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2) Amour de la vérité et haine de l’erreur chez les saints

par | Avr 22, 2013 | Amour de la Vérité

Saint-Augustin

Saint-Augustin

Pour saint Augustin, « il faut aimer les hommes en sorte de ne pas aimer leurs erreurs ». Certes, mais jusqu’où devra aller notre amour des hommes et notre haine de l’erreur ?

 

Saint Jérôme, pour sauvegarder l’intégrité de la foi, n’hésitait pas à se jeter en des polémiques véhémentes. Il se faisait une gloire d’avoir « mis tout son zèle à faire des ennemis de l’Église ses ennemis personnels. » Dans une lettre à Rufin, il écrivait : « Il est un point sur lequel je ne pourrai être d’accord avec toi : épargner les hérétiques, ne pas me montrer catholique. »[1]


St Thomas
Dans la Somme théologique, l’exposition des erreurs et leur réfutation prennent autant de place, sinon d’avantage, que l’exposition de la vérité. Saint Thomas, dans un opuscule, déclarait : « c’est par la résistance aux contradicteurs que la voie vers la vérité est le mieux ouverte et celle vers l’erreur le mieux fermée »[2].

Saint Vincent de Paul, dans ses Entretiens, mettait en garde contre « ces pauvres prédicateurs qui s’arrêtent à de belles conceptions », « qui ne regardent pas avant toutes choses le profit de leur auditoire ; bien qu’ils voient l’ennemi, ils ne sonnent mot ; ils vous chantent des airs de plaisance, au lieu de crier avec la trompette : ‘‘voilà l’ennemi, sauvons-nous !’’ […] Malheur à celui là, s’il ne crie pas tant qu’il peut ! »

Saint Louis-Marie Grignion de Monfort, rappelant que les « cruelles persécutions du diable augmenteront tous les jours jusqu’au règne de l’Antéchrist », notait :

« Dieu a mis une inimitié, non seulement entre Marie et le démon, mais entre la race de la sainte Vierge et la race du démon : c’est-à-dire que Dieu a mis des inimitiés, des antipathies et haines secrètes entre les vrais enfants et serviteurs de la sainte Vierge et les enfants et esclaves du diable ; ils ne s’aiment point mutuellement, ils n’ont point de correspondance intérieure les uns avec les autres. » (Traité de la vraie dévotion, § 51-59)

Don Felix Sarda y Salvany, dans son livre Le libéralisme est un péché, fait de précieuses remarques sur la charité de la vérité des saints pères et des docteurs de l’Eglise[3]. Les libéraux, remarque-t-il, n’aiment pas la discussion des principes, de peur de subir une irrémédiable défaite. Ils préfèrent accuser sans cesse les catholiques de manquer à la charité dans les formes de leur propagande. Le père bénédictin rappelait quelques principes de Moral à ce sujet :

1°) Le catholique peut traiter ouvertement son adversaire de libéral, s’il l’est en effet : « dire ce que tout le monde sait n’est pas une injure ».

2°) Étant donné que le libéralisme est une chose mauvaise, appeler mauvais les défenseurs publics et conscients du libéralisme, n’est pas un manque de charité.

« Parcourez la collection des auteurs ecclésiastiques, vous y verrez comment les apôtres ont traité les premiers hérésiarques, comment les saints pères, les controversistes modernes et l’Église elle-même dans son langage officiel, les ont imités. Il n’y a donc aucune faute contre la charité à nommer le mal « mal », « méchants » les auteurs, fauteurs et disciples du mal. Le loup a toujours été appelé loup tout court, et jamais en l’appelant ainsi on n’a cru faire tort au troupeau et à son maître. »

3°) Si la propagande du bien et la nécessité d’attaquer le mal exigent l’emploi de termes vigoureux contre les erreurs et leurs propagateurs, cet emploi n’a rien de contraire à la charité. Il faut rendre le mal détestable et odieux. Or, on n’obtient pas ce résultat sans montrer les dangers du mal, sans dire combien il est pervers, haïssable et méprisable. L’art oratoire chrétien de tous les siècles autorise l’emploi des figures de rhétorique les plus violentes contre l’impiété. Dans les écrits des grands athlètes du christianisme, l’usage de l’ironie, de l’imprécation, de l’exécration, des épithètes écrasantes est continuel. Ici l’unique loi doit être l’opportunité et la vérité. Être passionné n’est pas répréhensible quand on l’est par la sainte ardeur de la vérité.

Sat J Baptiste

Saint-Jean-Baptiste

« Saint Jean-Baptiste commença par appeler les Pharisiens : « race de vipères ». Jésus-Christ Notre-Seigneur leur lance les épithètes « d’hypocrites, de sépulcres blanchis, de génération perverse et adultère » sans croire pour cela souiller la sainteté de sa prédication. Saint Paul disait des schismatiques de Crète qu’ils étaient des « menteurs, de mauvaises bêtes, des ventrus fainéants » et appelait Elymas le magicien « séducteur, fourbe, fils du diable, ennemi de toute vérité et de toute justice » […] Saint Jérôme discutant avec l’hérétique Vigilance, qui niait l’excellence de la virginité et du jeûne, lui jette à la face son ancienne profession de cabaretier et lui demande avec son enjouement ordinaire s’il parle ainsi : « Pour ne point porter atteinte au débit de son cabaret. » Grand Dieu ! Quels cris aurait jetés un critique libéral, si un de nos controversistes avait écrit de la sorte contre un hérétique du jour ! »[4]

Saint Jean Chrysostome fit une invective très agressive contre Eutrope. Saint Augustin traita de « trompeur, de menteur, d’esprit faux, de calomniateur et d’imbécile » Julien. Ce n’est pas autrement que s’exprimèrent saint Fulgence, saint Prosper, le pape saint Sirice, saint Ambroise, saint Grégoire de Nazianze, saint Basile, saint Hilaire, saint Athanase, saint Alexandre, évêque d’Alexandrie, les martyrs Corneille et Cyprien, Justin, Athénagore, Irénée, Polycarpe, Ignace d’Antioche, Clément, tous les pères enfin, qui dans les plus beaux temps de l’Église se distinguèrent par leur héroïque charité.

St Bernard

Le doux saint Bernard s’adressant à Arnaud de Brescia, le grand agitateur libéral de son temps, le nommait « séducteur, scorpion, loup cruel ». Le pacifique saint Thomas d’Aquin oubliant le calme de ses froids syllogismes lançait contre Guilhaume de Saint-Amour et ses disciples les apostrophes d’« Ennemis de Dieu, ministres du diable, membres de l’antéchrist, ignorants, pervers, réprouvés. » Le séraphique saint Bonaventure usait, contre Gérald, des épithètes « d’impudent, de calomniateur, d’impie, de fou, de triple sot, d’imposteur, de malfaiteur, de perfide et d’insensé ». Le délicat saint François de Sales déclarait dans son Introduction à la vie dévote : « Les ennemis déclarés de Dieu et de l’Église doivent être blâmés et censurés avec toute la force possible. La charité oblige à crier au loup, quand un loup s’est glissé au milieu du troupeau et même en quelque lieu qu’on le rencontre. »

Les saints pères n’hésitaient pas à combattre l’erreur en discréditant la personne qui la soutenait. Ainsi quand saint Jean Chrysostome veut réfuter le judaïsme, il écrit huit discours contre les juifs : Advervus Judeos.

St J Chrysostome

Saint-Jean-Chrysostome

« Oui, non-seulement cela convient, mais encore cela est indispensable et méritoire devant Dieu et devant la société. […] les idées ne se soutiennent en aucun cas par elles-mêmes, elles ne se répandent ni ne se propagent de leur seul fait […] Les auteurs et les propagateurs de doctrines hérétiques sont des soldats aux armes chargées de projectiles empoisonnés. Leurs armes sont le livre, le journal, le discours public, l’influence personnelle. […] la première chose à faire, la plus efficace, c’est de démonter le tireur. Ainsi donc il convient d’enlever toute autorité et tout crédit au livre, au journal et au discours de l’ennemi, mais il convient aussi, en certains cas, d’en faire autant pour sa personne, oui, pour sa personne qui est incontestablement l’élément principal du combat. Il est donc licite en certains cas de révéler au public ses infamies, de ridiculiser ses habitudes, de traîner son nom dans la boue. Oui, lecteur, cela est permis, permis en prose, en vers, en caricature, sur un ton sérieux ou badin, par tous les moyens et procédés que l’avenir pourra inventer. Il importe seulement de ne pas mettre le mensonge au service de la justice. Les pères que nous avons déjà cités fournissent la preuve de cette thèse. Les titres mêmes de leurs ouvrages disent hautement que dans leurs luttes avec les hérésies, leurs premiers coups furent dirigés contre les hérésiarques. Les œuvres de saint Augustin portent presque toutes en tête le nom de l’auteur de l’hérésie qu’elles combattent : Contra Fortunatum manichaeum ; Adversus Adamanctum ; Contra Felicem ; Contra Secundinum ; Quis fuerit Petilianus ; De gestis Pelagii ; Quis fuerit Julianus, etc. De telle sorte que la majeure partie de la polémique du grand docteur fut personnelle, agressive, biographique, pour ainsi dire, autant que doctrinale, luttant corps à corps avec l’hérétique non moins qu’avec l’hérésie. Ce que nous disons de saint Augustin, nous pourrions le dire de tous les saints pères. »[5]

C’est donc ainsi qu’« il faut aimer les hommes en sorte de ne pas aimer leurs erreurs ».

(à suivre) Abbé Olivier Rioult

 

 


[1] Benoît XV, Spiritus Paraclitus.

[2] Contra pestiferam doctrinani retrahentium hommes a religionis ingressu.

[3] Le libéralisme est un péché, ch. 22, 23 & 27.

[4] Le libéralisme est un péché.

[5] Le libéralisme est un péché.