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Discours sur le Lefebvrisme (2/4)

par | Mar 8, 2015 | Abbé Rioult, Discours sur la secte conciliaire

Discours sur le Lefebvrisme (2/4)

Lefevbrisme 2

Lefevbrisme 2

3°) Évolution de Mgr Lefebvre sur le problème du pape favorisant l’hérésie 

L’été chaud.. 1

1977-1979. Être pragmatique. 2

Le piège de la diplomatie romaine. 4

Les sacres : l’opération survie. 10

La bienheureuse excommunication.. 12

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3°) Évolution de Mgr Lefebvre sur le problème du pape favorisant l’hérésie

Mgr Lefebvre n’est qu’un évêque catholique, presque seul, face à Rome. Rome perd et fait perdre la foi. Lui veut la garder et la répandre. Tel est le drame qu’il devra supporter de 1962 à sa mort en 1991. Dans cette période de sa vie, on distingue quatre phases.

– 1974-1976 : la guerre ouverte. Le Concile Vatican II est clos depuis 1965. En 1968, pour ne pas cautionner le « suicide » révolutionnaire de sa famille religieuse, Mgr Lefebvre démissionne de sa charge de supérieur général des Spiritains. Évêque à la rue, en 1969, il aide plusieurs séminaristes effrayés, l’un d’eux ayant vu le drapeau rouge communiste flotter au Séminaire français de Rome, sans réaction de l’autorité. À 66 ans, en 1971, il fonde son séminaire international. En 1974, Rome, inquiète de cette résistance à l’esprit du concile Vatican II, lui ordonne de tout arrêter et de fermer ses portes. Mgr Lefebvre demande qu’on lui laisse faire l’expérience de la Tradition puisqu’on permet tout et n’importe quoi. On lui oppose un refus catégorique. Mgr Lefebvre répond : “Non possumus” et rédigera sa fameuse déclaration du 21 novembre 1974. Les premières sanctions tombent : suspens a divinis en 1976. Mgr Lefebvre est obligé de combattre Rome publiquement.

1977-78 : un certain pragmatisme. Devant cette situation inouïe, celle d’un pape qui détruit l’Eglise, il concède théoriquement l’hypothèse de la déchéance du pape incluant la vacance formelle du siège mais n’y adhère pas. Il reporte à plus tard la résolution du problème car la question est trop compliquée. Il préfère être et sera pragmatique : « Qu’importe celui qui nous donne le poison. Oui, c’est du poison, donc je ne le prends pas et c’est terminé. »

1979 : le piège romain. Suite à une audience accordée par Jean-Paul II, Mgr Lefebvre espère un arrangement et demande la liberté de faire l’expérience de la Tradition. Il prend alors la décision de rompre avec ceux qui refusent toute diplomatie avec la Rome conciliaire et les ‘sédévacantistes’.

1988 : la sortie du piège par les Sacres épiscopaux. Mgr Lefebvre mettra près de dix ans pour sortir du piège romain mais sans adhérer à la conclusion de déchéance du pape. Ce n’est qu’en juin 1988 que Mgr Lefebvre quitte définitivement une diplomatie incohérente et une politique compromettante en sacrant quatre évêques contre la volonté de la Rome conciliaire.

Voyons maintenant un plus en détail ces étapes.

1976. L’été chaud

Le combat des prêtres fidèles et des catholiques face à la révolution conciliaire ne date pas de cette année mais pour Mgr Lefebvre et son œuvre, 1976, c’est l’été chaud. Cette année est l’année d’un nouveau choix : faut-il franchir le Rubicon ? Allons-nous survivre envers et contre tout, sans Rome et même contre Rome ? La réponse est oui ! Il n’y a pas à hésiter : « Je vous dis, mes bien chers frères, ce qu’a fait la Révolution n’est rien à côté de ce qu’a fait le concile Vatican II. Rien. »[1]

Mais comment justifier une telle attitude dans une telle situation ? Comment être catholique contre le pape ? C’est sur cette question que vont diverger les opinions.

Dans un entretien avec Le Figaro, le mercredi 4 août 1976, Mgr Lefebvre déclare qu’un pape schismatique n’est pas une chose inconcevable :

« Dans la mesure où le pape s’éloignerait » de la Tradition de l’Eglise, « il deviendrait schismatique » et « romprait avec l’Église. Les théologiens comme saint Bellarmin, Cajetan, le cardinal Journet et bien d’autres ont étudié cette éventualité. Ce n’est donc pas une chose inconcevable. » « S’il nous apparaît certain que la foi enseignée par l’Église pendant vingt siècles ne peut contenir d’erreur, nous avons beaucoup moins l’absolue certitude que le pape soit vraiment pape. L’hérésie, le schisme, l’excommunication ipso facto, l’invalidité de l’élection sont des causes qui éventuellement peuvent faire qu’un pape ne l’ait jamais été ou ne le soit plus. Dans ce cas, évidemment très exceptionnel, l’Église se trouverait dans une situation semblable à celle qu’elle connaît après le décès d’un souverain pontife. […] Un problème grave se pose à la conscience et à la foi de tous les catholiques depuis le début du pontificat de Paul VI. Comment un pape vrai successeur de Pierre, assuré de l’assistance de l’Esprit saint, peut-il présider à la destruction de l’Église, la plus profonde et la plus étendue de son histoire en l’espace de si peu de temps, ce qu’aucun hérésiarque n’a jamais réussi à faire ? »[2]

Mgr Lefebvre laisse « ce problème aux théologiens et aux historiens », son grand souci est « de s’attacher à l’antiquité, qui, évidemment, ne peut plus être séduite par aucune nouveauté mensongère. » Le grand devoir du moment est de démythifier ce Concile.

« Les hommes d’Église occupant les postes-clés, ont pris une orientation nettement opposée à la Tradition, soit au Magistère officiel de l’Église. […] Ils ont tourné le dos à la véritable Église de toujours, lui ont donné de nouvelles institutions, un nouveau sacerdoce, un nouveau culte, un nouvel enseignement toujours en recherche, et cela toujours au nom du Concile. […] Il est donc indispensable de démythiser ce Concile qu’ils ont voulu pastoral en raison de leur horreur instinctive pour le dogme, et pour faciliter l’introduction officielle dans un texte d’Église des idées libérales. […] Heureusement cette opération de démythisation du Concile commence et a bien commencé avec le travail de M. Le professeur Salet dans le ‘Courrier de Rome’ sur la déclaration de ‘la liberté religieuse’. Il en conclut que cette déclaration est hérétique. […] Mais si nous laissons à Dieu et aux futurs vrais successeurs de Pierre de juger de ces choses, il n’en est que plus certain que le Concile a été détourné de sa fin par un groupe de conjurés et qu’il nous est impossible d’entrer dans cette conjuration, quand bien même il y aurait beaucoup de textes satisfaisants dans ce Concile. Car les bons textes ont servi pour faire accepter les textes équivoques, minés, piégés. Il nous reste une seule solution : abandonner ces témoins dangereux pour nous attacher fermement à la Tradition, soit au Magistère officiel de l’Église pendant vingt siècles. Marcel Lefebvre, Paris, le 27 août 1976 »[3]

L’heure est aux paroles fortes, car la situation est terrible : on assiste à la mise en place d’une autre religion, à la mise en « œuvre d’une idéologie nouvelle » : le Saint-Siège accepte définitivement le pluralisme des religions. Face à cette imposture, Mgr Lefebvre sait où est son devoir : « Nous n’acceptons pas cette nouvelle religion. »[4] Mais ceci ne résout pas le problème : comment justifier théologiquement une telle réaction ?

“Comment aujourd’hui quelqu’un pourrait-il se comparer à saint Athanase, en osant combattre un Concile comme le deuxième Concile du Vatican, qui ne fait pas moins autorité, qui est même sous certains aspects plus important encore que celui de Nicée ?”. (Lettre de Paul VI à Mgr Lefebvre)[5]

1977-1979. Être pragmatique

En 1977, Mgr Lefebvre avoue que l’hypothèse de la déchéance du pape « hérétique, schismatique ou abandonnant pratiquement sa charge de Pasteur suprême » est une « hypothèse » qui pourra être « un jour confirmée par l’Église. Car elle a pour elle des arguments sérieux. Nombreux en effet sont les actes de Paul VI qui, accomplis par un évêque ou un théologien, il y a vingt ans, eussent été condamnés comme suspects d’hérésie, favorisant l’hérésie. »[6] Mais Mgr Lefebvre préfère l’hypothèse du pape vraiment pape qui favorise en même temps l’hérésie tout en concédant que s’il « apparaissait qu’il est contraire aux promesses faites par Notre Seigneur Jésus-Christ qu’un pape soit profondément libéral, alors il faudrait se ranger à la première hypothèse. Mais cela ne semble pas évident. »[7]

« Selon au moins l’opinion probable des théologiens » le pape apostat, hérétique, schismatique ne serait plus pape. « Et par conséquent nous serions dans la situation de sede vacante ». C’est « une opinion » qui a en « sa faveur quelques probabilités. Mais cependant je ne pense pas que ce soit la solution que nous devions prendre. Peut-être un jour, dans trente, quarante ans, vous verrez ça vous. » Peut-être qu’il y aura « une session de cardinaux » qui dira : « ‘C’est évident, il y a des choses qui auraient dû sauter aux yeux de ceux qui vivaient en ce temps-là ! Il y a des affirmations qui étaient absolument contraires à la Tradition de l’Église, etc’. Mais, pour le moment, personnellement je crois que ce serait une erreur de suivre cette hypothèse. »[8]

Le 5 octobre 1978, lors d’une conférence à Écône, Mgr Lefebvre préférait toujours l’opinion du pape mauvais et libéral mais pape tout de même tout en avouant : « Je sais bien que parmi les traditionalistes [les pères Saenz y Arriaga, Barbara, Vinson, Avril, Coache, Mouraux, Guérard des Lauriers…], il y en a qui ont certainement une tendance plus radicale que celle que j’ai moi-même et que j’essaie de vous inculquer… mais ça ne veut pas dire pour autant que je sois absolument certain d’avoir raison dans la position que je prends. Je la prends surtout d’une manière prudentielle que j’espère surnaturelle, plutôt que sur le domaine purement théologique et purement théorique. » Pour Mgr Lefebvre, « lorsque les choses sont très difficiles et sont délicates », « une certaine prudence » dans la pratique « peut paraître un peu en contradiction avec certains principes, n’être pas d’une logique absolue. »[9]

Mgr Lefebvre avoue ne pas oser la trancher avec des principes car la question est très difficile, très délicate, très compliquée.

« Le pape peut-il être hérétique, peut-il être hérétique formel ? Je n’en sais rien. Alors on tombe dans les hypothèses, dans les différentes hypothèses théologiques, et ça devient très difficileTout cela est très difficile, très délicat ».

Il faut selon Mgr Lefebvre éviter la « logique implacable » et tenir compte des « circonstances ». Il y a pour lui « deux solutions possibles ».

Soit « le pape dit des hérésies, donc il est hérétique, donc il n’est pas pape, donc c’est un intrus qui est sur le siège de Saint-Pierre, donc nous n’avons pas à obéir à cet intrus, etc. »

Soit « les promesses que Notre-Seigneur Jésus-Christ a faites au pape » sont dans une certaine mesure compatibles avec la possibilité pour le pape de faire ou de dire des « choses équivoques » qui, « par leur propre logique » font « perdre la foi aux gens » et provoquent la « destruction de la foi. »

« Là encore, c’est très compliqué, c’est vraiment très compliqué de savoir exactement quelle est cette mesure. Et donc, est-ce que dans la situation actuelle, le pape est tout à fait pape ? […] Est-ce que c’est compatible avec les promesses que Notre-Seigneur a faites pour le pape ? Étant donné les difficultés de résoudre tous ces problèmes, moi j’avoue que je n’ose pas trancher là-dedans avec des principes… d’une manière absolue. Je ne me sens pas capable, parce que je ne connais pas suffisamment tout ce que le pape a pu faire. […] je dirais d’ailleurs que dans la pratique, ça n’a pas une telle influence sur notre conduite pratique. Pourquoi ? Parce que nous rejetons fermement, courageusement, tout ce qui est contre la foi. […] Qu’importe celui qui nous donne le poison, la main qui nous tend le poison, moi, ce n’est pas ça que je regarde… Est-ce que c’est du poison ou est-ce que ce n’est pas du poison ? Oui, c’est du poison, donc je ne le prends pas et c’est terminé. »[10]

Le 6 octobre 1978 Mgr Lefebvre écrit à quarante cardinaux, avant leur entrée au Conclave : « Poursuivre les orientations de ce Concile et des Réformes post-conciliaires, c’est étendre l’apostasie et mener l’Église vers sa ruine… Un Pape digne de ce nom et vrai successeur de Pierre ne peut pas déclarer qu’Il se donnera à l’application du Concile et de ses Réformes. Il se met, par le fait même, en rupture avec tous ses prédécesseurs et avec le Concile de Trente en particulier. »

1979. Le piège de la diplomatie romaine

Le 18 novembre 1978 Jean-Paul II accorde une audience à Mgr Lefebvre intéressé par la formule papale “le Concile à la lumière de la tradition” (6 novembre 1978). Mgr Lefebvre y voit là un signe d’espoir et un changement d’attitude. Le 24 décembre 1978, Mgr Lefebvre écrivait à Jean-Paul II une lettre demandant la liberté pour la messe traditionnelle : “Les évêques décideraient des lieux, des heures réservés à cette Tradition. L’unité se retrouverait immédiatement au niveau de l’Evêque du lieu”[11]. Le Père Guérard des Lauriers, le premier, condamna publiquement cet accord proposé par Mgr Lefebvre : “Monseigneur, nous ne voulons pas de cette paix”. C’est dans ce contexte de diplomatie que Mgr Lefebvre prendra la décision de rompre définitivement avec les sédévacantistes par la déclaration du 8 novembre 1979 (“Position de Mgr Lefebvre sur la Nouvelle Messe et le Pape”), publiée dans la revue interne Cor unum n°4, en novembre 1979 et largement diffusée par la suite.

Dans ce document, Mgr Lefebvre déclare « bienheureux ceux qui ont vécu et sont morts sans avoir à se poser la question : Avons-nous vraiment un Pape ou un intrus assis sur la Siège de Pierre ? Comment un successeur de Pierre a pu en si peu de temps causer plus de dommages à l’Église que la Révolution de 89 ? » Il pense que les sédévacantistes « simplifient trop les problèmes » mais que « la réalité est plus complexe ».

« L’étude très objective de Xaverio da Silveira montre qu’un bon nombre de théologiens pensent que le Pape peut être hérétique comme docteur privé mais non comme docteur de l’Église universelle. Il faudrait donc examiner dans quelle mesure le Pape Paul VI a voulu engager son infaillibilité dans ces divers cas où il a signé des textes proches de l’hérésie sinon hérétiques. Or nous avons pu voir que dans ces deux cas comme dans beaucoup d’autres le Pape Paul VI a beaucoup plus agi en libéral qu’en s’attachant à l’hérésie ».

Pour Mgr Lefebvre, « la question de la visibilité de l’Église est trop nécessaire à son existence pour que Dieu puisse l’omettre durant des décades. Le raisonnement de ceux qui affirment l’inexistence du pape met l’Église dans une situation inextricable. Qui nous dira où est le futur Pape ? » Il y voit un risque pour les « fidèles qui s’attacheront à des sectes vraiment schismatiques comme celle de Palmar de Troya, de l’Eglise Latine de Toulouse, etc… Notre Fraternité se refuse absolument à entrer dans de pareils raisonnements. Nous voulons demeurer attachés à Rome au successeur de Pierre, mais nous refusons son libéralisme par fidélité à ses prédécesseurs. […] C’est pourquoi je n’ai jamais refusé de me rendre à Rome… La Vérité doit s’affirmer à Rome plus qu’en n’importe quel lieu. Elle appartient à Dieu qui la fera triompher. En conséquence la Fraternité Sacerdotale St Pie X des Pères, des Frères, des Sœurs, des Oblates ne peut pas tolérer dans son sein des membres qui refusent de prier pour le Pape. »[12]

Dans une conférence de janvier 1979, Mgr Lefebvre veut « avoir l’évidence » de la déchéance du pape. « Tant que je n’ai pas l’évidence que le pape ne serait pas le pape, eh bien la présomption est pour le pape ». Il reproche aux sédévacantistes de prouver leur conclusion en changeant d’arguments : « cet argument n’est pas valable suffisamment, on prend un autre argument… c’est donc qu’il était douteux. Et s’il est douteux, on n’a pas le droit de tirer les conséquences énormes… Moi, je ne veux pas partir d’un principe qui est douteux. Je préfère partir du principe qu’il faut défendre sa foi ». Sans une absolue certitude, il craint « de partir dans un cycle infernal ». Il pense que « un jour il y aura un procès qui sera fait probablement au sujet du Pape Paul VI, au sujet du Concile, au sujet de tous ces théologiens » mais qu’il ne faut pas « aller trop vite en besogne et nous mettre dans des situations impossibles. »

En 2014, il y a bien eu un procès au sujet de Paul VI mais se fut celui de sa béatification qui a eu lieu après la canonisation de Jean-Paul II… En 2014, on a donc béatifié celui qui a présidé « à la destruction de l’Église, la plus profonde et la plus étendue de son histoire en l’espace de si peu de temps. »[13]

Mgr Lefebvre demande que l’on prie pour le pape comme l’on prie « pour des âmes du Purgatoire » qui peuvent éventuellement être en enfer. « Pourquoi vouloir tout savoir ? Il y a bien des choses que nous ne savons pas comme ça, pour lesquelles nous pouvons prier… Alors il ne faut pas être de ces esprits qui s’enferment dans une position qui n’est pas normale. »[14]

Mgr Lefebvre est plus gêné par les conséquences de la conclusion que par la logique même des arguments. C’est surtout « la question de la visibilité de l’Église » qui l’arrête. Trente ans plus tard Mgr Tissier écrira ce qui aurait pu peut-être le rassurer :

« L’indéfectibilité de l’Eglise n’empêche pas que l’Eglise ne puisse venir, suite à une grande apostasie comme celle annoncée par saint Paul (2 Th 2, 3), à être réduite à un très modeste nombre de vrais catholiques. […] Une Eglise qui convoiterait à la fois un but terrestre, mondialiste et le but surnaturel de salut éternel des âmes, cette Eglise n’est plus catholique, c’est l’Eglise conciliaire dans son statut viral atténué et vulgaire. Et à côté de cette Eglise conciliaire vulgaire, que reste-t-il de l’Eglise catholique ? Nous répondons que, même réduite au nombre modeste de la partie saine de ses fidèles et peut-être à un seul évêque fidèle, comme pourra l’être, selon le père Emmanuel, l’Eglise de la fin des temps, l’Eglise catholique reste l’Eglise catholique. »[15]

Chose étonnante mais “prophétisée” aussi par le cardinal Pie : « L’Église, société sans doute toujours visible, sera de plus en plus ramenée à des proportions simplement individuelles et domestiques… L’Église sera resserrée de toutes parts ; autant les siècles l’ont faite grande, autant on s’appliquera à la restreindre. Enfin il y aura pour l’Église de la terre comme une véritable défaite : “Il sera donné à la bête de faire la guerre avec les saints et de les vaincre.” »[16]

Devant le pragmatisme de Mgr Lefebvre, le père Guérard, qui fut le principal auteur du Bref examen critique du novus ordo missae, que Mgr Lefebvre fit présenter à Paul VI par les cardinaux Ottaviani et Bacci, et professeur à Ecône jusqu’en 1977, décida de recevoir la consécration épiscopale, le 7 mai 1981 à Toulon, des mains de Mgr Ngo Dinh Thuc, prélat de l’Eglise en exil († 1984)[17]. Il s’était résigné à cette extrémité à 85 ans et n’avait accepté cette charge que pour continuer l’Église. La nouvelle ne sera connue publiquement qu’en 1983. Mgr Guérard, alors rejeté par beaucoup, devint un signe de contradiction, en mettant en évidence le problème de la transmission des sacrements face à la défaillance de l’autorité régulière. Devant les hésitations de Mgr Lefebvre et les équivoques de sa nouvelle position, il eut le courage de rappeler que le bien de l’Église et des fidèles interdit de « résoudre une question qui concerne la vérité par la “coexistence pacifique” dans une “pseudo-charité.” » Car l’équivoque, quelques soient nos intentions, n’est qu’une permission injustifiable de l’erreur.

Mgr Guérard souhaitait que Mgr Lefebvre sacre, non pas avec l’accord de la Rome actuelle, ce qui entraînerait l’ensemble des résistances dans le ralliement à l’Église conciliaire, mais qu’il affronte l’excommunication de la Rome actuelle, et consente ainsi à traiter de front les problèmes de la crise actuelle de l’autorité. Car Mgr Guérard, tout comme Mgr Lefebvre, savait bien que le préliminaire de la cérémonie du sacre des évêques est liturgiquement constitué par la lecture du mandat romain. Ce préalable du pontifical est obligatoire, et s’il fait défaut, il faut bien, comme le fit Mgr Guérard des Lauriers, qu’on le remplace par l’exposé des motifs pour lesquels on a cru devoir passer outre.

Mgr Guérard des Lauriers mourra sans voir Mgr Lefebvre poser l’acte salutaire. Mais dans sa dernière homélie, prononcée le 3 janvier 1988, il prononça ces paroles poignantes :

« L’entreprise que je croyais devoir entreprendre, il semble que le Bon Dieu ne la veuille pas par moi. Eh bien s’Il la veut par Mgr Lefebvre, et s’il le montre par le signe crucial, crucial, crucial, crucial…, que Mgr Lefebvre se décide enfin à consacrer des évêques ; non pas à les consacrer par Wojtyla mais par lui ; si Monseigneur Lefebvre fait cela, eh bien c’est avec joie que j’abandonne tout ce que j’ai fait, tous les sacrifices que j’ai fait, pour que l’œuvre du salut continue par lui [car les deux Églises, conciliaire et catholique, n’ayant pas la même foi doivent s’excommunier]. »

En attendant, la position de Mgr Lefebvre de 1979 devient la position officielle de la Fraternité en 1982.

« Les uns disent : “les actes de Rome signés ou accomplis par le pape sont si mauvais que le pape ne peut être un pape légitime, c’est un intrus. Il n’y a donc pas de pape, le siège est vacant”. Les autres affirment : “le pape ne peut pas signer des décrets destructeurs de la foi, donc ces décrets sont acceptables et il faut s’y soumettre”. La Fraternité Sacerdotale n’accepte ni l’une ni l’autre de ces deux solutions, mais […] pense que le pape peut favoriser la ruine de l’Église en choisissant et laissant agir de mauvais collaborateurs, en signant des décrets qui n’engagent pas son infaillibilité, parfois même de son propre aveu, et qui causent un dommage considérable à l’Église. » (Cor Unum n° 13, Acte du Chapitre général, 13 sept. 1982)

On pourrait croire que les choses en seraient restées là, et qu’après avoir exclu l’opinion sédévacantiste et ses partisans, Mgr Lefebvre serait enfin pacifié. Or il n’en est rien : cette paix qu’il cherche, il ne la goûtera que le 30 juin 1988 après la cérémonie des sacres.

En 1983, un nouveau code de Droit Canon est édité. Pour Mgr Lefebvre, « il nous est impossible d’accepter en bloc le Droit Canon tel qu’il a été édité, parce qu’il est précisément dans la ligne de Vatican II ». Ce nouveau code « risque de nous entraîner, au moins dans un certain nombres de points essentiels du Droit, dans des hérésies, favorise l’hérésie, comme la réforme liturgique qui favorise l’hérésie aussi. »[18]

En réalité, si Mgr Lefebvre a des doutes théoriques sur le pape, il n’a aucun doute pratique sur son devoir. Il ne veut pas « de ralliement aux ecclésiastiques qui commandent dans l’Église maintenant et qui sont des libéraux » car « ce ralliement sera l’acceptation des principes libéraux… Ce n’est pas possible, on ne peut pas transiger ! Qu’ils nous rendent tout. Qu’ils quittent leur libéralisme, qu’ils reviennent à la vraie vérité de l’Église, à la foi de l’Église. […] A ce moment-là il y aura une entente parfaite et nous pourrons être reconnus et nous n’aurons plus de scrupules. Mais tant qu’on a affaire à des gens qui ont fait ce pacte avec le Diable… nous ne pouvons avoir aucune confiance. Ils nous entraîneront petit à petit, ils essaieront de nous entraîner dans leurs pièges, tant qu’ils n’ont pas lâché ces idées fausses. »[19]

En 1985, Mgr Lefebvre et de Mgr de Castro Mayer envoient une solennelle mise en garde à Jean-Paul II à l’occasion du Synode extraordinaire à Rome.

« Si le prochain Synode ne retourne pas au Magistère traditionnel de l’Eglise en matière de liberté religieuse, mais confirme cette grave erreur, source d’hérésies, nous serons en droit de penser que les membres du Synode ne professent plus la Foi catholique. […] En ce cas nous ne pourrons que persévérer dans la sainte Tradition de l’Eglise et prendre toutes les décisions nécessaires pour que l’Eglise garde un clergé fidèle à la Foi catholique, capable de répéter après saint Paul ‘tradidi quod et accepi’. Très Saint Père, Votre responsabilité est gravement engagée dans cette nouvelle et fausse conception de l’Eglise qui entraîne le clergé et les fidèles dans l’hérésie et le schisme. Si le Synode, sous Votre autorité, per­sévère dans cette orientation, Vous ne serez plus le Bon Pasteur. »[20]

En 1986, on pouvait croire que tout avait été dit depuis la position officielle de la Fraternité de 1982, reprenant la “Position de Mgr Lefebvre sur la Nouvelle Messe et le Pape” de 1979. Or, le 30 mars 1986, dans son homélie de Pâques, Mgr Lefebvre déclare : « Il est possible que nous soyons dans l’obligation de croire que ce pape n’est pas pape. »

Mgr Lefebvre rappelait comment « l’œcuménisme » de Jean-Paul II, au Maroc, au Togo, dans les Indes, avec les juifs, « pose un grave problème de conscience ». Il rappelait, en citant le Dictionnaire de Droit canonique du chanoine Naz, que la communicatio in sacris, c’est-à-dire la participation à un culte non catholique est interdite, sous n’importe quelle forme, parce qu’elle implique une profession d’une fausse religion et par conséquent le reniement de la foi catholique.

« Ceux qui participent ainsi activement et formellement au culte des non-catholiques, sont présumés adhérer aux croyances de ces derniers. C’est pourquoi le canon 2316 les déclare suspects d’hérésie et s’ils persévèrent ils sont considérés comme réellement hérétiques. […] Quelle conclusion devrons-nous tirer, peut-être dans quelques mois, devant ces actes répétés de communication à des faux cultes ? Je ne sais pas. Je me le demande. Mais il est possible que nous soyons dans l’obligation de croire que ce pape n’est pas pape. Car il semble à première vue — je ne veux pas encore le dire d’une manière solennelle et formelle — mais il semble à première vue — qu’il soit impossible qu’un pape soit hérétique publiquement et formellement. […] Voici un problème qui vous concerne tous, qui ne concerne pas moi seulement. »

Le mardi 15 avril 1986, dans une conférence, Mgr Lefebvre revient sur son sermon du dimanche de Pâques. Ce jour-là, les séminaristes ont pu entendre ces paroles :

« Nous sommes convaincus, et nous devons être convaincus, que ce qu’il y a de premier, ce qu’il y a de fondamental dans notre vie chrétienne et dans notre vie, c’est la foi… Et nous nous trouvons devant des évêques, et même le pape, qui n’obéissent plus à la foi… alors un pape peut-il être hérétique ? La question se pose nécessairement… Premier problème : la communicatio in sacris, Deuxième problème : la question de l’hérésie, Troisième problème : le pape est-il encore pape lorsqu’il est hérétique ? Moi je ne sais pas. Je ne tranche pas. Mais vous pouvez vous poser la question vous-mêmes. Je pense que tout homme sensé doit se poser la question. Je ne sais pas. Alors, maintenant, est-il urgent d’en parler ?… On peut ne pas en parler évidemment… Nous pouvons en parler entre nous, d’une manière privée, dans nos bureaux, dans nos conversations privées, entre séminaristes, entre prêtres et tout ça… Faut-il en parler aux fidèles ? Beaucoup disent : “Non, non, non, n’en parlez pas aux fidèles ils vont être scandalisés. Ça va être terrible, ça va aller loin !”… Bon ! Moi j’ai dit aux prêtres à Paris, lorsque je les ai réunis, et puis à vous-mêmes je vous en avais parlé déjà, j’ai dit : “je pense que, tout doucement, il faut quand même éclairer un peu les fidèles” ! … Je ne dis pas qu’il faille le faire brutalement, et jeter cela en pâture aux fidèles pour les effrayer… Non ! Mais je pense tout de même que c’est une question de foi précisément. Il faut que les fidèles ne perdent pas la foi. Nous avons charge de garder la foi des fidèles, de la protéger. Ils vont perdre la foi… même nos traditionalistes ! [Mgr appuie vocalement sur ce passage en détachant chaque syllabe]. Même nos traditionalistes n’auront plus la foi en Notre-Seigneur Jésus-Christ. Car cette foi, elle est perdue ! Elle est perdue dans les prêtres, elle est perdue chez les évêques. […] Pour faire schisme, il faut quitter l’Église. Et quitter l’Église, c’est quitter la foi d’abord. Qui quitte la foi de l’Église ? L’autorité est au service de la foi. Si elle abandonne la foi, c’est elle qui fait schisme. Alors ce n’est pas nous qui faisons schisme. »[21]

L’année 1987 et 1988 seront troublantes et incohérentes. Les faits nous obligent à le constater. Vouloir corriger ces insuffisances n’est pas être contre Mgr Lefebvre mais au-delà de ses insuffisances pour rester fidèle.

Dans la préface de son livre Ils l’ont découronné, Mgr Lefebvre écrit que « la plus abominable manifestation du catholicisme libéral s’accomplissait à Assise, preuve tangible que le Pape et ceux qui l’approuvent ont une fausse notion de la foi, notion moderniste qui va ébranler tout l’édifice de l’Église. »[22]

Le Cor unum n° 27 de février 1987 fait une mise au point sur la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X et Rome. Il faut, dit la revue interne, éviter « la pusillanimité, le découragement » et ne pas craindre que « par sa raide intransigeance dans le combat, par son peu de disponibilité au dialogue et son manque du sens diplomatique, à la longue, la Fraternité » porte « elle-même la responsabilité de torpiller, ou au moins rendre plus difficile une entente possible avec Rome » :

« Cette vue des choses ne tient pas suffisamment compte du caractère spécial du combat historique qui affecte l’Eglise à l’heure actuelle : aussi longtemps que dure la nouvelle et fausse orientation de principe de la Rome post-conciliaire », « tout catholique a le devoir strict de déclarer l’affrontement ouvert et de dire bien haut un “non” sans compromis. » « Vu la gravité extrême de la situation, personne ne peut s’esquiver ou chercher un moyen chemin, ou des compromis illusoires. Tout catholique digne de ce nom doit aujourd’hui “combattre comme un héros”… En outre, le facteur temps ne joue absolument aucun rôle dans les questions de foi. Même si la situation devait se poursuivre ainsi encore vingt ans, nous devrions encore en 2007 dire “non” avec la même énergie et la même logique qu’aujourd’hui. Car la vérité sera encore la même dans vingt ans. »

Malgré cela Mgr Lefebvre est tourmenté et prisonnier d’un dilemme : il n’est ni prêt à sacrer : « si je sacrais un évêque sans l’autorisation indispensable du pape, je serais schismatique. Or tant que je reconnais que Jean-Paul II est pape, je ne peux pas rompre avec lui. […] Si Dieu veut que la Fraternité continue, il fera en sorte que des évêques sacreront mes prêtres » ; ni décidé à se rallier : « Mais je ne veux pas, malgré les facilités que le Vatican me proposerait, transiger avec l’ancienne messe et reconnaître que la liberté religieuse puisse être interprétée comme conforme à la Tradition, alors qu’elle en est l’opposé. »[23]

Mais la réponse romaine à ses objections théologiques le scandalise tellement, qu’il se décide à procéder aux sacres de « trois évêques minimum » vue l’extension de la Fraternité.

« Nous avons reçu une réponse qui ne fait que confirmer la thèse libérale de la “liberté religieuse”, affirmant que c’est “une nouveauté dans la continuité” ! Il est clair que cette attitude est en rupture, disons en schisme, avec la tradition, comme le modernisme condamné par saint Pie X et dont le pape Jean-Paul II est malheureusement imbu. […] La Rome occupée par les modernistes est en rupture ou en schisme de plus en plus clair avec le passé et le Magistère traditionnel de l’Église. Si la Curie romaine était demeurée fidèle, consacrer un évêque sans son autorisation serait faire un schisme, mais quand c’est la Rome occupée par les modernistes qui fait schisme, consacrer des évêques pour garder et continuer le sacerdoce catholique, c’est faire acte de fidélité à l’Église de toujours. »[24]

Puis Mgr Lefebvre se ravise : « j’étais bien décidé à procéder à ces consécrations épiscopales… mon plan était arrêté. Je lance la nouvelle publiquement au 29 juin, à la messe des ordinations, j’annonce ma décision de faire des évêques. Et ma date était arrêtée aussi, c’était le 25 octobre, fête du Christ-Roi, en réponse à l’impiété de Rome : anniversaire d’Assise, cette abomination ! Un an après Assise, eh bien, j’aurais consacré des évêques, manifestant la volonté de continuer notre œuvre contre l’impiété romaine. » [25] Dans l’homélie des ordinations, il avait déclaré : « Rome est dans les ténèbres. Rome ne peut plus actuellement écouter la voix de la Vérité. Rome n’écoute plus la voix de la Vérité. »[26] En juillet 1987, il déclare à la presse : « même s’ils [pape et évêques] ne renient pas explicitement la foi en suivant Vatican II, ils la renient dans les faits, la liberté religieuse et l’œcuménisme étant opposés à la foi traditionnelle. »[27]

Le 10 août, une proposition de Rome l’arrête. On va assister alors à une suite particulièrement pénible de chaud et froid, de paroles fermes et d’actes faibles.

« Je vous assure que, personnellement, ma première réaction ça a été : – “Non. C’est fini”. On a fini avec Rome. Maintenant c’est terminé. On a affaire à des gens qui sont absolument contraires à nos idées. Comment pouvons-nous nous remettre sous l’autorité de ces personnes qui sont contre la Tradition, qui sont des libéraux, des modernistes, qui entraînent le peuple fidèle vers l’apostasie par leur oecuménisme… ? […] Et puis, ma foi, en réfléchissant bien aux propositions qu’ils donnaient… »[28]

On sent que Mgr Lefebvre a envie de sacrer, sans et même contre Rome, mais on sent aussi qu’il n’ose pas encore le faire. Ce qui l’inquiète ce n’est pas tant Rome que la préparation de ses troupes à franchir le Rubicon.

Des paroles fortes, en voici :

« Rome a perdu la foi, mes chers amis. Rome est dans l’apostasie. Ce ne sont pas des paroles en l’air que je vous dis. C’est la vérité. Rome est dans l’apostasie. On ne peut plus avoir confiance dans ce monde-là, il a quitté l’Église, ils ont quitté l’Église, ils quittent l’Église. C’est sûr, sûr, sûr… C’est l’apostasie. Ils ne croient plus à la divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ qui doit régner… Ils ont toujours leur même but, on le sent bien, c’est d’en finir avec la Tradition, d’en finir avec cette messe de saint Pie V. Alors, on la donne un petit peu, mais à la condition que l’on accepte l’autre. Et puis, tout doucement on ramène à l’autre. C’est comme cela… Vraiment, je crois que nous avons affaire à des gens qui n’ont plus l’esprit catholique. C’est un mystère, un mystère inconcevable, invraisemblable. Mais il y a sûrement une clé à ce mystère. Quand le saurons-nous, quand la verrons-nous ?… Que celui qui est assis sur la chaire de Pierre ait fait Assise : inconcevable !… Ce n’est pas possible !… Et personne ne dit rien. Et aucun cardinal n’élève la voix. Tout le monde se tait… C’est l’abomination, vraiment l’abomination… Je pense que l’on peut dire que ces personnes qui occupent Rome aujourd’hui sont des anti-Christ… Ils sont anti-Christ, c’est sûr, absolument certain. Alors, devant une situation comme celle-là, je crois que nous n’avons pas à nous préoccuper des réactions de ces gens-là, qui, nécessairement, sont contre nous. Donc, on peut résumer la situation en disant : “Si vous faites des évêques, vous serez excommunié”. Oui, je serai excommunié. Mais excommunié par qui et pourquoi ? Excommunié par ceux qui sont des anti-Christ, qui n’ont plus l’esprit catholique… C’est affreux de penser à cette situation. C’est un grand mystère… bien sûr, je sais bien que les principes demeurent et que même les circonstances ne peuvent pas supprimer les principes… Mais je pense qu’il faut quand même distinguer entre les principes qui demeurent et auxquels nous devons adhérer, et puis la pratique qui a été suivie, historiquement, au cours de l’histoire. La concrétisation de ces principes a été très diverse… On dira : “même si les circonstances maintenant sont telles, cela ne vous dispense pas… On ne peut rien faire, quand même contre le pape”. Alors, je réponds : Contre le pape qui agit en catholique, c’est vrai… Mais contre un pape qui démolit l’Église, qui est pratiquement un apostat, et qui veut nous rendre apostats, alors je vous demande : qu’est-ce qu’il faut faire ? Faut-il renoncer à la continuité de cette œuvre d’Église pour faire plaisir à quelqu’un qui ne veut plus de la Tradition, qui ne veut plus que Notre-Seigneur Jésus-Christ règne publiquement, qui nous conduit à l’apostasie ?… On ne peut pas s’imaginer le mal qu’a fait Assise dans les âmes… Incalculable, incalculable. Même parmi nos traditionalistes. Beaucoup ne croient plus à l’unicité de la religion… Ils n’ont plus la notion de la vérité, ils n’ont plus la notion de la vraie religion… la vérité avec l’erreur, la vertu avec le vice, les amis de Notre-Seigneur avec les ennemis de Notre-Seigneur ; c’est une abomination, une abomination. C’est cela qui est à Rome maintenant. Ils ne pensent qu’à cela. Ils ne vivent que de cela… Pour le moment ils sont en rupture avec leurs prédécesseurs, ils sont en rupture avec leurs prédécesseurs. »[29]

« S’ils appliquent un œcuménisme absolument aberrant qui fait perdre la foi à des millions de catholiques, comment peut-on dire encore qu’ils sont vraiment catholiques ? »[30]

L’acte faible le voici : l’accord de 5 mai 1988 qui Dieu merci n’a duré que 24 heures.

Mgr Lefebvre, malgré sa clairvoyance passée, signe un accord avec les anti-Christ de la Rome libérale et moderniste. Après une mauvaise nuit, il se rend compte de son erreur, se ravise et sort de ce piège en posant ses conditions à Rome sous forme d’ultimatum. Le Cor unum n°30 de juin 1988 dit que « par une grâce de la Très Sainte Vierge, Mgr Lefebvre perçoit clairement que, malgré le principe reconnu par Rome de l’épiscopat pour un membre de la Fraternité, cet accord n’est pas satisfaisant; aussi écrit-il dès le lendemain 6 mai au cardinal Ratzinger, lui disant sa défiance, du fait que Rome n’a pas voulu fixer une date pour la consécration épiscopale. »

Mgr Tissier de Mallerais précise que Mgr Lefebvre avait dit pendant le colloque à ses deux assistants : « Arrêtons là, je ne veux pas continuer ! Avez-vous entendu le cardinal ? La cohabitation, la minorité dans la Commission et pas de date pour le sacre ! » Dans le Cor unum n°30, Mgr Lefebvre expliquait pourquoi cet arrêt des colloques alors qu’un accord était signé le 5 mai 1988. Il rappelait qu’il n’avait « jamais voulu rompre les relations avec la Rome Conciliaire » mais que ces rapports évoluaient dans « un climat de méfiance ».

« Ils veulent absolument que nous ayons un complexe de culpabilité vis-à-vis d’eux, alors que ce sont eux qui sont coupables de duplicité… Pour Rome, le but des relations était de nous faire accepter le Concile et les réformes et de nous faire reconnaître notre erreur… Devant ma décision de consacrer des Évêquesle cardinal Ratzinger ouvrait de nouveaux horizons qui pouvaient légitimement faire penser qu’enfin Rome nous regardait d’un œil plus favorable. Nous avons accepté alors d’entrer dans ce nouveau dialogue, mais à la condition que notre identité soit bien protégée…. Les colloques qui ont suivi en avril et mai nous ont bien déçus… La Rome actuelle conciliaire et moderniste ne pourra jamais tolérer l’existence d’un vigoureux rameau de l’Église catholique qui la condamne par sa vitalité. »[31]

Les sacres : l’opération survie

« Au moment où j’ai signé le protocole, le secrétaire du cardinal Ratzinger m’a présenté à signer une demande de pardon, reconnaissant mes erreurs. J’aurais dû renier le combat doctrinal que je mène depuis le Concile. »[32]

Mgr Lefebvre se rend compte que le Vatican l’a « mené en bateau » (sic). Ce 5 mai, on lui a « tendu un piège » (sic), « au bout d’un an, la Tradition aurait été annihilée. »[33]

Dans son homélie du 30 juin 1988, Mgr Lefebvre a conscience de poser un acte « historique ». « Cette cérémonie » n’est pas « un schisme » mais un « attachement à l’Église de toujours » et un refus « des erreurs graves qui sont en train de démolir l’Église et de détruire le sacerdoce catholique. » Il dénonce « cette Église conciliaire qui suit des chemins qui ne sont pas des chemins catholiques et qui mènent tout simplement à l’apostasie. » Il lui semble « entendre la voix de tous ces papes depuis Grégoire XVI jusqu’à Pie XII, lui dire : “Mais de grâce, continuez l’Église”. »

« Il est clair que pour le Vatican, la seule vérité qui existe aujourd’hui, c’est la vérité conciliaire, c’est “l’esprit du concile”, c’est l’esprit d’Assise. Voilà la vérité d’aujourd’hui ! Et cela nous n’en voulons pour rien au monde, pour rien au monde ! […] Cela durera ce que le Bon Dieu voudra. Ce n’est pas à moi de savoir quand la Tradition retrouvera ses droits à Rome. Mais je pense que c’est mon devoir de donner les moyens de faire ce que j’appellerai cette opération survie, opération survie de la Tradition. Aujourd’hui, cette journée, c’est l’opération survie, et si j’avais fait cette opération avec Rome en continuant les accords que nous avions signés, et en poursuivant la mise en pratique de ces accords, je faisais l’opération suicide. »

Il déclare pouvoir dire « qu’il n’y a jamais eu une iniquité plus grande dans l’Église que cette journée d’Assise qui est contraire au premier commandement de Dieu et qui est contraire au premier article du Credo » et fait allusion aux apparitions de La Salette où Notre Dame dit que « Rome perdra la foi, qu’il y aura une éclipse à Rome ». Prophétie qui fait écho à celle de saint Jean voyant lors de l’ouverture du sixième sceau « le soleil devenir noir » et « les étoiles du ciel tomber vers la terre, comme les figues vertes tombent d’un figuier secoué par un gros vent. »[34] Si nous connaissons certes la promesse du Christ : “Les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre Elle”, nous savons également que lors de la grande apostasie, beaucoup quitteront l’Église pour apostasier. Des dizaines de millions de fidèles perdront la foi, entraînés par le tiers des étoiles qui a chuté du ciel en se mettant au service de Satan[35].

Au cardinal Ratzinger, Mgr Lefebvre donna comme raison pour faire la consécration épiscopale : « Tout a été désormais préparé pour la cérémonie du 30 juin : hôtels retenus, moyens de transports, location de l’immense tente qui doit abriter le lieu la cérémonie… La déception de nos prêtres et de nos fidèles serait très vive. » Pensait-il vraiment que cet argument avait quelque chose à voir avec la gravité du moment ? Non, car il continuait par ces mots : « Tous souhaitent que cette consécration se réalise avec l’accord du Saint-Siège, mais déjà déçus par les délais antérieurs, ils ne comprendraient pas que j’accepte un nouveau délai. Ils sont conscients et soucieux avant tout d’avoir de vrais évêques catholiques leur transmettant la vraie foi et leur communiquant d’une manière certaine les grâces du salut auquel ils aspirent pour eux et pour leurs enfants. »[36]

Plusieurs indices permettent de penser plutôt à une manœuvre diplomatique de sa part pour obtenir de Jean-Paul II une apparence de légitimité pour les faibles.

1er indice. Sa lettre d’août 1987 parle déjà de « la chaire de Pierre et les postes d’autorité de Rome occupés par des antichrists. »

2ème indice. La conférence du 9 juin 1988[37]. Mgr Lefebvre explique aux séminaristes : « C’est vrai, j’ai signé le protocole le 5 mai, un peu du bout des doigts, il faut bien le dire. » « Moi je n’étais pas pour ces colloques. Bon, on m’a dit : – “Si, si, quand même…” Bon, essayons toujours, on verra bien, quoi !… Bon, je suis entré dans ce mouvement pendant presque douze mois donc, et puis le résultat évidemment ça a été quand même que Rome reconnaisse que nous pouvons avoir un évêque. La Fraternité peut avoir un évêque, ça ne va pas contre les principes romains, même pas contre leurs principes… Donc, c’est quand même quelque chose ! Même si nous n’avions eu que cela, c’est déjà un acquis. Et ça peut, peut-être pour ceux qui sont un petit peu faibles dans leurs convictions, leur donner un petit peu plus de courage pour nous suivre et puis continuer la lutte. »

Une fois de plus, Mgr Lefebvre constatait qu’à Rome, ils « restent ce qu’ils sont » : « des modernistes attachés au Concile » qui « font une Église parallèle ». Mgr Lefebvre sentait très bien que dans l’esprit du cardinal Ratzinger, « ça mettra quelques années peut-être, mais il faudra nous ramener à l’esprit du Concile. » Alors tout de suite « après avoir signé le protocole, pour le mettre en pratique, j’ai posé cette question au cardinal : “c’est pour quand, l’évêque que vous nous promettez… Pour le 30 juin ?”… “Ah ! non, non, ce n’est pas possible, c’est trop proche”… “Le 15 août ?”… “Mais pensez donc, il n’y a plus personne à Rome”… “Mais enfin, à Noël ?”… “Je ne sais pas…” »

Devant cette « mauvaise volonté », Mgr Lefebvre écrit au cardinal, dès le 6 mai, que malgré sa « réelle satisfaction » d’avoir apposé sa « signature au protocole élaboré », il lui est « pratiquement demandé de reporter la consécration à une date ultérieure non fixée » : « Ce serait la quatrième fois que je remettrais la date de la consécration à plus tard. La date du 30 juin était bien indiquée dans mes lettres précédentes comme étant la date limite. Je vous ai remis un premier dossier concernant les candidats. Il reste encore près de deux mois pour établir le mandat… le Saint-Père peut facilement abréger la procédure pour que le mandat nous soit communiqué à la mi-juin. Si la réponse était négative, je me verrais en conscience obligé de procéder à la consécration, en m’appuyant sur l’agrément donné par le Saint-Siège dans le protocole pour la consécration d’un évêque membre de la Fraternité ».

Et ici Mgr Lefebvre arrête la lecture de sa lettre pour faire remarquer aux séminaristes : « Là, je les tenais un peu puisqu’ils avaient signé qu’on pouvait avoir un évêque. Si on peut avoir un évêque, on peut en avoir deux, on peut en avoir trois, on peut en avoir quatre… le nombre importe peu. Ce qui importe, c’est le principe. Ils nous accordent le principe d’évêque pour la Fraternité. Très bien, merci !… »

3ème indice. Son intention de pouvoir sacrer légitimement contre Rome date d’au moins 1983, quand est rendu public le sacre de Guérard des Lauriers (1981) qui sacrera lui-même deux évêques, sans “mandat romain” : Mgr Storck (30.IV.84) & Mgr Mackenna (22.VIII.86)[38].

En effet, la conférence de presse du 15 juin 1988 comportait une « déclaration publique » de Mgr Lefebvre rédigée depuis le 19 octobre… 1983, disant : « L’Église a horreur de toute communion […] avec les fausses religions, avec les hérésies. […] Elle ne connaît que l’unité dans son sein. […] Pour sauvegarder le sacerdoce catholique qui continue l’Église catholique et non une Église adultère, il faut des évêques catholiques. »[39]

1988. La bienheureuse excommunication

« Excommunié par qui ? Par une Rome moderniste qui n’a plus parfaitement la foi catholique, qui ne pense plus catholique, qui n’agit plus catholique ? »[40]

1988, l’année des sacres, c’est aussi l’année de l’excommunication : la plus grave des sanctions. Que font alors les supérieurs majeurs de la Fraternité ? Ils adressent à Rome une lettre ouverte dans laquelle on peut lire :

« Veuillez vous-même juger de la valeur d’une telle déclaration venant d’une autorité qui, dans son exercice, rompt avec celle de tous ses prédécesseurs jusqu’au pape Pie XII, dans le culte, l’enseignement et le gouvernement de l’Église. Pour nous, nous sommes en pleine communion avec tous les papes et tous les évêques qui ont précédé le Concile Vatican II, célébrant exactement la messe qu’ils ont codifiée et célébrée, enseignant le catéchisme qu’ils ont composé, nous dressant contre les erreurs qu’ils ont maintes fois condamnées dans leurs encycliques et leurs lettres pastorales. Veuillez donc juger de quel côté se trouve la rupture. Nous sommes extrêmement peinés de l’aveuglement d’esprit et de l’endurcissement de cœur des autorités romaines. »[41]

Après les sacres, Mgr Lefebvre voit définitivement clair : il n’y aura plus de dialogue en vue d’un quelconque accord. Mais si sa décision reste, une fois de plus, seulement pratique, elle est cette fois-ci irréformable.

« En supposant que d’ici à un certain temps Rome fasse un appel, qu’on veuille nous revoir, reprendre langue, à ce moment-là c’est moi qui poserais les conditions. Je n’accepterai plus d’être dans la situation où nous nous sommes trouvés lors des colloques. C’est fini. Je poserais la question au plan doctrinal : Est-ce que vous êtes d’accord avec les grandes encycliques de tous les papes qui vous ont précédés ? Est-ce que vous êtes d’accord avec Quanta Cura de Pie IX, Immortale Dei et Libertas de Léon XIII, Pascendi de Pie X, Quas Primas de Pie XI, Humani generis de Pie XII ? Est-ce que vous êtes en pleine communion avec ces papes et avec leurs affirmations ? Est-ce que vous acceptez encore le serment antimoderniste ? Est-ce que vous êtes pour le règne social de Notre Seigneur Jésus-Christ ? Si vous n’acceptez pas la doctrine de vos prédécesseurs, il est inutile de parler. Tant que vous n’aurez pas accepté de réformer le Concile en considérant la doctrine de ces papes qui vous ont précédés, il n’y a pas de dialogue possible. C’est inutile. Les positions seraient ainsi plus claires. »[42]

Comme pour Paul VI, Mgr Lefebvre constate que Jean-Paul Il suscite « des problèmes graves à la foi du catholique fidèle » mais il évite toujours de se poser la question sur ce qu’il est.

« Est-il concevable que depuis les années 1960 le Siège apostolique soit occupé par des Papes qui sont la cause de “l’autodestruction de l’Église” et y répandent “la fumée de Satan” ? Évitant même de nous poser la question sur ce qu’ils sont, nous sommes bien obligés de nous poser des questions sur ce qu’ils font et de constater avec stupeur que ces Papes introduisent la Révolution de 89 dans l’Église avec sa devise, sa charte, directement opposées aux principes fondamentaux de la foi catholique. […] Marcel Lefebvre, Écône, le 7 juin 1988. »[43]

Mgr Lefebvre veut « garder un contact » avec cette Rome adultère et préfère penser qu’« il y a quand même un successeur de Pierre », par esprit missionnaire, par charité et pour convertir mais sans se faire beaucoup d’illusions.

« Qui sait si la grâce du bon Dieu ne pourra pas le toucher ? On me dit : “C’est utopique ! Vous n’arriverez jamais à le convertir !” Je ne me fais pas beaucoup d’illusions certes, mais ce n’est pas moi qui peux le convertir, c’est le bon Dieu. »[44]

En 1989, à l’occasion d’une retraite sacerdotale, il insiste en ce sens :

« C’est l’évêque de Rome qui est successeur de Pierre, il est reconnu comme successeur de Pierre par tous les évêques du monde ! […] En ce sens nous nous rattachons à lui et à travers lui à tous ses prédécesseurs. […] Et puis ensuite ce qu’il fait, ce qu’il pense, et les idées qu’il répand, c’est autre chose. […] la solution du sédévacantisme n’est pas une solution : cela pose quantité de problèmes, parce que si depuis Paul VI il n’y a plus de papes, donc les cardinaux qui ont été faits par ces papes sont invalidement faits ; donc les votes qu’ils ont faits en conclave sont nuls ; et qui va rétablir alors le lien avec […] Pie XII. […] Qui va nous désigner le nouveau pape ? […] Je pense que si les autorités de la Fraternité prenaient un jour, tout à coup, la décision : “c’est entendu maintenant, nous affirmons qu’il n’y a pas de pape”, les fidèles ne nous suivraient pas ! »

On retrouve là, mais formulé autrement, « la question de la visibilité de l’Église » de 1979 qui selon Mgr Lefebvre est « trop nécessaire à son existence pour que Dieu puisse l’omettre durant des décades. » Pourtant Mgr Lefebvre n’avait pas hésité à écarter ce problème face à ceux qui voulaient se rallier à Rome : « Cette histoire d’Église visible de Dom Gérard est enfantine. C’est incroyable que l’on puisse parler d’Église visible pour l’Église conciliaire, par opposition à l’Église catholique que nous essayons de représenter et de continuer. »[45]

En 1991, Mgr Lefebvre approche du terme de son pèlerinage terrestre et peut faire le bilan du bon combat de la foi qu’il lui a fallu mener.

« Le Pape actuel et ces évêques ne transmettent plus Notre Seigneur Jésus-Christ mais une religiosité sentimentale, superficielle, charismatique où ne passe plus la vraie grâce de l’Esprit-Saint dans son ensemble. Cette nouvelle religion n’est pas la religion catholique ; elle est stérile, incapable de sanctifier la société et la famille. »[46]

Quelques semaines avant de rendre son âme à Dieu, Mgr Lefebvre est de plus en plus explicite. On n’est pas face à une Église malade, mais bien face à une « autre religion » :

« Bien des évêques et des prêtres, même avant le Concile, avaient déjà une foi bien diminuée. Mais je crois que maintenant ce n’est pas une foi diminuée qu’ils ont, ils n’ont plus la foi dans le surnaturel, dans la grâce, mais ils ont vraiment une autre religion maintenant, maintenant ils ont d’autres principes. Tandis qu’avant le Concile, c’était la perte tout simplement de la foi, de la foi surnaturelle ; ils employaient des moyens purement humains, mais maintenant ils sont dirigés par d’autres principes, par vraiment une autre religion absolument. Et ça, c’est beaucoup plus grave encore parce que, là où la foi diminue on peut espérer qu’on pourrait la faire revivre, lui redonner vie, mais quand on remplace la religion par une autre religion, alors c’est beaucoup plus grave, alors ça a des conséquences considérables. Et c’est à cela que nous assistons actuellement. »[47]

A suivre…

Abbé Olivier Rioult

[1] Sermon de Lille, 29 août 1976.

[2] Mgr Lefebvre, Le Figaro, le mercredi 4 août 1976.

[3] Préface du livre J’accuse le concile.

[4] Mgr Lefebvre, sermon des ordinations, Ecône, 1976.

[5] Lettre de Paul VI à Mgr Lefebvre du 25 juin 1975, dans La condamnation sauvage de Mgr Lefebvre, Itinéraires, décembre 1976, p. 67.

[6] Mgr Lefebvre, Cospec, 24 février 1977.

[7] Mgr Lefebvre, Le coup de maître de Satan, 24 fév. 1977.

[8] Mgr Lefebvre, Cospec 42A, 13 mars 1977.

[9] Mgr Lefebvre, Cospec 60B, 5-10-1978.

[10] Mgr Lefebvre, Cospec 60B, 5-10-1978.

[11] Lettre aux amis et bienfaiteurs n° 16, 19 mars 1979.

[12] Mgr Lefebvre, Cor Unum n°4, 8 Novembre l979.

Le théologien dominicain Guérard des Lauriers ne refusait pas de prier pour le pape, mais il voulait que cette prière soit adaptée aux circonstances, d’où cet Oremus pro Pontifice propre :

« Prions pour notre Pontife Paul, que Dieu le convertisse, qu’Il lui donne la lumière et la force sur terre, afin qu’il ne livre plus l’Eglise aux ennemis de l’Eglise. Prions : Dieu tout-puissant et éternel, ayez pitié de votre serviteur notre Pontife Paul ; dirigez-le par votre puissante Bonté dans la voie du salut éternel ; afin que, par votre grâce, il demeure fidèle à la Vérité, qu’il la proclame en paroles et que de toute sa force il l’accomplisse en Actes. Par le Christ notre Seigneur.

[13] Mgr Fellay, dans sa Lettre aux Amis et Bienfaiteurs n°82 (DICI, 13 avril 2014), au sujet de ces ‘canonisations’, n’a rien trouvé de mieux que de conclure : « nous vous invitons, chers amis et bienfaiteurs, à demeurer fermes dans la foi, et à ne pas vous laisser troubler par ces nouveautés de l’une des plus formidables crises que doit traverser la sainte Eglise. » Or justement ces nouveautés sont troublantes…

[14] Mgr Lefebvre, Cospec 68B, 16 janv. 1979.

[15] Mgr Tissier, Sel de la Terre n° 85 – été 2013, pp. p 3 & 13.

[16] Discours pour la solennité de la réception des reliques de saint Émilien, évêque de Nantes, prononcé par Monseigneur Pie.

[17] Mgr Thuc est né en Indochine en 1897 d’une noble famille profondément catholique. En 1960, Mgr Thuc reçoit le titre d’Archevêque de Hué. Pendant sa présence à Rome, pour le concile Vatican II, le Président Diem, frère de Mgr Thuc, fervent catholique et anti-communiste, est renversé par un coup d’État le 1er novembre 1963. Peu après Diem et toute sa famille sont odieusement massacrés.

Commença alors pour lui une vie d’exil : “ici commencera ma Via Crucis, dans laquelle le Bon Dieu m’indiquera le tournant de ma vie“, commentera plus tard Mgr Thuc (Einsicht, Mars 1982, Munich). Dépourvu de pension il vécut dans la misère, à Rome, Casamari, Arpino, aidant les curés dans leur ministère, jusqu’à ce que des prêtres qu’il avait connus à Ecône l’invitent à se rendre en Espagne, à Palmar de Troya, près de Séville (Noël 1975). Mgr Thuc y sacra Clemente Dominguez et quatre de ses compagnons évêques, le 11 janvier 1976. Plus tard, Mgr Thuc rompra ses liens avec l’Église fondée par Clemente Domínguez y Gómez, considérant que ce mouvement était déviant. En 1978, alors que Paul VI l’obligea à démissionner, il expliquera avoir voulu agir pour protéger l’Église des infiltrations marxistes et modernistes.

Retiré à Toulon, il vivait dans une pauvreté extrême occupant une simple petite chambre. En 1977, il consacre sub conditione et en secret, Mgr Laborie de Toulouse. Le 7 mai 1981, il consacre un prêtre dominicain, Michel-Louis Guérard des Lauriers, puis peu après, deux prêtres mexicains, Moises Carmona d’Acapulco et Adolfo Zamora. En 1982, il consacre Christian-Marie Datessen. Ce dernier a donné naissance à la Fraternité traditionaliste Notre-Dame de Bethléem, vivant sous la règle de saint Benoît, sise à Castelsarrasin. En 1982 toujours, il consacre à Loano province de Savone Dom Luigi Boni et Jean Gérard Roux. Mgr Thuc fut publiquement excommunié par le cardinal Joseph Ratzinger par un mandat de Jean-Paul II en 1983. Étrangement le nom de Mgr Thuc ne fut jamais retiré (jusqu’à l’année de sa mort) de l’Annuaire pontifical, contrairement à celui de Mgr Lefebvre qui avait disparu de cette publication officielle après ses sacres “schismatiques” de 1988.

Au début de l’année 1982, Mgr Thuc déclara publiquement à Munich la vacance du Siège Apostolique :

« […] La seule messe agréable à Dieu est la messe de St Pie V que célèbrent un petit nombre de prêtres et d’évêques dont je fais partie.           C’est pourquoi, dans toute la mesure du possible, j’ouvrirai un séminaire pour les candidats à un sacerdoce agréable à Dieu. En sus de cette messe qui déplaît à Dieu, il y a de nombreux éléments que Dieu rejette, comme par exemple dans l’ordination des prêtres, dans la consécration des évêques, dans le sacrement de la confirmation et dans celui d’extrême onction. En outre, ces “prêtres” professent : 1. le modernisme, 2. un faux oecuménisme, 3. l’adoration de l’homme, 4. la liberté d’embrasser n’importe quelle religion ; 5. ils ne veulent ni condamner les hérésies, ni mettre dehors les hérétiques. Voilà pourquoi, en ma qualité d’évêque de l’Église catholique romaine, je juge que le Siège de l’Église catholique à Rome est vacant, et qu’il est de mon devoir, en tant qu’évêque, de tout entreprendre pour que perdure l’Église catholique romaine en vue du salut éternel des âmes. […] »

Il séjourna ensuite dans le monastère d’un évêque de sa lignée aux États-Unis et fut ensuite enlevé de force par des membres (catholiques) de la communauté vietnamienne réfugiée. Certains témoignages tendraient à démontrer que Mgr Thuc, souffrant de diabète, aurait été “affaibli” par ses “hôtes” (introduction discrète de sucre dans sa nourriture…). Mgr Thuc fut alors “mis au secret” et fort peu de personnes purent obtenir de ses nouvelles jusqu’au 11 juillet 1985 où l’Osservatore Romano publia une “rétractation” de sa déclaration de Munich ainsi qu’une “demande de pardon” pour ses consécrations “illégitimes”. Le journal du Vatican avait annoncé négligemment la mort du vénérable archevêque le 13 décembre 1984 à Carthage (Missouri, USA).

[18] Mgr Lefebvre, Cospec 100-A, 15-03-1983.

[19] Mgr Lefebvre, Conférence aux prêtres, Saint-Nicolas, 13 décembre 1984.

[20] Ecône, 31 août 1985.

[21] Mgr Lefebvre, Cospec 118 A, 15 avril 1986.

[22] Mgr Lefebvre, Préface du livre Ils l’ont découronné ; Écône, le 13 janvier 1987

[23] Mgr Lefebvre, Monde et Vie, 15 mai 1987, p. 13.

[24] Mgr Lefebvre, Monde et Vie, 5 juin 1987, p. 12.

[25] Cospec, 122A, 23 oct. 1987.

[26] Sermon des ordinations sacerdotales, Écône, 29 juin 1987.

[27] Mgr Lefebvre, Monde et Vie, 17 juillet 1987, pp. 12-13.

[28] Cospec, 122A, 23 octobre 1987.

[29] Mgr Lefebvre, Conférence pour la retraite sacerdotale, 4 septembre 1987, Écône.

[30] Mgr Lefebvre, Cospec 125A, 09-06-1988.

[31] Écône, le 19 juin 1988, Marcel Lefebvre.

[32] Mgr Lefebvre, Monde et Vie, 30 septembre 1988, n°470, p. 13.

[33] Mgr Lefebvre, Monde et Vie, 24 juin 1988, p. 13.

[34] Apoc. 6, 12-13.

[35] Les étoiles symbolisent les chefs du peuple chrétien : prêtres et évêques. Les pères divisent le clergé en trois classes. 1er tiers : ceux qui ont la foi et la charité : ils sauvent les âmes. 2e tiers : ceux qui ont la foi mais sans la charité : ils transmettent la foi mais scandalisent. Le 3e tiers : ceux qui n’ont ni la foi ni la charité : ils damnent les âmes.

[36] Mgr Lefebvre, Cospec, 125B.

[37] Mgr Lefebvre, Cospec, 125B.

[38] Si on peut discuter l’opportunité ou le bonheur des sacres effectués par Mgr Thuc et ses successeurs et si on peut ne pas partager leurs opinions théologiques, il est important de noter qu’au regard du droit, ils n’ont eu ni plus ni moins de légitimité que ceux effectués par Mgr Lefebvre et ses successeurs. Tous ont été faits sans “mandat romain”, au nom de la foi mise en danger par les modernistes romains. Cela veut dire par exemple, qu’au simple regard du droit, un Mgr Datessen est tout aussi légitime qu’un Mgr Tissier, un Mgr Dolan est tout aussi légitime qu’un Mgr Williamson, un Mgr Sanborn est tout aussi légitime qu’un Mgr de Galarreta…

De plus, l’Église a déjà eu à transmettre l’épiscopat dans des circonstances très particulières. En 1926, le Père Michel d’Herbigny, sacré lui-même évêque, en passant à Berlin, par le nonce Mgr Pacelli fit, à peine arriver à Moscou, appeler séance tenante le Père Neveu de Donetz sans lui dire pourquoi. Dés son arrivée, le jésuite signifia au père augustin : « vous êtes nommé évêque et je vais commencer la messe à l’instant même en présence du colonel B. que voici et de Mme O. ici présente. L’ordination se fit porte close… » (P. Quénard, allocution à Gien, 16 mai 1954 cité dans Paul Labutte, Yvonne-Aimée de Jésus, FX de Guibert, Paris, 1997)

[39] Mgr Tissier dans Marcel Lefebvre, Clovis, 2002, p. 591.

[40] Mgr Lefebvre, Conférence de presse, 15 juin 1988.

[41] Lettre ouverte à son Eminence le cardinal Gantin, Préfet de la Congrégation des Evêques. Ecône, 6 juillet 1988, Fideliter N° 64. Juillet-Août 1988, pages 11-12.

[42] Mgr Lefebvre, Entretien Fideliter n°66, novembre-décembre 1988, p. 12-13.

[43] Mgr Lefebvre, Postface de “Pierre m’aimes-tu ?”.

[44] Mgr Lefebvre, Conférence à Flavigny, décembre 1988, Fideliter n° 68, mars-avril 1989, p. 12-13.

[45] Fideliter, n° 70 juillet-août 1989, p. 6.

« Je crois qu’il faut vous convaincre de cela : vous représentez vraiment l’Eglise catholique. […] ces derniers temps, on nous a dit qu’il était nécessaire que la Tradition entre dans l’Eglise visible. Je pense qu’on fait là une erreur très très grave. Où est l’Eglise visible ? […] où sont les véritables marques de l’Eglise ? […] Il est clair que c’est nous qui gardons l’unité de la foi, qui a disparu de l’Eglise officielle. […] Ce n’est pas nous, mais les modernistes qui sortent de l’Eglise. Quant à dire « sortir de l’Eglise visible », c’est se tromper en assimilant Eglise officielle et Eglise visible. Nous appartenons bien à l’Eglise visible, à la société des fidèles sous l’autorité du Pape, car nous ne récusons pas l’autorité du Pape, mais ce qu’il fait. […] Sortir, donc, de l’Eglise officielle ? Dans une certaine mesure, oui, évidemment. […] Il faut donc sortir de ce milieu des évêques, si l’on veut ne pas perdre son âme. Mais cela ne suffit pas, car c’est à Rome que l’hérésie est installée. Si les évêques sont hérétiques […] ce n’est pas sans l’influence de Rome. […] Le card. Ratzinger me disait toujours : « Mais Mgr, il n’y a qu’une Eglise, il ne faut pas faire une Eglise parallèle ». Quelle est cette Eglise pour lui ? L’Eglise conciliaire, c’est clair. » Mgr Lefebvre, Ecône, Conférence du 9 septembre 1988.

[46] Mgr Lefebvre, Itinéraire spirituel, Prologue, 1991.

[47] Mgr Lefebvre aux séminaristes d’Écône, le 11 février 1991.