Sélectionner une page

7) Doit-on cesser d’haïr le loup couvert d’une peau de brebis ?

par | Avr 1, 2013 | Amour de la Vérité, Foi

Dans le bulletin du prieuré de Nancy, Le Belvédère, nous avions commencé une série d’articles autour du thème : De l’amour de la vérité et de la haine de l’erreur. La Providence n’ayant pas permis de finir ces articles dans son cadre original, nous remercions La Sapinière de bien vouloir leur permettre de trouver ici une place.

Abbé Olivier Rioult.

____________________________

7) Doit-on cesser d’haïr le loup couvert d’une peau de brebis ?

Loup déguisé en brebis

Pour suivre fidèlement NSJC en ces temps de ténèbres, il faut suivre ces héros qui ont lutté contre la révolution dans l’Eglise en 1962. Parmi eux, une femme : Luce Quenette. Dans un article d’Itinéraire (1) , elle se demandait comment un pensionnat, « où régnait le silence religieux, une tenue et une discipline exemplaires, a pu laisser place à l’indécence des mini jupes, au laisser aller et à l’indifférence religieuse ? Comment se fait-il que, à part une ou deux filles honteuses de leur héroïsme, tout le monde ait suivi le mouvement présidé par « la supérieure » qui était « une ancienne élève du temps des rangs, des silences, des recueillements… »

L’inconcevable s’est accompli en douceur.

« Un pensionnat pieux est devenu une école d’érotisme et de révolution, sans heurts, au milieu des rires, des espoirs, des révisions de vie, et même de l’enthousiasme des parents. Quand ils déchantent, c’est trop tard. […] Il y a eu des inquiétudes, jamais de recul. Quant aux parents plus avisés et pessimistes, on les a aimablement rassurés et désarmés par quelques douces maximes de la douceur révolutionnaire. Par exemple : ‘’Nous ne sommes pas au pied du mur ; les changements ne touchent pas l’essentiel ; plutôt que de se croire seuls détenteurs de la Vérité, il vaut mieux souffrir et obéir ; ceux qui permettent ces changements ont la grâce, moi, je ne l’ai pas ; une humeur rigide et résistante trouble les âmes…’’ Ces quelques phrases (toujours les mêmes, et qui ne datent jamais !) placées avec adresse au milieu des discussions, des indignations, des étonnements produisent un apaisement magique, un désarmement efficace, une lassitude favorable à toutes les acceptations, et progressivement une reposante anesthésie. » (Itinéraire n° 143)

Cette fausse douceur a pour but d’endormir les résistances. On nous conseille de souffrir en obéissant. On se sert de la Croix de Jésus-Christ pour nous abrutir.

« Comme si « souffrir » avait une valeur en soi et absolue. Souffrir d’accepter l’erreur et la destruction progressive de la foi, c’est pécher et non mériter. Obéir aux désobéissants, c’est désobéir. Et donc, au lieu d’endormir dans la passivité, il faut réveiller l’intelligence pour la difficile distinction entre ce qui est dû au pouvoir parce qu’il est légitime, et ce qu’il faut lui refuser quand il est injuste. ‘’Ils ont la grâce’’. Mais, pour un évêque, comme pour tout homme en ce monde, avoir la grâce ne signifie pas : répondre à la grâce. […] Qu’on mesure l’abdication de l’intelligence de ce « ils ont la grâce », advienne que pourra ! » (Itinéraire n° 143)

Si l’argument de « l’optimisme absurde » échoue, il y a l’objection de la « rigidité » :

« On nous oppose un absolu provisoire et trompeur : la tranquillité des gens. Troubler en avertissant d’un danger mortel, troubler en disant : ‘’le flot va vous emporter’’, ou : ‘’voilà l’incendie’’, c’est rigide. C’est manquer de souplesse. Comme si le choc, le réveil, la surprise, l’émotion ne sont pas les avertisseurs naturels. Dire qu’il faut sauter, nager, résister, voilà le mal ? Et non pas le naufrage et la noyade ? Cette paix trompeuse qui est le sommeil dans le désordre, Notre Seigneur l’a maudite quand il a dit : « Je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive. – Ma paix n’est pas celle du monde ». Mais ‘’rigide’’ désarme. On n’ose pas répondre :‘’En révolution, seules les âmes fermes sont préservées, ce sont les accrochés sans défaillance, les crochetés à l’Absolu que le vent révolutionnaire n’emportera pas.’’ » (Itinéraire n° 143)

Mle Luce Quenette

Mle Luce Quenette

Ensuite Mlle Luce propose de faire un exercice : De qui est la déclaration suivante ?

« Nous applaudissons avec enthousiasme aux intentions de ce Pape, grand par l’intelligence, comme nous avons approuvé celles de son prédécesseur, grand par les vertus du cœur. Nous souhaitons ardemment que se réalise l’Unité de la Chrétienté. Nous sommes résolument en faveur de tout ce qui rapproche et déplorons tout ce qui divise. Le monde entier est plongé dans l’angoisse et il cherche avec affolement, à travers les désordres enfantés par notre temps de transition, une lueur annonciatrice d’une nouvelle aurore. Malgré les apparences, il ne nous semble pas possible que l’humanité s’enfonce dans le matérialisme. Les hommes ne peuvent pas vivre et l’humanité ne peut pas progresser sans foi, sans espérance, sans amour. […] Nous appelons cet avenir de toute l’ardeur de notre espérance. Il ne se peut pas d’ailleurs qu’il contredise à notre tradition, qui est la tradition composée des lois universelles et éternelles. […] Il apparaît à Rome que les Évêques du monde entier, s’ils se préoccupent avant tout de réunir les disciples du Christ, regardent prudemment, mais fermement, beaucoup plus loin. La question des relations avec le judaïsme est posée. Nous en parlons à cause de la courageuse initiative du Cardinal Béa. C’est donc vers un universalisme de plus en plus vaste que les Évêques semblent se diriger. Nous espérons que le monde chrétien retrouvera son unité… De tout cœur nous souhaitons la réussite de la « Révolution » de Jean XXIII. » (Itinéraire n° 143)

De quelle tradition s’agit-il donc ? Celle de « la Franc-maçonnerie ! » Qui est l’auteur ? « C’est dans le livre de Yves Marsaudon, écrit Luce Quenette, que j’ai pris ces passages « pieux » indiscernables de tant de propos, décrets et déclarations ecclésiales actuelles. Ce livre : ‘’L’Œcuménisme vu par un Franc-Maçon de Tradition’’ mérite une étude vigoureuse. » Luce Quenette cite un autre passage savoureux :

L'oecuménisme vu par un maçon de Tradition

« Oui, Paul VI ira vraisemblablement beaucoup plus loin que son prédécesseur, il se tient en colloque apostolique avec le monde moderne… Il est évident que l’Église la plus dogmatique devait un jour disparaître ou s’adapter, et pour s’adapter, revenir aux Sources… Que les Chrétiens se souviennent que tout chemin mène à Dieu, et qu’ils se maintiennent dans cette courageuse notion de la liberté de pensée, qui, on peut vraiment parler là de révolution, partie de nos loges maçonniques, s’est étendue magnifiquement au dessus du Dôme de Saint-Pierre ! »

Peut-on blasphémer avec plus de grâce ? Ce style doucereux est ravageur : il apprivoise, il atténue, il efface, il désarme et paralyse insensiblement jusqu’à donner la mort.

« Certains lecteurs déplorent que l’hérésie ne soit pas claire en 1970 comme au XVIe siècle. Là, au moins, dit-on, on savait à quoi s’en tenir. Vue bien naïve – l’hérésie ne parut tout de suite qu’aux yeux bien perspicaces. Dans une étude très intéressante sur Érasme, Marcel Signac montre qu’au début, il n’y avait pas des « croyants » et des « incroyants », mais des étroits et des larges. (2)» (Itinéraire n° 143)

Il est temps, à notre tour, de renouveler l’exercice de Mlle Luce pour voir si nos « yeux » sont « bien perspicaces ». Voici des extraits d’un discours d’un chef d’Etat lors de sa visite en Jordanie. De qui s’agit-il ?

« Mesdames et Messieurs, c’est une grande joie pour moi de vous rencontrer ce matin dans ce lieu magnifique. […] Des lieux de culte, comme cette splendide Mosquée Al-Hussein Ben Talal, se dressent comme des joyaux sur la surface de la terre. […]Tous ces édifices nous orientent vers le Divin, l’Unique transcendant, le Tout-Puissant. A travers les siècles, ces sanctuaires ont attiré des hommes et des femmes dans leur espace sacré pour qu’ils s’arrêtent, qu’ils prient, pour qu’ils reconnaissent la présence du Tout-Puissant et pour qu’ils confessent que nous sommes tous ses créatures. […]

« L’existence de tensions et de divisions entre les membres des différentes traditions religieuses, ne peut être niée. Cependant, ne convient-il pas de reconnaître aussi que c’est souvent la manipulation idéologique de la religion, parfois à des fins politiques, qui est le véritable catalyseur des tensions et des divisions et, parfois même, des violences dans la société ? Face à cette situation, […] musulmans et chrétiens, précisément à cause du poids de leur histoire commune si souvent marquée par les incompréhensions, doivent aujourd’hui s’efforcer d’être connus et reconnus comme des adorateurs de Dieu fidèles à la prière, fermement décidés à observer et à vivre les commandements du Très Haut, miséricordieux et compatissant, cohérents dans le témoignage qu’ils rendent à tout ce qui est vrai et bon, et toujours conscients de l’origine commune et de la dignité de toute personne humaine, qui se trouve au sommet du dessein créateur de Dieu à l’égard du monde et de l’histoire. […]

« Les Chrétiens parlent de Dieu […]. Les Musulmans rendent un culte à Dieu […]. Ainsi, l’adhésion authentique à la religion – loin de rendre étroits nos esprits – élargit-elle l’horizon de la compréhension humaine. Elle protège la société civile des excès de l’égo débridé qui tend à absolutiser le fini et à éclipser l’infini, elle assure que la liberté s’exerce « main dans la main » avec la vérité, et elle enrichit la culture avec des vues relatives à tout ce qui est vrai, bon et beau. […] N’oublions pas […] que le droit à la liberté religieuse dépasse la seule question du culte et inclut le droit aux autres sphères de la vie publique. […]. Merci beaucoup ! »

De qui s’agit-il ? Il s’agit d’un chef d’Etat un peu particulier, celui du Vatican, Benoît XVI, devant les chefs religieux musulmans, le corps diplomatique et les recteurs des universités jordaniennes . Qu’en penser ? Ce discours est digne d’un franc-maçon : même subjectivisme et relativisme. Le langage est doux, désarmant mais faux et hérétique. Benoît XVI parle comme notre franc-maçon de Tradition.

La belle soutane blanche du « saint Père », voilà la peau de brebis, mais enlevez-la et on entend le discours d’un loup ravageur. On peut, de nos jours, reprendre mot pour mot la réponse que Mgr Ducaut-Bourget faisait, au sujet de Paul VI en 1974, à un journaliste qui lui disait « Donc le pape se conduit comme si il n’était pas catholique au fond » : « Exactement, exactement, tout simplement ».Benoît XVI à la Mosquée Bleue d'Istambul

Benoît XVI à la mosquée Bleue d’Istanbul en 2006

Que faire ? Ce que nos anciens ont fait !

« Résister, résister. Comment ? Une seule réponse. Un refrain répété, répétable sans satiété : Prenez les définitions, les déterminations, les précisions doctrinales, le style autoritaire de la Tradition. – Abreuvez votre raison, votre imagination, votre mémoire, votre vo¬lonté de cette parole divine, infaillible, sans bavure, qui doit garder votre âme. Où, où la prendre ? Mon Dieu, est-il possible que vous le demandiez ! Mais dans le catéchisme, voyons, dans le catéchisme du concile de Trente, chaque jour, votre chapitre, vos pages – le contre-poison, la parole faite pour décider à jamais le contenu de la foi, les prières sacrées de la Messe, le Canon, la règle qui ne coule, ni ne glisse, ni ne serpente, mais domine, condamne, ordonne, oblige, redoutable et définitive. »

Mgr François Ducaud-Bourget

Mgr François Ducaud-Bourget

(à suivre) Abbé Olivier Rioult

______________________________

Notes:

[1] La fausse douceur : la serpentine, n° 143.

[2] Écrits de Paris, octobre 1969.