mais, selon le devoir de notre charge apostolique, Nous voulons exciter votre sollicitude et votre vigilance épiscopales, afin que, dans toute l’étendue de vos forces, vous chassiez de l’esprit des hommes cette opinion impie et funeste que le chemin du salut peut se trouver dans toutes les religions… Il faut en effet admettre de foi que, hors de l’Église apostolique romaine, personne ne peut être sauvé et que celui qui n’y serait point entré périra par le déluge. » (Pie IX, Singulari quadam, 9 déc. 1854)
Le cardinal Billot explique qu’il « est nécessaire de la même nécessité de moyen de dépendre du Christ de la manière établie par lui. Mais le Christ a établi que pour dépendre de lui, les hommes devaient dépendre d’une hiérarchie visible qui doit demeurer à tout jamais indéfectible, tous les jours jusqu’à la consommation du siècle… »
Cette hiérarchie restera visible dans la mesure où elle continuera à donner la bonne nourriture de la doctrine, de la discipline et des sacrements aux fidèles, même cachée dans les catacombes, car la visibilité essentielle de l’Église du Christ ne réside pas dans son éclat extérieur. Elle réside dans certains signes qui permettent de la reconnaître. La visibilité de l’Église réside dans les propriétés nécessaires et propres de la vraie religion : une, sainte, catholique et apostolique.
L’unité
Cette unité est une unité de foi, de gouvernement et de communion. Mais l’unité de foi est la plus fondamentale. Cette unité de foi des membres, qui ne peut pas être le fruit du hasard, manifeste qu’elle dépend d’un magistère infaillible. Cette unité, Jésus l’a demandée infailliblement à son Père pour son Église lors de la dernière Cène : « Sanctifiez-les dans la vérité… Et je me sanctifie moi-même pour eux, afin qu’eux aussi soient sanctifiés en vérité… Je ne prie pas pour eux seulement, mais aussi pour ceux qui, par leur prédication, croiront en moi. Pour que tous ils soient un, comme vous, mon Père, vous êtes en moi, et moi en vous » (Jn 17, 17-21)
« On a toujours cru », écrit Billot, « que la règle infaillible de la foi s’identifie à l’évêque de Rome, uni au corps des pasteurs, qu’ils soient réunis en concile œcuménique ou qu’ils exercent leur magistère ordinaire, chacun à la tête de son diocèse ». Le magistère de l’Église romaine use « de son autorité suprême pour transmettre cet enseignement dans les décrets des conciles, les actes pontificaux ; dès que l’on vient à s’écarter de cette règle qu’il a établie, il sévit aussitôt pour empêcher l’erreur de se propager et ramène les égarés dans le droit chemin. »
Or, on constate que depuis Vatican II, le chef et les évêques de l’Église conciliaire, non seulement ne « ramènent pas les égarés dans le droit chemin », mais encore n’empêchent pas « l’erreur de se propager ». Pire, l’Église conciliaire encourage ouvertement la subversion mondialiste et maçonnique. L’unité recherchée est subversive car il est contraire, par nature, à la cité temporelle d’être mondialiste ou internationale. En effet, « les hommes ne peuvent s’unir entre eux, qu’en ce qui est commun à tous, c’est-à-dire en Dieu. C’est ce qui fait dire à S. Paul : “Que le Seigneur de paix vous donne la paix,” non la paix du temps, mais une paix éternelle, c’est-à-dire la paix spirituelle, qui commence ici-bas, et se perfectionne dans les cieux. Qu’il la donne, “en tout lieu,” et dans tout le monde entier “parmi ceux qui ont la foi”. »[2]
Pie XI, dans son encyclique Mortalium animos du 6 janvier 1928, écrit : « Cette Église est une et unique ; elle est l’Église Romaine qui ne peut traiter avec les non-catholiques à droits égaux, c’est-à-dire en égaux avec un égal ». « Fédérer les églises semble pourtant poursuivre le très noble dessein de promouvoir la charité entre tous les chrétiens. Mais comment la charité pourrait-elle tourner au détriment de la foi ? […] La charité a pour fondement une foi intègre et sincère, c’est l’unité de foi qui doit être le lien principal unissant les disciples du Christ […]. Seule l’Église catholique est celle qui garde le vrai culte. Elle est la source de la vérité, la demeure de la foi, le temple de Dieu ; qui n’y entre pas ou qui en sort, se prive de tout espoir de vie et de salut. »
Or, depuis les voyages œcuméniques de Paul VI, les réunions interreligieuses de Jean-Paul II, les prières de Benoît XVI dans les temples, les synagogues et les mosquées, et les initiatives de François avec les infidèles et les pécheurs publics, on constate que l’Église officielle traite avec les non-catholiques « à droits égaux, c’est-à-dire en égaux avec un égal ». Tout cela et bien d’autres faits poussaient Mgr Lefebvre à dire :
« Il est clair que c’est nous qui gardons l’unité de la foi, qui a disparu de l’Église officielle. Un évêque croit à ceci, l’autre n’y croit pas, la foi est diverse, leurs catéchismes abominables comportent des hérésies. Où est l’unité de la foi dans Rome ? Où est l’unité de la foi dans le monde ? C’est bien nous qui l’avons gardée. »[3]
« Je crois que maintenant ce n’est pas une foi diminuée qu’ils ont, ils n’ont plus la foi dans le surnaturel, dans la grâce, mais ils ont vraiment une autre religion maintenant, maintenant ils ont d’autres principes. […]. Maintenant ils sont dirigés par d’autres principes, par vraiment une autre religion, absolument. Et ça, c’est beaucoup plus grave encore parce que, là où la foi diminue on peut espérer qu’on pourrait la faire revivre, lui redonner vie, mais quand on remplace la religion par une autre religion, alors c’est beaucoup plus grave, alors ça a des conséquences considérables. Et c’est à cela que nous assistons actuellement. »[4]
La sainteté
Ce mot évoque pureté et fermeté. Il désigne un principe de grâce par lequel l’homme applique son esprit et son activité à s’unir à Dieu. Cette sainteté s’étend aussi à tous les moyens qui ont quelque efficacité pour sanctifier l’homme. Aucune société ne pourra être dite sainte dans ses membres sans l’être dans ses principes tandis que, vu l’inconséquence humaine, il est possible de trouver des hommes saints dans une société perverse et des hommes pervers dans une société sainte. La sainteté des principes, elle, n’accepte pas de milieu ; elle est ou elle n’est pas.
a) La sainteté de la vraie religion s’établira donc sur le fait de l’héroïcité d’une partie de ses membres comme découlant nécessairement de la sainteté des principes propres à cette société. Or ceci concerne l’Église du Christ dont la fin est d’unir les hommes à Dieu en assurant de manière indéfectible la sainteté des principes : « Les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle». De là découle la sainteté de ses membres : « Et moi, je suis avec vous toujours jusqu’à la fin du monde». Ainsi l’Église ne sera jamais dépourvue des principes de sainteté et ces principes ne seront jamais privés de leur résultat. Mais si l’Église est sainte et sanctifiée, sa partie militante ne l’est ni parfaitement, ni absolument. Ce n’est qu’à la fin des temps que le Christ rendra son épouse, l’Église, absolument sainte et irréprochable : ce sera le jour des noces annoncé par les prophètes et par l’Apocalypse.
Or, on est obligé de constater que le rite bâtard et protestantisé de la Messe, promulgué par Paul VI et légiféré en rite ordinaire de l’Église romaine par Benoît XVI, « s’éloigne de façon impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique de la sainte Messe »[5]. Ce rite a détruit la « barrière infranchissable contre toute hérésie qui pourrait porter atteinte à l’intégrité du Mystère. »[6] Un tel rite contredit nécessairement la sainteté des principes de cette société.
b) Quand N.S. Jésus-Christ dit : « les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle», il annonce aussi implicitement que la sainteté de l’Église excitera particulièrement la malice de Satan. Pour savoir où se trouve l’Église du Christ, il suffit de considérer vers quelle cible se dirige particulièrement la haine des impies, des maçons, des juifs, des antichrists, des sodomites… Á qui réservent-ils leur fureur impie ? Aux discours humanistes et laxistes des conciliaires, ou à la vérité maintenue et professée, contre vents et marées, par ceux que les médias du système ont appelés eux-mêmes, pour notre gloire, “les intégristes” ? Les médias antichrétiens ont loué Jean-Paul II, ses droits de l’homme, sa liberté religieuse, Assise… mais ils ont dénigré l’action de Mgr Lefebvre pour continuer l’Eglise. Si la descendance du serpent s’acharne particulièrement sur les intégristes, c’est qu’ils reflètent plus parfaitement la sainteté de la cité de Dieu que les conciliaires. Or, être catholique intégralement aujourd’hui réclame une sainteté héroïque : aucun avantage temporel, aucune reconnaissance sociale ne peut expliquer la fidélité intégrale, si ce n’est une grâce de sainteté du Christ sur son Église qu’il a aimée et pour laquelle il s’est donné après l’avoir purifiée.
Tout cela et bien d’autres faits poussaient Mgr Lefebvre à dire :
« Et puis, la sainteté. On ne va pas se faire des compliments ou des louanges. Si nous ne voulons pas nous considérer nous-mêmes, considérons les autres et considérons les fruits de notre apostolat, les fruits des vocations, de nos religieuses, des religieux et aussi dans les familles chrétiennes. De bonnes et saintes familles chrétiennes germent grâce à votre apostolat. C’est un fait, personne ne le nie. Même nos visiteurs progressistes de Rome ont bien constaté la bonne qualité de notre travail. »[7]
c) Le Cardinal Billot remarque encore que toutes les sectes ont en partage un même point commun qui les oppose à l’Église catholique : toutes subissent et reconnaissent la suprématie de l’État, toutes font dépendre la religion du gouvernement civil, dont la fin propre est le bien temporel. « On ne saurait imaginer rien de plus contraire à la sainteté» remarque Billot. Or les liens entre l’Église conciliaire et le Nouvel Ordre Mondial pour établir une paix onusienne sont évidents et affligeants.
La démission de Benoît XVI en est un signe. Début janvier 2013, le système bancaire avait décidé de couper les vivres au Vatican : plus de cartes électroniques pour encaisser l’argent des touristes. La mesure a provoqué un manque à gagner de 30.000 euros par jour. Elle était officiellement motivée par l’absence d’autorisation de la banque centrale italienne à la Deutsche Bank Italia, fournisseur des terminaux de paiement par carte bancaire sur le territoire du Vatican. Au lendemain de l’annonce de la démission prochaine de Benoît XVI, le paiement par cartes bancaires était de nouveau possible à l’intérieur de la Cité du Vatican. Le service était désormais fourni par une société suisse. Le Père Federico Lombardi s’est félicité de cette bonne nouvelle pour « les pèlerins et les touristes ». Cette déconnexion momentanée du Vatican du système SWIFT[8] lui avait fait perdre 1.170.000 euros entre le début et la fin de cette histoire, c’est à dire 39 jours. Bref, Benoît XVI démissionne et les banques trouvent des solutions…
Le domaine de Dieu est au service d’un César, lui-même au service de la finance et de la maçonnerie internationales.
« L’Église catholique enseigne surtout que la grâce est nécessaire pour trouver la voie du salut et y persévérer, et elle nous incite à nous adonner à la prière pour toujours garder l’esprit fixé sur le secours divin. Elle nous dit avec beaucoup de raison qu’il n’y a qu’une seule vraie religion en dehors de laquelle personne ne peut être sauvé. […] l’Église de Rome a toujours prêché sans aucun changement cette si sainte règle de la foi et des mœurs, elle l’a annoncée dans le monde entier, en toute liberté, comme le firent les apôtres. C’est là ce qui la caractérise en propre et c’est sa gloire exclusive. Elle n’a pas eu égard aux convenances humaines, elle n’a pas modifié sa prédication, elle ne l’a pas expliqué de façon à plaire aux hommes. […] Et si l’on a pu remarquer quelque vice chez l’un ou l’autre pape, au cours de sa longue histoire, ces hommes d’Église n’ont jamais laissé la moindre trace de leur propre faiblesse dans les institutions ou dans les lois ecclésiastiques, pas même en altérant si peu que ce soit la règle de la perfection ou les moyens qui y conduisent. »[9]
Qui osera soutenir qu’avec la messe bâtarde de Paul VI, « la règle de la perfection » n’a pas été « si peu que ce soit altérée » ? Qui osera soutenir que depuis Vatican II avec son discours d’ouverture et de clôture, « l’Église de Rome a toujours prêché sans aucun changement la si sainte règle de la foi et des mœurs » à savoir : « qu’il n’y qu’une seule vraie religion en dehors de laquelle personne ne peut être sauvé » et que « c’est là ce qui la caractérise en propre et c’est sa gloire exclusive » ? Qui osera nier la soumission de l’Église conciliaire à l’imposture mondialiste et à son cheval de Troie destructeur du règne du Christ sur terre, à savoir les droits de l’homme (Révolution 1789 & ONU 1948) ?
Jean XXIII, dans Pacem in terris, annonce le glissement officiel des modernistes vers le mondialisme et approuve le personnalisme politique qui isole l’individu face à l’État Moloch (§ 9). Le Bien commun (communauté formelle, finalisée et ordonnée) cède la place à un collectif humain (agrégat sans ordre). D’où « [cette] tendance à rédiger en des formules claires et concises une charte des droits fondamentaux de l’homme » pour « l’organisation juridique des communautés politiques à l’époque moderne. » (§ 75)
« Maintenant, en effet, s’est propagée largement l’idée de l’égalité naturelle de tous les hommes. […] Voilà qui représente une étape importante sur la route conduisant à une communauté humaine établie sur la base des principes que Nous avons rappelés. [Droits de l’homme, dignité humaine…] » (Jean XXIII, Pacem in terris, § 44)
Jean XXIII voit d’un œil tranquille « les économies nationales tellement liées ensemble qu’elles finissent par constituer chacune une partie intégrante d’une unique économie mondiale. » (§ 130) et la disparition des patries : « un pays pris isolément n’est absolument plus en mesure de subvenir convenablement à ses besoins, ni d’atteindre son développement normal. » (§ 131) Au lieu de s’en plaindre et de dénoncer Big Brother et ses Banksters, Jean XXIII avalise le fait. Au nom de la morale, il pousse à un gouvernement mondial, qui sera celui de la contre-Église judéo-maçonnique, laquelle prépare la voie à l’Antéchrist.
« De nos jours, le bien commun universel pose des problèmes de dimensions mondiales. Ils ne peuvent être résolus que par une autorité publique dont le pouvoir, la constitution et les moyens d’action prennent eux aussi des dimensions mondiales, et qui puisse exercer son action sur toute l’étendue de la terre. C’est donc l’ordre moral lui-même qui exige la constitution d’une autorité publique de compétence universelle. » (§ 137)
Au sujet de la « Déclaration universelle des droits de l’homme, approuvée le 10 décembre 1948 par l’Assemblée générale des Nations Unies. » Jean XXIII constate « que certains points de cette Déclaration ont soulevé des objections et fait l’objet de réserves justifiées. Cependant, Nous considérons cette Déclaration comme un pas vers l’établissement d’une organisation juridico-politique de la communauté mondiale. Cette Déclaration reconnaît solennellement à tous les hommes, sans exception, leur dignité de personne... » (§ 144)
Vatican II va officialiser cette déviation opérée par Jean XXIII. Dans le document Gaudium et Spes après avoir loué « la très noble vocation de l’homme » et affirmé « qu’un germe divin est déposé en lui » le « Saint Synode offre au genre humain la collaboration sincère de l’Église pour l’instauration d’une fraternité universelle qui réponde à cette vocation » (G.S., § 2). Vatican II, sous le prétexte d’éviter la guerre, appelle à une « autorité internationale compétente et disposant de forces suffisantes » (G.S., 79 § 4). La paix « requiert l’institution d’une autorité publique universelle, reconnue par tous, qui jouisse d’une puissance efficace, susceptible d’assurer à tous la sécurité, le respect de la justice et la garantie des droits. » (G.S., 82 § 1)
L’ONU et le FMI sont le fruit d’un orgueil luciférien. On ne s’associe pas à un tel monde, on l’exorcise car le Prince de ce monde, dit Jésus, c’est Satan. Et l’Église ne peut pas travailler avec Satan qui organise et réduit le monde en esclavage sous le joug de Mammon.
Après Pacem in terris de Jean XXIII en 1963, le discours de Paul VI à l’ONU… Jean-Paul II, l’apôtre des droits de l’homme… Benoît XVI pour qui il est « urgent que soit mise en place une véritable “autorité politique mondiale” pour le gouvernement de l’économie mondiale, pour assainir les économies frappées par la crise » (Caritas in Veritate, 2009)… un Saint-Siège appelant à la création « d’un organisme assurant les fonctions d’une sorte de “Banque centrale mondiale” réglementant le flux et le système des échanges monétaires. » (Conseil pontifical Justice et Paix, octobre 2011)… il est effrayant de constater à quel point on s’est éloigné de la sainteté.
Dans un discours devant les membres de l’Assemblée générale des Nations Unis, à New York, le 18 avril 2008, Benoît XVI déclarait :
« Les droits de l’homme doivent évidemment inclure le droit à la liberté religieuse […]. Ma présence au sein de cette Assemblée est le signe de mon estime pour les Nations unies et elle veut aussi manifester le souhait que l’Organisation puisse être toujours davantage un signe d’unité entre les États et un instrument au service de toute la famille humaine. […] Les Nations unies demeurent un lieu privilégié où l’Église s’efforce de partager son expérience « en humanité », qui a mûri tout au long des siècles parmi les peuples de toute race et de toute culture, et de la mettre à la disposition de tous les membres de la Communauté internationale. Cette expérience et cette activité, qui visent à obtenir la liberté pour tout croyant, cherchent aussi à assurer une protection plus grande aux droits de la personne. Ces droits trouvent leur fondement et leur forme dans la nature transcendante de la personne, qui permet aux hommes et aux femmes d’avancer sur le chemin de la foi et de la recherche de Dieu dans ce monde. […] l’Église est heureuse d’être associée aux activités de cette honorable Organisation qui a la responsabilité de promouvoir la paix et la bonne volonté sur toute la terre. Chers amis, je vous remercie de m’avoir permis de m’adresser à vous aujourd’hui et je vous promets le soutien de mes prières pour que vous poursuiviez votre noble tâche. Avant de prendre congé de cette illustre Assemblée, je voudrais adresser mes souhaits dans les langues officielles à toutes les nations qui y sont représentées.
Peace and Prosperity with God’s help. سَلامٌ وَإزْدِهَارٌ بعَوْن ِ الله ِ . Paix et prospérité, avec l’aide de Dieu. Мира и благоденствия с помощью Боҗией. Paz y prosperidad con la ayuda de Dios. 因著天主的幫助願大家 得享平安和繁榮
Ce langage maçonnique et sa conclusion sont, à n’en pas douter, un vrai signe des temps. Au chapitre 5 de la 1ère épître aux Thessaloniciens, verset 1 à 5, saint Paul prophétise au sujet du retour du Sauveur à la fin des temps :
« Quant aux temps et aux moments il n’est pas besoin, frères, de vous en écrire. Car vous savez très bien vous-mêmes que le jour du Seigneur vient ainsi qu’un voleur pendant la nuit. Quand les hommes diront : « Paix et sûreté ! » c’est alors qu’une ruine soudaine fondra sur eux comme la douleur sur la femme qui doit enfanter, et ils n’y échapperont point. Mais vous, frères, vous n’êtes pas dans les ténèbres, pour que ce jour vous surprenne comme un voleur. Oui, vous êtes tous enfants de lumière et enfants du jour ; nous ne sommes pas de la nuit, ni des ténèbres. Ne dormons donc point comme le reste des hommes ; mais veillons et soyons sobres. »
La catholicité
« “Tu es mon Fils ; je t’ai engendré aujourd’hui. Fais-moi une demande, et je te donnerai les nations pour héritage, et jusqu’aux extrémités de la terre”. Jamais chrétien, s’exclame saint Augustin, a-t-il douté que cette prophétie ait le Christ pour objet, et que, par cet héritage, il faille entendre l’Église elle-même ? » Une Église répandue en toutes les nations et non selon le sens charnel des juifs, une domination d’Israël sur les nations. Les apôtres ont enseigné que la filiation adoptive de Dieu n’est pas réservée à une race élue mais offerte par grâce à tout homme. Cet accroissement de l’Église et cette soumission des nations au Christ se sont réalisés progressivement au cours des siècles.
« Selon l’intention divine et selon la promesse du Christ, la catholicité simultanée doit être une propriété nécessaire de l’Église, au moins à l’ordinaire. » L’exception de la période de l’antéchrist n’y changera rien, car « en matière morale, on définit les termes en fonction de ce qui se produit ou doit se produire de façon ordinaire. »[10] L’Église est donc catholique car à chaque moment de l’histoire elle se trouve répandue dans toutes les parties du monde connu et chez tous les peuples qui s’y trouvent. L’Église réunit et transcende toutes les nations mais sans détruire les frontières et les patries, contrairement au projet mondialiste.
Le nombre de catholiques n’est pas décisif pour établir la catholicité car, remarque Billot, « est-ce que le nombre d’un simple point de vue matériel équivaut à quelque chose de divin ? […] L’infériorité du nombre ne prouverait pas que l’Église ne soit pas divine. […] La catholicité simultanée consiste dans un nombre considérable de fidèles pris d’un nombre considérable de nations. […] Seule l’abondance d’une bénédiction divine, et non la simple fécondité charnelle d’une race ou d’une famille, peut rendre compte du grand nombre de fidèles issus de races très différentes. […] L’expansion de l’Église n’a rien à voir avec la propagation du protestantisme qui consiste tout entier dans l’abandon des principes qui mettent un frein à la licence, abandon qui correspond plus à une négation qu’à un résultat positif. »
Cette remarque du cardinal rappelle une conférence de l’Abbé Schmidberger au Gabon. Il y remarquait que les statistiques de la croissance des catholiques depuis Vatican II suivaient la croissance démographique des régions catholiques. Bref, depuis Vatican II, l’Église conciliaire suit la loi de croissance des sociétés naturelles. Les faits montrent aussi que les fidèles chrétiens qui ont refusé l’apostasie de Vatican II sont bien « un nombre considérable de fidèles pris d’un nombre considérable de nations » même si le nombre n’est pas grand en quantité. La puissance et l’autorité de ce nombre viennent de la qualité de leur position, à l’image de la minorité des pères conciliaires (250 sur 4000) opposée à la révolution dans l’Église à Vatican II. Le dominicain progressiste Congar remarquait d’ailleurs à ce sujet :
« Le groupe “ Cætus internationalis” a fait une critique du De libertate – qui accuse le texte de “ sentir l’indifférentisme, le libéralisme ” […] C’est en tout cas une offensive grave, faite en force. La force n’est peut-être pas dans le nombre et la quantité des opposants, elle est dans l’argumentation et surtout dans les bases et le mode de l’argumentation. […] La position est celle de la distinction entre droit vrai et tolérance. Il n’y a de droit vrai et plein que s’il est conforme à la loi éternelle. Autrement on a un droit déficient : non plus un vrai droit, mais une tolérance. Cet augustinisme politique est même appliqué à la notion de dignité humaine. On distingue la qualité métaphysique ou ontologique de la personne, et cette personne en tant qu’elle s’exprime au plan des actes : à ce plan-là, il n’y a de pleine dignité de la personne humaine que si elle exerce ses actes “dans le vrai et le bien”… Je plains le Secrétariat, qui devra faire face à cette offensive. » (MJC II, 318) « Je passe toute une soirée à lire les remarques sur le De libertate. […] La bataille est sévère, les critiques décidées, procédant d’ailleurs presque toujours des mêmes principes. J’ai l’impression, tout de même, que le Secrétariat a été trop optimiste. […] Le Secrétariat n’a-t-il pas trop travaillé dans l’unanimité euphorique d’hommes acquis aux idées ouvertes ? L’opposition vient, dans l’assemblée. Elle n’est pas négligeable. Si on accepte les principes des opposants, tout est inéluctablement logique. » (MJC II, 329)
Il faut aussi noter que les “traditionalistes” n’ont jamais revendiqué d’autre nom que celui de catholiques, et que le monde qui les hait n’a jamais pu leur donner d’autre nom que celui d’“intégristes” catholiques, ce qui ne fait que confirmer la catholicité de ces gens et leur fermeté à l’être intégralement. De plus cet “intégrisme” n’est pas stérile ; même s’il est contrarié et persécuté, il cherche, autant que possible, à faire avancer l’œuvre divine, c’est-à-dire à convertir tous les hommes sans pervertir les fidèles.
Là encore, nous sommes bien obligés de constater que l’Église officielle a renoncé à cette catholicité de l’Église. François, dans son interview au quotidien Republica, déclarait :
« Le prosélytisme est une pompeuse absurdité, cela n’a aucun sens. Il faut savoir se connaître, s’écouter les uns les autres et faire grandir la connaissance du monde qui nous entoure. […] C’est cela qui est important : se connaître, s’écouter, élargir le cercle des pensées. Le monde est parcouru de routes qui rapprochent et éloignent, mais l’important c’est qu’elles conduisent vers le Bien. […] Notre objectif n’est pas le prosélytisme mais l’écoute des besoins, des vœux, des illusions perdues, du désespoir, de l’espérance. Nous devons rendre espoir aux jeunes, aider les vieux, nous tourner vers l’avenir, répandre l’amour. […] Le Concile Vatican II, inspiré par le Pape Jean et par Paul VI, a décidé de regarder l’avenir dans un esprit moderne et de s’ouvrir à la culture moderne. Les pères conciliaires savaient que cette ouverture à la culture moderne était synonyme d’œcuménisme religieux et de dialogue avec les non-croyants. Après eux, on fit bien peu dans cette direction. J’ai l’humilité et l’ambition de vouloir le faire. »[11]
Et dans son exhortation apostolique Evangelii gaudium du 24 novembre 2013, le représentant de l’Église conciliaire a favorisé l’indifférentisme religieux en s’appuyant sur son prédécesseur : « Les chrétiens ont le devoir de l’annoncer sans exclure personne, non pas comme quelqu’un qui impose un nouveau devoir, mais bien comme quelqu’un qui partage une joie, qui indique un bel horizon, qui offre un banquet désirable. L’Église ne grandit pas par prosélytisme mais “par attraction.” »[12] Or l’Église catholique a toujours cherché à étendre le royaume de Dieu en tous lieux et dans tous les peuples en réalisant l’unité la plus explicite par la soumission au chef visible du corps mystique, l’évêque de Rome. Pie XI, dans son encyclique Mortalium animos du 6 janvier 1928, condamnait « la théorie erronée que les religions sont toutes plus ou moins bonnes et louables, en ce sens que toutes également, bien que de manières différentes, manifestent et signifient le sentiment naturel et inné qui nous porte vers Dieu » :
« Les partisans de cette théorie s’égarent et sont en pleine erreur. De plus, en pervertissant la notion de la vraie religion, ils la répudient et ils versent par étapes dans le naturalisme et l’athéisme. […] Sous les séductions et le charme de ces discours, se cache en vérité une erreur fort grave, qui disloque de fond en comble les fondements de la foi catholique […]. Il ne peut y avoir de vraie religion en dehors de celle qui s’appuie sur la parole de Dieu révélée […]. Le devoir de l’homme est de croire sans réserve à Dieu qui parle et d’obéir totalement à Dieu qui commande. »
Tout cela et bien d’autres faits poussaient Mgr Lefebvre à dire :
« L’unité de la foi réalisée dans le monde entier c’est la catholicité. Or, cette unité de la foi dans le monde entier n’existe plus, il n’y a donc plus de catholicité pratiquement. Il y a bientôt autant d’Églises catholiques que d’évêques et de diocèses. Chacun a sa manière de voir, de penser, de prêcher, de faire son catéchisme. Il n’y a plus de catholicité. »[13]
L’apostolicité
« Quel est donc le sens de cette promesse “je suis avec vous” ? Le Christ veut nous dire : je suis avec l’Église que vous avez inaugurée, l’Église qui tire son origine de vous et qui restera toujours votre Église tant qu’elle se continuera, c’est-à-dire l’Église apostolique. Par cette promesse, le Christ a, de toute évidence, indiqué un caractère perpétuel de son Église, celui qu’elle possède du fait qu’elle reste toujours en continuité avec l’Église primitive, établie dans le monde par les apôtres. »[14]
Ce “je suis avec vous tous les jours jusqu’à…” est une expression qui désigne une protection divine. Cette promesse permet de constater la continuité d’une société par un lien visible, aussi bien matériel que formel, comme l’on peut juger de la continuité d’un cours d’eau.
« L’Église se maintient à travers le temps parce qu’elle conserve toujours le même corps social, et parce que celui-ci demeure toujours sans que l’on puisse redouter aucune fraude dans la transmission de son nom. Par ailleurs, les noms sont utilisés pour désigner des réalités. Et donc, si on a affaire à des nouvelles réalités, il est nécessaire de leur donner des noms nouveaux, pour pouvoir les désigner et les distinguer des autres. C’est pourquoi, le fait que l’Église conserve toujours son nom d’origine est le signe qu’elle reste en continuité avec le tronc apostolique et à l’inverse, les noms nouveaux qui sont apparus après les ruptures postérieures sont le signe qui atteste les divisions dont parle saint Jude, lorsqu’il évoque ces gens “qui provoquent des divisions”. »[15]
Mgr Lefebvre a très tôt relevé combien une nouvelle manière de se nommer manifestait une division et une nouvelle réalité :
« Ce Concile représente, tant aux yeux des autorités romaines qu’aux nôtres, une nouvelle Église qu’ils appellent l’Église conciliaire. Nous croyons pouvoir affirmer, en nous en tenant à la critique interne et externe de Vatican Il, c’est-à-dire en analysant les textes et en étudiant les avenants et aboutissants de ce Concile, que celui-ci, tournant le dos à la Tradition et rompant avec l’Église du passé, est un Concile schismatique. […] Un pacte de non-agression a été conclu entre l’Église et la maçonnerie. C’est ce qu’on a couvert du nom “ d’aggiornamento ”, “ d’ouverture au monde ”, “ d’œcuménisme ”. Désormais, l’Église accepte de n’être plus la seule religion vraie, seule voie de salut éternel. Elle reconnaît les autres religions comme des religions sœurs. Elle reconnaît comme un droit accordé par la nature de la personne humaine que celle-ci soit libre de choisir sa religion et qu’en conséquence un État catholique n’est plus admissible. Admis ce nouveau principe c’est toute la doctrine de l’Église qui doit changer son culte, son sacerdoce, ses institutions. […] C’est donc un renversement total de la tradition et de l’enseignement de l’Église qui s’est opéré depuis le Concile et par le Concile. […] Tous ceux qui coopèrent à l’application de ce bouleversement, acceptent et adhèrent à cette nouvelle Église conciliaire comme la désigne Son Excellence Mgr Benelli dans la lettre qu’il m’adresse au nom du Saint-Père, le 25 juin dernier, entrent dans le schisme. L’adoption des thèses libérales par un concile ne peut avoir eu lieu que dans un concile pastoral non infaillible et ne peut s’expliquer sans une secrète et minutieuse préparation que les historiens finiront par découvrir à la grande stupéfaction des catholiques qui confondent l’Église catholique et romaine éternelle avec la Rome humaine et susceptible d’être envahie par des ennemis couverts de pourpre. Comment pourrions-nous, par une obéissance servile et aveugle, faire le jeu de ces schismatiques qui nous demandent de collaborer à leur entreprise de destruction de l’Église ? »[16]
Billot remarque que le changement d’une religion est un fait public.
« C’est pourquoi, si l’on veut prouver qu’une secte s’est séparée du tronc apostolique, il suffit d’examiner son origine. C’est là qu’on découvrira infailliblement et avec certitude le point précis de sa rupture, qui demeure toujours entaché de sang. […] D’une manière plus générale, on ne saurait nommer pas même une seule fausse église à l’origine de laquelle on ne trouverait pas une circonstance précise et explicitement désignée, où la partie s’est insurgée contre le tout et s’est séparée de la religion d’origine, en modifiant les vérités qui faisaient jusque-là l’objet d’une possession pacifique et ininterrompue et auxquelles elle avait même donné auparavant sa propre adhésion, dans le cadre de sa profession de foi. »[17]
Le “point de rupture” est évident en ce qui concerne l’Église conciliaire : le concile Vatican II. Paul VI a comparé la 1ère session du Concile à une « nouvelle Pentecôte ». Jean-Paul II était persuadé que Jean XXIII et Paul VI avaient « reçu de l’Esprit-Saint le charisme de la transformation grâce auquel la figure de l’Église que tous connaissaient s’est révélée la même et à la fois différente. »[18] Benoît XVI rappelait qu’à « juste titre, le Pape Jean-Paul II a indiqué le concile Vatican II comme une “boussole” selon laquelle nous pouvons nous orienter dans le vaste océan du troisième Millénaire. »[19] Cardinal, il avouait lucidement que « le texte Gaudium et Spes joue le rôle d’un contre-Syllabus dans la mesure où il représente une tentative pour une réconciliation officielle de l’Église avec le monde tel qu’il était devenu depuis 1789. »[20] Et François affirme que « Vatican II fut une relecture de l’Évangile à la lumière de la culture contemporaine. Il a produit un mouvement de rénovation qui vient simplement de l’Évangile lui-même. […] Il y a certes des lignes herméneutiques de continuité ou de discontinuité, pourtant une chose est claire : la manière de lire l’Évangile en l’actualisant, qui fut propre au Concile, est absolument irréversible. »[21]
Et ce “point de rupture” fut bien sûr “entaché de sang”, c’est-à-dire accompagné d’une persécution contre ce qui était catholique dans le culte et la doctrine, tandis que s’opérait une réconciliation ou un dialogue avec tout ce qui n’était pas catholique… Combien de prêtres ont été chassés de leur paroisse pour fidélité à la messe de leur ordination ?
Alors que l’Église apostolique a excommunié Luther[22], l’Église conciliaire l’a loué[23]. Alors que l’Église apostolique a excommunié en 1054 le patriarche de Constantinople, Michel Cérulaire en raison de son esprit schismatique[24], l’Église conciliaire a déclaré : « Aujourd’hui que les temps et les esprits ont changé, Nous sommes profondément heureux de ce que notre vénérable frère, Athénagoras Ier, Patriarche de Constantinople […] souhaite que nous soyons unis par la Charité. »[25] La rupture est encore plus évidente en ce qui concerne la doctrine et la pratique de l’Église apostolique vis-à-vis des juifs. Selon un religieux Pauliste membre de l’équipe du cardinal Bea qui imposa au Concile la déclaration sur les religions non-chrétiennes, Nostra ætate « a commencé à modifier intégralement dix-neuf cents ans de relations entre catholiques et juifs. »[26], Etc. Etc. Etc.
Au sujet de la communion anglicane qui a de nombreuses ressemblances avec l’Église primitive (hiérarchie épiscopale, pasteurs qui occupent matériellement les sièges des anciens évêques, offices semblables à la liturgie catholique…), le cardinal Billot remarque :
« Et pourtant, même si tous les historiens passaient sous silence le changement radical et substantiel qui fut introduit dans la religion au XVIe siècle en Angleterre, les pierres le crieraient. En effet comment parcourir l’Angleterre, pénétrer dans ces anciennes églises vraiment magnifiques, qui sont aujourd’hui consacrées au culte protestant, sans s’apercevoir tout de suite qu’à l’origine leur destination était tout autre ? Comment ne pas voir l’emplacement vide, jadis réservé à l’autel ? Comment ne pas penser que dans ces temples le sacrifice perpétuel a cessé d’être offert ? »[27]
Cette remarque ne vaut-elle pas pour la secte conciliaire qui a pour rite ordinaire une messe protestantisée ? Aujourd’hui encore, les pierres crient à l’imposture. Il suffit de parcourir le monde pour constater qu’à grands frais, les autels de la plupart de nos églises ont été détruits et remplacés par des tables, ce qui manifeste bien l’incompatibilité radicale des deux rites. Des ministres hérétiques confessent d’ailleurs eux-mêmes la révolution liturgique de la nouvelle religion : « Il devrait être possible aujourd’hui à un protestant de reconnaître dans la célébration eucharistique catholique la Cène instituée par le Seigneur… Nous tenons à l’utilisation des nouvelles prières eucharistiques dans lesquelles nous nous retrouvons… »[28]
Tout cela, et bien d’autres faits, poussaient Mgr Lefebvre à dire :
« L’apostolicité ? Ils ont rompu avec le passé. S’ils ont fait quelque chose, c’est bien cela. Ils ne veulent plus de ce qui s’est passé avant le concile Vatican II. Voyez le Motu proprio du Pape nous condamnant, il dit bien : « la Tradition vivante, c’est Vatican II. Il ne faut pas se reporter avant Vatican II, cela ne signifie rien. L’Église porte la Tradition avec elle de siècle en siècle. Ce qui est passé est passé, disparu. Toute la Tradition se trouve dans l’Église d’aujourd’hui ». Quelle est cette Tradition ? À quoi se rattache-t-elle ? Comment se rattache-t-elle au passé ? C’est ce qui leur permet de dire le contraire de ce qui s’est dit autrefois, tout en prétendant garder à eux seuls la Tradition. C’est ce que nous demande le Pape : de nous soumettre à la Tradition vivante. Nous aurions un mauvais concept de la Tradition, parce qu’elle est vivante et donc évolutive. Mais c’est l’erreur moderniste ! Le saint Pape Pie X, dans l’encyclique Pascendi, condamne ces termes de « tradition vivante, Église vivante, foi vivante », etc. dans le sens où les modernistes l’entendent, c’est-à-dire de l’évolution qui dépend des circonstances historiques. La vérité de la Révélation, l’explication de la Révélation, dépendraient des circonstances historiques. L’apostolicité : nous, nous sommes rattachés aux Apôtres par l’autorité. Mon sacerdoce me vient des Apôtres ; votre sacerdoce vous vient des Apôtres. Nous sommes les fils de ceux qui nous ont donné l’épiscopat. Notre épiscopat descend du saint pape Pie V et par lui nous remontons aux Apôtres. Quant à l’apostolicité de la foi, nous croyons la même foi que les Apôtres. Nous n’avons rien changé et nous ne voulons rien changer. »[29]
Conclusion
Devant ces faits qui peut reprocher à Mgr Lefebvre d’avoir déclaré : « ce n’est pas moi qui suis schismatique, c’est Rome »[30] ?
Il est donc surprenant que cette évidence ne soit plus vue par l’actuel supérieur de la Fraternité sacerdotale saint Pie X. Sous prétexte « d’une Église » qui n’est pas « en l’air ! » Mgr Fellay affirme que la Rome conciliaire est Notre Église ! Au nom de la visibilité de l’Église, il parle d’une « Église qui est là, réelle, devant nous, avec une hiérarchie, avec un pape » qui est « l’Église catholique romaine. »[31]
Or nous venons de voir qu’il manque à l’Église officielle des aspects nécessaires aux notes de l’Église catholique.
De plus, c’est encore un fait que nous sommes bien obligés de constater : des âmes de bonne volonté qui quittent le judaïsme, le luthéranisme ou l’Islam… pour devenir chrétiens et qui ne connaissent a priori rien à la révolution conciliaire, constatent pourtant et dénoncent eux-mêmes l’imposture actuelle à Rome.
Magdi Allam, ex-musulman baptisé par Benoît XVI en 2008, a annoncé, par une Lettre ouverte, quitter l’Église (conciliaire), en raison de la compromission de celle-ci avec l’islam. Ce jeune converti qui ignore l’imposture maçonnique régnant depuis la révolution de Vatican II, rejette, sans le savoir, l’Église conciliaire en laquelle il ne reconnaît pas l’Église catholique.
« La vérité est que l’Église est physiologiquement relativiste. […] Ceci amène l’Église à assumer des positions idéologiquement contraires à l’idée de Nation, en tant qu’identité et civilisation à préserver, et ce en prêchant en faveur du franchissement des frontières nationales. En conséquence une Église fondamentalement bonasse, place au même niveau, sinon à un niveau supérieur, le bien d’autrui sans égard à son propre bien, et compromettant à la base l’idée de bien commun. […] Ce qui m’a le plus éloigné de l’Église, c’est le relativisme religieux et en particulier la légitimation de l’islam comme vraie religion, d’Allah comme vrai Dieu, de Mahomet comme vrai prophète, du coran comme texte sacré, des mosquées comme lieux de culte. Et cette folie caractérisée et suicidaire a poussé Jean-Paul II à embrasser le coran le 14 mai 1999, a poussé Benoît XVI à mettre la main sur le coran et à prier en direction de la Mecque à l’intérieur de la Mosquée Bleue d’Istanbul le 30 novembre 2006, et a incité François à exalter les musulmans qui “adorent le Dieu unique, vivant et miséricordieux”… »[32]
Israël Adam Shamir, lui, est un juif converti et baptisé dans l’Orthodoxie. Il constate que l’Église officielle (conciliaire) a produit une doctrine dangereuse : celle selon laquelle, bien que dépassée par la Nouvelle Alliance, l’Ancienne n’aurait pas été abolie. « Si cette théorie est exacte, écrit-il, alors il y a deux Israëls : un Israël de l’Ancienne Alliance et un Israël de la Nouvelle Alliance. Il s’agit là, bien entendu, d’un non-sens théologique. » Et au sujet des “Réflexions sur l’Alliance par la Conférence américaine du Synode des Évêques” développant Nostra ætate[33], Shamir fait ces judicieuses remarques :
« Le langage terne et bureaucratique de ces “Réflexions” ne parvient toutefois pas à dissimuler ce qu’en réalité, elles sont : une apostasie de l’Église et un reniement du Christ. […] C’est par un véritable Traité de Capitulation qu’on a voulu délibérément mettre fin au combat bimillénaire entre l’Église et la Synagogue. J’ai la profonde conviction que les “Réflexions” sont erronées […]. L’Église doit réévaluer son attitude vis-à-vis des juifs. Son attitude conciliante actuelle est due à l’ascension des juifs. […] L’Église devrait rejeter à haute et intelligible voix les idées exprimées dans les “Réflexions”… Les juifs n’ont jamais renoncé à leur vieux rêve de défaire leurs rivaux. Il est grand temps pour l’Église de cesser de s’excuser et de répliquer à l’adversaire en retournant contre lui une force égale. »[34]
Mgr Lefebvre ne disait pas autre chose :
« Ce Concile représente, tant aux yeux des autorités romaines qu’aux nôtres, une nouvelle Église qu’ils appellent l’Église conciliaire. […] Un pacte de non-agression a été conclu entre l’Église et la maçonnerie. […] Elle reconnaît les autres religions comme des religions sœurs. […] Tous ceux qui coopèrent à l’application de ce bouleversement, acceptent et adhèrent à cette nouvelle Église conciliaire, entrent dans le schisme. »[35]
L’Abbé Gleize a lui-même clairement vu cette rupture :
« Oui, il y a une rupture réelle, et en acte, au moins sur certains points, entre les enseignements du concile Vatican II et ceux de la Tradition de l’Église et il y a donc dans les principes objectifs deux religions, la religion catholique et la nouvelle religion inaugurée par le concile Vatican II. La question que nous posons ici se pose à un niveau subjectif : l’ensemble de tous ceux qui promeuvent cette nouvelle religion et professent cette nouvelle doctrine en deviennent-ils pour autant une autre Église, au sens strict et formel, et y a-t-il donc rupture en acte ? »[36]
Si la question mérite d’être posée subjectivement, elle ne change rien à la dramatique réalité objective : deux religions. Concrètement, depuis le concile Vatican II, la religion catholique est éclipsée par la nouvelle religion. Car l’Église officielle n’est ni une, ni sainte, ni catholique, ni apostolique. Lors d’une conférence à Écône, Mgr Lefebvre, le 9 septembre 1988, a clairement rompu avec les inconséquences pratiques vis-à-vis de cette Église officielle, concrète et conciliaire. Chercher un accord ou une reconnaissance avec une Église qui n’est plus catholique est une mauvaise pratique induite d’un faux principe :
« Je crois qu’il faut vous convaincre de cela : vous représentez vraiment l’Église catholique, non pas qu’il n’y ait pas d’Église en dehors de nous, il ne s’agit pas de cela… Ces derniers temps, on nous a dit qu’il était nécessaire que la Tradition entre dans l’Église visible. Je vous avoue que je pense qu’il y a là une erreur profonde, une erreur très, très grave. Où est l’Église visible ? Elle se reconnaît aux signes qu’elle a toujours donnés pour sa visibilité : elle est une, sainte, catholique et apostolique. Je vous demande : où sont les véritables marques de l’Église ? Sont-elles davantage dans l’Église officielle (il ne s’agit pas de l’Église visible, il s’agit de l’Église officielle) ou chez nous, en ce que nous représentons, ce que nous sommes. Il est clair que c’est nous qui gardons l’unité de la foi…, qui a disparu de l’Église officielle… Il n’y a donc plus de catholicité pratiquement… L’apostolicité : ils ont rompu avec le passé… La sainteté… considérons les fruits de notre apostolat… : les vocations, les religieuses, les familles chrétiennes… même nos visiteurs progressistes de Rome l’ont bien constaté que le travail que nous faisions était un très bon travail… Tout cela montre que c’est nous qui avons les marques de l’Église visible. Si, il y a encore une visibilité de l’Église aujourd’hui, mais c’est grâce à vous… Ces signes ne se trouvent plus chez les autres. Il n’y a plus chez eux d’unité de la foi, or c’est la foi qui est la base de toute la vraie visibilité de l’Église. La catholicité, c’est la foi une dans l’espace. L’apostolicité, c’est la foi une dans le temps et la sainteté c’est le fruit de cette foi… C’est l’Église officielle qui nous rejette mais ce n’est pas nous qui rejetons l’Église… ils ont le sida, on n’a pas envie de l’attraper, le sida spirituel, si on veut garder sa santé, il ne faut pas aller avec les sidaïques… Ce n’est pas nous, mais les modernistes qui sortent de l’Église. Quant à dire “ sortir de l’Église visible ”, c’est se tromper en assimilant Église officielle et Église visible… Sortir, donc, de l’Église officielle ? Dans une certaine mesure, oui, évidemment. Il faut donc sortir de ce milieu des évêques, si l’on veut ne pas perdre son âme. Mais cela ne suffit pas, car c’est à Rome que l’hérésie est installée. Si les évêques sont hérétiques, ce n’est pas sans l’influence de Rome. »[37]
Un an plus tard, même discours :
« C’est nous qui avons les notes de l’Église visible : l’unité, la catholicité, l’apostolicité, la sainteté. C’est cela qui fait l’Église visible. »[38]
Nous pensons en avoir dit assez pour montrer que Mgr Fellay en attribuant les notes de l’Église catholique à la secte conciliaire (l’« Église d’aujourd’hui, actuelle et concrète »…) commet là « une erreur profonde, une erreur très très grave » qui, vu sa charge, ne sera pas sans conséquence pour les catholiques et le combat de la foi.
« J’estime que nous sommes dans l’Église, et que nous sommes ceux qui sont dans l’Église, et que nous sommes les vrais fils de l’Église, et que les autres ne le sont pas. Ils ne le sont pas parce que le libéralisme n’est pas fils de l’Église. Le libéralisme est contre l’Église, le libéralisme, c’est la destruction de l’Église, en ce sens ils ne peuvent pas se dire des fils de 1’Église. »[39]
On peut regretter qu’entre 1976 et 1988, Mgr Lefebvre ait cherché plusieurs fois un accord avec la Rome actuelle. La crise de la Fraternité en 2012-2014 aurait été probablement évitée si Mgr Lefebvre avait gardé fermement une pratique découlant de ses premiers et justes diagnostics :
« Si nous laissons à Dieu et aux futurs vrais successeurs de Pierre de juger de ces choses, il n’en est que plus certain que le Concile a été détourné de sa fin par un groupe de conjurés et qu’il nous est impossible d’entrer dans cette conjuration… »[40]
« Un Pape digne de ce nom et vrai successeur de Pierre ne peut pas déclarer qu’Il se donnera à l’application du Concile et de ses Réformes. Il se met, par le fait même, en rupture avec tous ses prédécesseurs… »[41]
En 1991, au soir de sa vie pleine de douloureuses expériences, il ne concluait pas autrement :
« L’instauration de cette “Église conciliaire” imbue des principes de 1789, des principes maçonniques envers la religion et les religions, envers la société civile, est une imposture inspirée par l’Enfer pour la destruction de la religion catholique, de son magistère, de son sacerdoce et du sacrifice de Notre-Seigneur. »[42]
Abbé Olivier Rioult (à suivre)
[1] Abbé J.M. Gleize, “Nouvelles de Chrétienté”, n° 93 de mai-juin 2005.
[2] Commentaire de saint Thomas de la Deuxième Lettre de saint Paul aux Thessaloniciens, 3, 16.
[3] Retraite sacerdotale, Écône, 9 sept. 1988.
[4] Conférence à Écône, 11 février 1991.
[5] Préface du Bref Examen critique du Nouvel Ordo Missæ, Cardinaux Ottaviani et Bacci.
[7] Retraite sacerdotale, Écône, 9 sept. 1988.
[8] SWIFT : Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication. Cette société dont le siège est en Belgique a pour principaux actionnaires les plus grosses banques du monde dont le groupe de banques juives dominant la FED, parmi lesquelles la banque JP Morgan chez qui le Vatican a placé son “trésor”.
[9] Billot, L’Église, sa divine institution et ses notes, Tome I, p. 245 et suiv., n° 292-294 et 295.
[10] Billot, L’Église, sa divine institution et ses notes, Tome I, p. 269, n° 319, note 65.
[11] Osservatore Romano, n° 41 du 10/10/2013.
[12] Benoît XVI, Homélie de l’Eucharistie d’inauguration de la Vème Conférence générale de l’Épiscopat latino-américain et des Caraïbes (13 mai 2007), Aparecida, Brésil.
[13] Retraite sacerdotale, Écône, 9 sept. 1988.
[14] Billot, L’Église, sa divine institution et ses notes, Tome I, p. 287, n° 343.
[15] Billot, L’Église, sa divine institution et ses notes, Tome I, p. 290, n° 346.
[16] Mgr Lefebvre, Le Figaro, mercredi 4 août 1976.
[17] Billot, L’Église, sa divine institution et ses notes, Tome I, p. 294, n° 352.
[18] Doc.Cath., 2-16 /09/1979, p. 756.
[19] cf. Lettre ap. Novo millennio ineunte, 57-58 DC 2001, n. 2240, p. 88. à l’issue de la Messe à la chapelle Sixtine DC numéro 2337 du 5/06/2005.
[20] Principes de théologie catholique, Épilogue, p 426-427.
[21] Interview accordée aux revues culturelles jésuites 19 et 23 et 29 août 2013.
[22] Léon X, Exsurge Domine, 15 juin 1520.
[23] « En conséquence s’est manifestée clairement la profonde religiosité de Luther qui, avec une passion brûlante, était tenaillé par la question du salut éternel. » Jean Paul II, 31 octobre 1983, message officiel à l’occasion du 500e anniversaire de l’hérésiarque Martin Luther, Oss. Rom., 6 nov. 1983.
[24] Car « dans cette unique Église du Christ, personne ne s’y trouve et personne n’y demeure à moins de reconnaître et d’accepter, avec obéissance, l’autorité et la puissance de Pierre et de ses légitimes successeurs. » Pie XI, Mortalium Animos, 1928.
[25] Paul VI, bref Ambulate in dilectione.
[26] Père Stransky Focusing on Jewish-Christian Relations, 1985, Origins, 15, n°5, p. 67.
[27] Billot, L’Église, sa divine institution et ses notes, Tome I, p. 303, n° 361.
[28] Supérieur du Consistoire de l’Église de la Confession luthérienne, le 8 décembre 1973. L’Église en Alsace, Janvier 1974.
[29] Retraite sacerdotale, Écône, 9 sept. 1988.
[30] La voix du Nord, 23-24 oct. 1988, Mgr Lefebvre au Carmel de Quiévrain en Belgique.
[31] Mgr Fellay, Conférence à Flavigny, 2 septembre 2012.
[32] Pourquoi je quitte l’Église catholique trop faible avec l’islam, Magdi Cristiano Allam, 25 mars 2013, publié dans le quotidien italien Il Giornale.
[33] Disant entre autres choses : « Le témoin privilégié qu’est le juif doit être soutenu, si les catholiques et les juifs sont véritablement, comme l’a envisagé le pape Jean-Paul II, “mutuellement une bénédiction les uns pour les autres”. »
Le “nouveau Catéchisme de l’Église catholique” reprend, au § 121, l’affirmation de Jean-Paul II à Mayence, le 17 novembre 1980 : « l’Ancienne Alliance n’a jamais été révoquée » (DC 78 (1981), p. 427). Ce qui est une hérésie : saint Paul aux Hébreux enseigne le contraire : « Car, le sacerdoce étant changé, il est nécessaire que la Loi le soit aussi … Ainsi, a été abrogée la première ordonnance, à cause de son impuissance et de son inutilité… » (7, 12 &18-19) « En effet, si la première Alliance avait été sans défaut, il n’y aurait pas eu lieu de lui en substituer une… En disant : “Une Alliance nouvelle”, Dieu a déclaré la première vieillie ; or, ce qui est devenu ancien, ce qui est vieilli, est près de disparaître. » (8, 7 & 13)
[34] Israël Shamir, Notre Dame des Douleurs, BookSurge, 2006.
[35] Mgr Lefebvre, Le Figaro, mercredi 4 Août 1976.
[36] Courrier de Rome, n° 368, sept. 2013, § 15.
[37] Retraite sacerdotale, Écône, 9 sept. 1988.
[38] Fideliter, n° 70, juil.-août 1989, page 6.
[39] Conférence de Mgr Lefebvre, Écône, 21 déc. 1984.
[40] Préface du livre “J’accuse le concile” 27 août 1976.
[41] Mgr Lefebvre, Lettre adressée à quarante cardinaux, 6 octobre 1978.
[42] Itinéraire spirituel, Les perfections de Dieu.